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Maurice Blondel

Publié le 22/02/2012

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Disciple de Boutroux et de Ollé-Laprune, mais assez original pour que sa doctrine fût appelée le Blondélisme, il a, dès son premier livre qui demeure le plus célèbre, l'Action, essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique (1893), exprimé les idées dont on trouve le lointain aboutissement dans la Philosophie et l'esprit chrétien (1844-46), et qui lui valurent l'hostilité de philosophes universitaires et de catholiques thomistes, avec, il est vrai, les félicitations du pape (1944). Rien ne serait plus facile que d'esquisser de Maurice Blondel un portrait conformiste. Né à Dijon en 1861, mort à Aix-en-Provence en 1949, Blondel n'a pas connu la gloire et les honneurs comme Bergson ; il n'a pas occupé les premières chaires de l'Université ; malgré une vie chrétienne exemplaire, le catholicisme officiel ne l'a pas porté sur le pavois comme Claudel. Néanmoins, il a eu une carrière universitaire plus qu'honorable ; il fut un auteur fécond, influent, commercial ; du côté catholique, les oppositions initiales cédèrent peu à peu devant une estime croissante.

« celui des philosophes de l'existence.

Ou plutôt, c'est Blondel qui le premier a ouvert la voie : l'existentialismecontemporain en appelle à Kierkegaard et à Nietzsche.

C'est fort bien pour le cri et la révolte.

Mais pour la logiqueimmanente à la vie, pour les structures inhérentes à l'existence, il ferait mieux de se recommander de la philosophiede l'action.

Gabriel Marcel n'y a pas manqué.

Heidegger lui-même a lu l'Action dans sa jeunesse, Maurice Merleau-Ponty aussi.

Et même ceux qui ne l'auraient pas lue ont profité du renouveau qu'elle a suscité. Le sujet était inédit ; la méthode également.

On reste stupéfait que Blondel, dès 1893, ait parlé pour son compte dephénoménologie.

Son vocabulaire hésite quelque peu ; il semble parfois assimiler phénoménisme et phénoménologie.Mais le contexte éclaire ses intentions : Blondel est proche de la Phénoménologie de l'esprit de Hegel, très opposéau déterminisme phénoméniste de Taine.

Bien plus, il anticipe, à certains égards, Husserl lui-même et saphénoménologie des essences.

Comme Husserl, il démêle en tout l'élément essentiel, nécessaire et invariable, del'élément accidentel, contingent et changeant.

Comme lui, il ne pose la question de l'être qu'après avoir dégagé lesens de l'être.

Comme lui, il identifie subjectivité et liberté.

Comme lui, il lutte contre le psychologisme (primat duMoi psychologique) et contre l'objectivisme (primat de l'objet par méconnaissance de l'activité spirituelle).

Comme luiencore, il rêve d'allier à un sens aigu de la spécificité des différentes régions de la réalité l'idéal d'une philosophieuniversaliste, servie par une logique démonstrative irrécusable.

Comme lui enfin, mais avant lui, il évoque lecaractère intentionnel des démarches du sujet humain, il esquisse une philosophie du corps, du rapport à autrui, dela réciprocité interpersonnelle amenant la promotion d'un univers culturel.

Sans doute ces ressemblances nesuppriment pas les différences.

Elles prouvent du moins une chose : Blondel a pressenti la plupart des directions oùla pensée philosophique devait s'engager au siècle suivant.

C'est cette puissance de divination qui permet à sathèse de garder actualité et mordant. Sur un autre point, L'Action apportait du neuf.

Blondel entendait décrire l'action humaine sans en rien retrancherd'essentiel.

C'est pourquoi la philosophie, selon lui, doit aborder le problème religieux au même titre que les autresproblèmes.

En refuser l'examen reviendrait à préjuger la solution pour des motifs indignes de l'exigence critique.

Maiscomment étudier la religion sans compromettre ce qu'elle a de spécifique ? Pour répondre à cette question, Blondelinventa la " méthode d'immanence ", amorcée dans L'Action, développée en 1896 dans une " Lettre " retentissantequi priva de sommeil pour longtemps les spécialistes de l'apologétique et de la théologie.

Les controverses quisuivirent furent pour Blondel un gaspillage de forces.

Mais sans elles, les milieux catholiques en seraient restés à unephilosophie peu exigeante.

Blondel a été longtemps leur mauvaise conscience ; il finira par devenir leur bon génie,lorsqu'il aura désamorcé quelques-uns de ses projectiles. La " méthode d'immanence " fit sensation, mais resta incomprise.

Elle consiste à estimer que la foi religieuse,lorsqu'elle s'exprime, ne peut le faire qu'en empruntant à la raison les notions dont elle a besoin.

Ainsi, elle met enavant la notion de " surnaturel " pour rendre compte de la gratuité du salut proposé par le christianisme.

Puisquec'est là un concept élaboré avec les moyens d'expression de la raison, bien que sous la pression d'une expériencereligieuse et à ses fins, le philosophe a le devoir d'examiner ce qu'il signifie et ce qu'il vaut.

Or, à la réflexion, ilapparaît cohérent ; mieux, il apparaît " nécessaire ", c'est-à-dire qu'il répond à une double requête, théorique etpratique : théorique, car il est logique de concevoir que toute communication de l'Absolu à l'homme ne peut êtrequ'un don, le fini n'ayant aucun droit à exiger l'infini ; pratique, car une analyse de l'action concrète atteste quel'homme est finalement déçu par tout ce qu'il peut faire ou obtenir par ses propres forces ; quand il a tout, il resteinsatisfait : signe qu'il y a en lui plus que lui et qu'une grâce secrète travaille déjà sa liberté.

Ainsi, parler desurnaturel à la conscience, ce n'est pas lui annoncer quelque chose d'absurde ni d'irrecevable.

C'est au contrairenommer exactement ce qu'elle attend, bien qu'elle ne puisse se le procurer d'elle-même et qu'elle ait à chercher s'ilexiste en fait une institution religieuse capable de le lui apporter. Devant cette thèse, l'incrédule demeure sceptique : il n'éprouve point le besoin d'un salut de cette sorte.

Le but deBlondel est justement de lui prouver que si.

Il lui montre la précarité de toutes les valeurs sans Dieu ; il le persuadeque sa liberté reste limitée tant que la pure liberté de Dieu ne la délivre pas.

Pages éloquentes et passionnées, à lamanière de Pascal.

Mais là n'est point le plus neuf de la position blondélienne. Le théologien, lui, regimbe et proteste pour un autre motif.

Il craint que Blondel, quoi qu'il dise, ne veuille placerdans la nature de l'homme une exigence du surnaturel.

Blondel a passé cinquante ans à rejeter ce grief.

C'étaitdonner beaucoup d'importance à des erreurs de lecture. En fait, la découverte de Blondel en tout ceci, c'est qu'une philosophie de la religion est possible, normale,obligatoire, lors même qu'on l'applique au dogme chrétien, tenu par ses adeptes comme d'origine révélée.

En effet, lecorps de la religion, son expression, son organisme conceptuel (voire logico-mythique) est nécessairement pris de lapsychologie et de l'histoire humaines.

Culturellement, il ne peut être qu'immanent.

Cela ne blesse aucunement satranscendance spirituelle, car celle-ci est d'un autre ordre.

Elle est l'âme de la religion, elle est l'Absolu, l'Ineffable,présent dans l'expérience religieuse en acte, se laissant désigner par le relatif, exprimer par le discours.

Si l'on a soinde distinguer, d'une part, les valeurs vivantes qu'atteint la démarche religieuse (et qui restent le secret de chaqueconscience), d'autre part, les représentations et les schèmes dont se sert l'homme religieux, il n'y a plusd'inconvénient à livrer à l'examen philosophique le corps expressif de la religion.

L'ensemble structural des dogmes etdes rites est ainsi réintégré dans la philosophie, tout comme l'ensemble structural des notions et des conduites quicaractérisent l'agir en général.

Second coup d'audace de Blondel : la religion comme l'action rentre dans laphilosophie, au nom d'une même immanence qui veut que toute expression humaine soit prise d'un même tissuintelligible.. »

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