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Mon impuissance par rapport au temps ?

Publié le 15/02/2004

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temps
d'être renversé à nouveau. »Le temps tel que se le représente la science historique (et aussi le christianisme qui a une perspective historique : la création, le pêché, la Rédemption) est  irréversible. Chaque instant est vécu, puis englouti à jamais. Le temps ainsi représenté est comme une ligne parcourue par un mobile qui ne revient jamais en arrière. NIETZSCHE récuse cette image moderne de la temporalité  et retrouve l'image que les philosophes antiques se faisaient du temps. Le temps était pour eux plutôt comme un rythme, comme un parcours circulaire qui sans cesse repasserait par les mêmes endroits ; non pas un point mobile sur une ligne, mais un point décrivant toujours le même cercle dans une course infinie, « toujours recommencée » comme dit Valéry. Le temps, disait Platon, c'est « l'image mobile de l'éternité immobile ». Les stoïciens avaient expressément formulé ce thème : pour eux, au terme d'un cycle de plusieurs millions d'années, à la suite d'une conflagration universelle, tout le cours du temps recommençait avec les mêmes péripéties...« Ne te jetterais-tu pas... le démon ?
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« Notons d'abord ici que ce qui intéresse NIETZSCHE dans l'Eternel Retour c'est l'effet de cette croyance sur l'homme qui en serait pénétré. Le thème est envisagé non plus dans une perspective cosmologique (comme dans la pensée antique) mais dans une perspectiveexistentielle, psychologique, et morale.

C'est de moi, c'est de ma vie dont il s'agit : « Cette vie, tu devras la revivre ».

La question est de savoir si nous sommes capables de supporter cette pensée de l'Eternel Retour.

L'homme qui a la révélation de l'éternel retour est tentéde maudire le démon.

Car l'éternel retour nous condamne à accepter, pour l'éternité, toutes les épreuves qui nous sont advenues et qui, éternellement, se reproduiront.

D'où l'aspect terrifiant de cette sorte d'immortalité qui nous est promise.

Calypso , après le départ d' Ulysse pleurait à la pensée qu'elle était immortelle, condamnée pensait-elle à souffrir sans fin.

Pour supporter l'éternel retour il faudraitl'avènement d'un homme d'une force morale et d'un courage inouï.

On voit ici comment les deux thèmes fondamentaux dunietzschéisme, le thème du surhomme et de l'éternel retour sont étroitement liés.

Le surhomme c'est avant tout l'homme qui seraitcapable de regarder en face l'éternel retour, de dire au démon qui le lui a révélé : « Tu es un dieu... ». « ...

Cette pensée te transformerait...le plus lord sur ton agir !...

» Le thème de l'éternel retour est fondamentalement un thème éthique.

Même si la répétition cyclique n'est qu'une possibilité, une simplehypothèse non prouvée, « sa seule pensée pourra nous transformer » comme la croyance à l'enfer agissait profondément sur les hommes du moyen âge.

Mais tandis que le mythe de l'enfer nous invitait à confronter sans cesse nos actes à la loi extérieure au nom de laquellenous serions jugés, à vérifier dans la crainte et le tremblement la conformité de notre existence au diktat d'une volonté étrangère,l'hypothèse de l'éternel retour nous demande seulement de nous confronter nous-mêmes à nous-mêmes, de savoir ce que nous voulonsde notre volonté la plus profonde, de « vivre de telle sorte que nous voudrions revivre de même et ainsi de suite jusqu'en éternité » (« Vdp », II, $245).

On pourrait exprimer en ces termes le commandement unique de l'éthique nietzschéenne : Agis toujours de telle sorte que tu acceptes le retour éternel des actes que tu as, dans cette vie, jugé bon accomplir.

Morale « immoraliste » puisqu'il n'y a ici aucune obligation transcendante, puisque la morale de NIETZSCHE nous dit seulement : « Deviens ce que tu es », morale extrêmement rigoureuse puisque poser un acte c'est le poser pour toujours, la croyance à l'éternel retour donnant à cette vie éphémère une terriblegravité.

Le mythe de l'éternel retour sert de pierre de touche, d'épreuve inexorable à l'immanence du vouloir : « Si dans tout ce que tu veux faire tu commences par te demander : est-il sûr que je veuille le faire un nombre infini de fois ? Ce sera pour toi le centre de gravitéle plus solide. » L'éternel retour n'est qu'accessoirement chez Nietzsche un thème cosmologique.

C'est pourquoi il est futile de chercher à le réfuter comme si c'était une affirmation scientifique.

Cette hypothèse doit être considéré plutôt comme propre à changer mon attitude à l'égardde la vie.

C'est donc un thème éthique.

L'éternel retour est l'équivalent d'une sanction éternelle, une sanction immanente.

Il confère àchacun de mes actes le sérieux de l'éternité..

c'est également un thème mystique.

L'éternel retour est la confirmation éternelle de cettevie présente.

NIETZSCHE se veut pieux devant le Dieu de la vie.

L'éternel retour est une propédeutique à l'adoration inconditionnelle de cette présente vie..

Le nietzschéisme est un panthéisme mystique. Adoration de la vie à travers ses énigmes et ses souffrances, la philosophie tragique de NIETZSCHE est une philosophie de la joie. Peut-être le mythe est-il suggéré par l'apparente réversibilité du temps de la nature que les poètes ont opposée bien souvent àl'irréversibilité du temps humain : tandis que je vieillis, le printemps revient.

Mais ce rajeunissement perpétuel n'est qu'apparence carles plantes, la terre, les étoiles vieillissent aussi.

En fait le temps ne saurait être envisagé comme un simple rythme, comme unparcours circulaire qui sans cesse repasserait par les mêmes endroits.

Le temps n'est pas comme le voulait Platon dans le « Timée » « l'image mobile de l'éternité immobile », et l'irréversibilité demeure son caractère essentiel. Mon impuissance tragique à l'égard de l'irréversible temporelle se révèle à la fois dans les expérience qui me mettent en face dupassé et dans celles qui m'orientent vers l'avenir : la torture du remords exprime mon impuissance à l'égard du passé : j'ai fait unchoix jadis, librement, me semble-t-il : j'aurais eu la possibilité d'agir autrement.

Mais aujourd'hui je n'y puis rien, ce qui est fait estfait.

L'acte qui m'apparaissait libre lorsqu'il n'était qu'un projet devant moi est aujourd'hui accompli sans retour possible.

Par lesortilège cruel du temps mon acte est devenu destin.

L'acte de ma liberté, en devenant un acte passé, s'est métamorphosé enfatalité : « L'épuisement des possibles transforme peu à peu l'espérance en regret, la marge de l'espérance ne cesse de s'amenuiser au devant de nous .» dit Dostoievski . A la torture du remords répond, devant l'avenir, la torture de l'attente.

Dans le temps , tous voyagent à même allure et je ne puisaccélérer le cours des heures qui me séparent du rendez-vous de demain.

Le pourrais-je d'ailleurs je le regretterais peut-être carj'abrégerais ma vie.

Anatole France cite à ce sujet un conte oriental plein d'intérêt.

Un enfant obtient d'un génie du ciel le « privilège » d'abréger les moments ennuyeux de l'existence.

Ecolier, il ne conserve que ses récréations et précipite le temps des cours ; puis ildemande d'abréger la durée de son service militaire, le temps de ses études pour épouser la femme qu'il aime, puis de voir grandirses enfants, ensuite de se trouver à la retraite, enfin d'abréger une vieillesse importune.

Il n'avait, au total, vécu que quelque jours.« Comment des années si courtes se fabriquent-elles avec des journées si longues ? » ( Jankélévitch ).

En définitive, l'avenir m'angoisse parce qu'il contient ma mort.

« Dès qu'un homme est né il est assez vieux pour mourir », et le risque de la mort se profile à l'horizon de tous mes possibles. « L'irréversibilité constitue pourtant le caractère le plus essentiel du temps, le plus émouvant, et celui qui donne à notre vie tantde gravité et ce fond tragique dont la découverte faite naître en nous une angoisse que l'on considère comme révélatrice del'existence elle-même, dès que le temps lui-même est élevé jusqu'à l'absolu.

Car le propre du temps, c'est de nous devenirsensible moins par le don nouveau que chaque instant nous apporte que par la privation de ce que nous pensions posséder etque chaque instant nous retire : l'avenir lui-même est un indéterminé dont la seule pensée, même quand elle éveille notreespérance, trouble notre sécurité.

Nous confondons volontiers l'existence avec ses modes et, quand ce sont ces modes quichangent, il nous semble que l'existence elle-même s'anéantit. Le terme seul d'irréversibilité montre assez clairement, par son caractère négatif, que le temps nous découvre une impossibilitéet contredit un désir qui est au fond de nous-mêmes : car ce qui s'est confondu un moment avec notre existence n'est plus rien,et pourtant nous ne pouvons faire qu'il n'ait point été : de toute manière il échappe à nos prises.

[...] Or c'est justement cettesubstitution incessante à un objet qui pouvait être perçu d'un objet qui ne peut plus être que remémoré qui constitue pour nousl'irréversibilité du temps.

C'est elle qui provoque la plainte de tous les poètes, qui fait retentir l'accent funèbre du « Jamais plus »,et qui donne aux choses qu'on ne verra jamais deux fois cette extrême acuité de volupté et de douleur, où l'absolu de l'être etl'absolu du néant semblent se rapprocher jusqu'à se confondre.

L'irréversibilité témoigne donc d'une vie qui vaut une fois pourtoutes, qui ne peut jamais être recommencée et qui est telle qu'en avançant toujours, elle rejette sans cesse hors de nous-mêmes, dans une zone désormais inaccessible, cela même qui n'a fait que passer et à quoi nous pensions être attaché pourtoujours.

» Lavelle.. »

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