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Nammâlvâr

Publié le 22/02/2012

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Nammâlvâr signifie " Notre Saint " dans la langue du pays tamoul, comprenant la Côte de Coromandel et l'extrême sud de la péninsule indienne. Celui qu'on appelle ainsi dans les milieux vichnouites de ce pays se nommait en réalité Mâran, fils de Kâri. Sa famille appartenait à la caste des Vellalar, rangée par la classification brahmanique dans la classe des çûdra, la plus basse des quatre que reconnaît cette classification au-dessus des catégories inférieures, ou même la dernière, comprenant précisément ces catégories inférieures. Mais il s'en faut de beaucoup au pays tamoul que la classification brahmanique s'applique réellement et les Vellalar sont, en fait, en dehors des brahmes, une aristocratie. Kâri était de Tengurugûr dans le Tirunelvelli, à l'extrême sud de la péninsule, ville dont la gloire de son fils devait faire Alvârtirunagari, la " Cité Fortunée du Saint ". Il paraît avoir exercé des fonctions ministérielles auprès du roi Parantâka de la dynastie des Pândya (765-815).   La dévotion vichnouite était déjà ardente alors au pays tamoul. Kâri prit femme dans une pieuse famille vichnouite et la légende veut que dans l'enfant du couple se soit incarné Vishnu lui-même, en la forme de Vishvakshena, " Celui dont l'armée s'étend partout ", qui dirige le monde et combat les méchants. Le trait importe, car il atteste la croyance que dans toute grandeur et toute sainteté humaine se manifeste, non une qualité de l'homme, mais un attribut de l'Être suprême. Or cette croyance est répandue largement même en dehors du vichnouisme, jusque dans le Bouddhisme relativement tardif, dont les " bouddhas vivants " sont bien connus. En outre, c'est la grâce divine qui produit les incarnations par lesquelles a lieu le salut des hommes, même celui des méchants abattus, car l'élan de ces derniers, quoique de rage et non d'amour, les porte vers la Divine Existence, refuge et salut.

« ancienne et la plus prestigieuse, au moins en principe, de l'Inde.

Il est " l'upanishad tamoule ", dramidopanishad, et ila été, comme tel, traduit en sanscrit et abondamment commenté en tamoul, en sanscrit et en un jargon techniquemixte, mêlant les mots sanscrits et parfois les formes grammaticales sanscrites aux phrases tamoules, jargon qu'onappelle manipravalam, c'est-à-dire " perle et corail ".

Là paraît un autre mélange, celui de la spéculation ontologique et de la dévotion passionnée, ou plutôt là éclate lesentiment émerveillé, caractéristique de la pensée de Nammâlvâr, de la présence de l'Être absolu à la portée del'humain.

Le Vedânta classique avait découvert cet Être absolu.

Dans la personne humaine, dans le corps vivant et pensant, ilvoyait un groupement coordonné, mais fait d'éléments contingents et passagers, autour de la notion d'un " moi "délimité et exclusif des autres " moi " comme du monde extérieur.

Il refusait naturellement d'y voir un êtrepermanent, autonome, et éternel.

Mais il constatait dans tous les " moi " et dans toutes choses réelles, fût-ce dansles faits n'existant qu'en imagination, le substrat commun de l'existence.

En celle-ci, il voyait l'Être, dont l'essenceétait précisément d'être existence sans plus, qu'il appelle d'ailleurs exactement " l'Existant " ( sat , participe présent neutre du verbe " être ") et dont tous les êtres empiriques n'étaient que des modes accidentels, qu'il nomme deschoses " devenues " ( Bhûta ).

A l'attachement au moi, représenté par les activités et sentiments rapportés à un centre momentané, il opposait la connaissance du Soi universel que l'esprit de l'homme rejoint en franchissant labarrière du moi et en le reconnaissant unique en soi-même et partout.

Cette connaissance promettait un salut par évasion de la condition humaine.

Comme la psychotechnique du yoga oudu bouddhisme, qui façonne le corps psychique transmigrant et lui ôte finalement ses impulsions à transmigrer, pourle faire échapper à la nécessité même de la transmigration, la connaissance védântique supprimait l'appétitd'engagement dans la vie et orientait le moi individuel vers le Soi universel, présent dans ce moi particulier, mais ledépassant par l'universalité et se trouvant donc tout à la fois immanent et transcendant.

Elle pouvait totalementdévaloriser la condition humaine et elle l'a fait.

Mais elle ne l'a pas fait toujours et nécessairement.

La pure logique des principes simples y aurait incité et y conduisait parfois.

Celle d'une réflexion attentive aux faitscomplexes — plutôt qu'un vulgaire " instinct de conservation " qui aurait rendu inconséquent avec les principes —maintenait la valeur de la vie.

Ontologiquement inférieurs en plénitude à l'Existant Universel, les phénomènescontingents n'en participent pas moins de lui, en tant qu'ils existent.

Le Monde regagne à être supporté parl'Existant en soi ce qu'il perd à être reconnu inconsistant par rapport à lui.

L'erreur mondaine ne consiste pas àcroire au monde contingent, mais à ignorer sa contingence et son substrat nécessaire.

La connaissance du primatde l'Existant en soi ne nie pas le monde : elle le met à son rang.

C'est pourquoi celui qui sait peut continuer à vivredans le monde, à agir dans le contingent.

Cessant d'être dupe de l'illusion qui le fait prendre pour le réel suprême, ilpeut le manier pour ce qu'il est.

Et la célèbre Bhagavadgîtâ enseigne qu'il doit le faire pour rester dans l'ordre naturel des choses, pour accomplir les devoirs de sa condition.

Il n'est pour lui que de ne point s'arrêter au moi, au mien età l'autre, et de reporter à sa source vraie l'élément de réalité qui est dans le monde, en son action et en tout.

Mais l'Existant universel auquel se rapporte tout le monde sensible, prend, pour l'homme restant dans la sensibilitéde ce monde, la figure de Dieu.

Il est pour lui spécialement Vishnu, " l'Omniprésent ", et le donné phénoménal toutentier est, du point de vue humain, manifestation fantasmagorique de lui.

Cela aussi la Bhagavadgîtâ l'enseigne et elle donne le culte, l'adoration et l'amour comme une conduite, ou mieux un yoga menant à lui (IX, 34).

C'est de làque partent Nammâlvâr, et les autres saints vichnouites.

A leur époque, mieux encore que dans la philosophie du Mahâbhârata , dont fait partie la Bhagavadgîtâ , la vie restait valorisée dans la tradition du pays tamoul.

Un ouvrage tamoul que Nammâlvâr connaissait comme la Bhagavadgîtâ , le recueil des Kural de Tiruvalluvar, peignait en sentences les idéaux de la vie : le bon ordre, l'intérêt et l'amour.

Il posait Dieu comme le principe de tout, ainsi que la voyelle a est le principe de toutes les lettres.

Il révérait les sagesqui renoncent au monde, mais plaçait au-dessus de tout le bon ordre naturel qui assure la prospérité et la vie defamille, perfection de la société.

Nammâlvâr, philosophiquement et sentimentalement, va plus loin que les grandes œuvres qui l'ont en partie inspiré.Plus que tout autre, il conçoit la nécessité de l'omniprésence universelle unique et partout la trouve.

Plus que toutautre aussi, il se voue à elle, mais cela ne le rejette pas hors du monde, ne le force pas à rejeter lui-même son moi.En ce monde et en ce moi, il la voit et il l'aime et il se complaît parce qu'elle est présente.

Il se complaît ets'émerveille devant le paradoxe de sa transcendance et de sa proximité.

Lieu commun de toutes les existences de l'univers, l'Existant en soi, parce qu'il est l'unique réalité est aussi,pareillement, le lieu commun de toutes les activités, de tous les aspects de cet univers.

Toutes choses sont doncmanifestations de lui, comme l'enseignait déjà une école vichnouite florissante, celle du Pâncarâtra, et de tout ledivers il est l'unité.

C'est là la certitude sur laquelle mettra plus tard l'accent la doctrine de Râmânuja (XIIe siècle)et qui fera considérer son védânta comme l'affirmation de la " non-dualité " dans le différencié ( viçishtâdvaita ) par opposition à la doctrine de Çankara (IXe siècle) qui insiste sur la non-dualité tout court et sur l'ignorance quiattarde dans la considération du différencié au détriment de celle de la réalité plénière.

Nammâlvâr, lui, d'avanceconciliait tout en voyant justement dans le différencié la réalité plénière, car il est entièrement pénétré d'elle oun'existe pas.

Le néant même relève d'elle, autrement il ne serait pas.

Être ou néant, tout est donné de l'expérience,tout est en forme de présence ou en forme d'absence, mais par l'Existant, unique en deux dispositions :" Si on dit qu'il est, il est avec pour sa forme, ces choses formées que voici.

Si, Lui qui est, on dit qu'il n'est pas,. »

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