Devoir de Philosophie

Nature et société sont-elles au même titre objet de science ?

Publié le 23/03/2005

Extrait du document

3. - Le but qu'on se propose d'atteindre (cf. un objectif). OBJECTIF / OBJECTIVITE: Caractère de ce qui existe indépendamment de la conscience. Caractère de ce qui est établi sans aucun jugement de valeur. Dans le domaine de la connaissance, l'objectivité est réalisée quand l'esprit constitue un objet de pensée pouvant en droit faire l'accord des esprits (universalité). En ce sens, la notion est synonyme de rationalité. Opposée à la subjectivité, elle requiert l'impartialité du sujet connaissant et exige la mise en oeuvre de procédures d'observation et d'expérimentation garantissant la validité des opérations relevant de l'investigation scientifique dont l'objectivité ne sera précisément méritée qu'à ce prix. NATURE :1° L'inné par opposition à l'acquis (nature opposée à culture, ou chez les anthropologues anglo-saxons nature opposée à nurture); 2° Essence, ensemble des propriétés qui caractérisent un objet ou un être (la nature de l'homme par exemple); 3° L'ensemble des phénomènes matériels, liés entre eux par des lois scientifiques. En ce sens, le naturel peut s'opposer au surnaturel qui désigne une intervention transcendante de la divinité; 4° Spinoza distingue la nature naturante, c'est-à-dire la substance infinie et la nature naturée, les divers modes par lesquels s'exprime cette substance.

La question est à la fois épistémologique (comment se constitue une science de la société?) et philosophique (quel impact la réponse peut-elle avoir sur notre compréhension de la société et de notre place au sein de cette dernière ?). La question est de savoir si la société doit constituer un « empire dans un empire «, un domaine réservé échappant aux investigations scientifiques.

• « Objet de science «

Cette expression est un peu provocatrice lorsqu'on l'applique à la société humaine, réputée composée de sujets libres et non d'objets. La méfiance qui s'éveille à l'énoncé de cette question traduit une crainte à propos de notre liberté:veut-on nous transformer en choses ? D'où l'importance de réfléchir à la portée et aux conséquences de cette approche.

« En 1895, Durkheim considère qu'il convient de « considérer les faits sociaux comme des choses », ce qui sous-entend que les faits sociaux ne sont pas exactement des choses, mais ce qui permet néanmoins de transposer dansleur étude certaines méthodes qui ont amplement fait leurs preuves dans les sciences de la nature : découpage etrepérage des phénomènes à étudier, observation et analyse qui doivent mener à la formulation de lois déterminantles phénomènes.

Un tel programme méthodologique est évidemment obligé de renoncer à tout espoird'expérimentation : la sociologie ne peut qu'observer ce qui a lieu, ou attendre qu'autre chose ait lieu.

Quelle quesoit l'efficacité que lui attribue Durkheim, il oblige à souligner deux différences supplémentaires relativement auxsciences de la nature.La première concerne la position même du chercheur.

Le physicien fait bien partie du monde qu'il étudie, mais cen'est pas le monde dans son ensemble qu'il cherche à connaître : son approche se cantonne à un phénomène « local», qu'il peut considérer « objectivement » parce qu'il lui est totalement étranger.

Pour le sociologue, la situationn'est pas exactement équivalente : il fait partie du social, ce qui signifie aussi qu'il possède, en tant qu'individu, desvaleurs, qu'il est membre d'une classe, d'un groupe, d'une profession.

En d'autres termes, il ne bénéficie d'aucuneextériorité – ou d'une extériorité très partielle.

Son « objectivité » n'est pas celle du physicien (même si cettedernière n'est pas aussi absolue qu'on le pensait classiquement : on sait que certaines observations perturbent leschamps observés) et relève plutôt de l'honnêteté intellectuelle, de l'effort pour se dégager de sa propre mentalitéavant d'aborder un domaine d'étude.En second lieu, la science de la société risque, non seulement de dépendre idéologiquement de la société danslaquelle elle se développe, mais aussi d'avoir des conséquences, à court ou moyen terme, sur cette même société.L'existence de sociologues se réclamant du marxisme (quelle qu'en soit la version) ou qui lui sont au contrairehostiles suffit pour indiquer le mélange de science et d'idéologie que risque toujours d'être la sociologie (d'où ladiversité des résultats portant sur une même question, selon que l'étude est menée aux États-unis, en Russie ou enEurope...).Parce que la réalité sociale est faite à la fois de comportements collectifs et de conduites individuelles, la sociologiepeut aussi modifier ce qu'elle étudie.

Interroger une population sur ses choix politiques, ce peut être inviter unepartie de cette population, jusqu'alors indifférente, à choisir effectivement.

Porter à la connaissance du public lesdéterminismes qu'il peut subir, c'est modifier sa conscience et, peut-être, ses conduites.

On sait que telle est dumoins la position de Pierre Bourdieu « En énonçant les déterminants sociaux des pratiques [...] le sociologue donneles chances d'une certaine liberté par rapport à ces déterminants.

» Dans ce cas, on constate donc que lesociologue ne se contente pas d'analyser la réalité sociale : il prétend agir sur elle. [III.

Science et efficacité] Il n'a jamais été interdit à un scientifique de prétendre agir dans la société ou politiquement.

Mais lorsqu'unphysicien ou un biologiste signe une pétition ou, profitant de sa notoriété, fait connaître un engagement politique,c'est (ou ce devrait être) en tant qu'individu privé, car on ne voit pas que la physique ou la biologie donnent unecompétence sociopolitique particulière, ni qu'elles puissent agir directement sur la réalité sociale.

Tout autre peutêtre la position éventuelle du sociologue, puisque la connaissance de plus en plus précise des déterminants sociauxdonne en effet les moyens d'influer sur la réalité sociale (c'est bien pourquoi les organismes de publicité sont friandsde données sociologiques).

Dans le domaine de la société, la connaissance va de pair avec l'efficacité ou l'action.On dira peut-être que les sciences de la nature sont dans une situation équivalente.

Continuer à admettre qu'ellesse seraient développées par pur souci de comprendre le monde semble désormais assez naïf, et l'on admet plutôtque le savoir est étroitement lié au pouvoir sur la nature, jusqu'à évoquer l'existence d'un universtechnoscientifique, dont l'appellation suffit à indiquer que la science ne peut se prétendre étrangère à sesapplications techniques.

Il n'en reste pas moins que c'est dès ses débuts (chez Comte) que la sociologie estclairement tournée vers l'efficacité sociale : cette finalité fait en quelque sorte partie de sa définition, alors qu'ellen'est apparue que progressivement dans les sciences de la nature. [Conclusion] Il est possible de considérer que c'est précisément parce que les sciences de la nature avaient fait la preuve de leurefficacité que s'est formé au XIXe siècle le projet d'étudier à son tour l'homme de manière scientifique, dans lamesure où les transformations sociales en cours rendaient cette connaissance urgente en raison des problèmesqu'elles posaient (d'organisation du travail, de maintien des équilibres sociaux) – auxquels la philosophie, qui nes'était pas privée depuis Platon d'évoquer la société à sa manière, ne pouvait évidemment pas répondre.

Si lessciences de la nature impliquent que celle-ci soit exploitable ou transformable à satiété, il serait évidemmentfâcheux que la sociologie implique une conception équivalente de l'homme : on doit au moins se demander au profitde qui pourrait se faire une semblable exploitation ou transformation.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles