Ne se souvient-on que de soi ?
Publié le 09/05/2012
Extrait du document
Sans doute, on peut reconnaître, à côté de cette mémoire spontanée qui enregistre tout naturellement les faits qui nous ont frappés, une mémoire volontaire et systématique : celle qu'utilise l'écolier pour apprendre une leçon de mémoire. Ici, on ne voit pas cet intérêt vital de la mémoire spontanée et on ne peut pas dire que, lorsqu'il récite sa leçon, l'élève ne se souvient que de lui-même. Mais ce cas n'infirme qu'en apparence l'idée générale que nous avons émise ; on peut même dire qu'elle la confirme.
«
A.
Exposé.
- La mémoire, estime notre auteur, ne nous
donne pas les choses elles-mêmes
dont nous nous souvenons :
elle s'arrête aux impressions enregistrées autrefois.
Ainsi,
quand je me souviens d'un édifice détruit par la dernière guerre
ou d'un ancien professeur récemment décédé, ce
n'est pas cet
édifice lui-même ou ce professeur qui m'est présent, puisque
l'un
et l'autre ne sont plus.
Il en est d'ailleurs de même quand
je songe à des choses qui existent encore : à 500 kilomètres,
les bâtiments de
la Sorbonne qui sont toujours debout n'ont
pas plus d'action sur mon
esprit que les murs, maintenant
détruits, de l'ancienne Université de Caen.
Dans le véritable
souvenir, j'en suis réduit à une impression subjective, par consé
quent
à quelque chose du sujet, à quelque chose de moi.
Je ne
me souviens donc que de moi-même.
De plus, si nous étudions ces traces laissées en notre
esprit par les objets, nous verrons reparaître les circonstances
dans
lesquelles elles furent gravées : la Sorbonne, celui-ci ne
la connaît que par quelques vues d'un film d'actualités à la
projection duquel il assista il y a quelques semaines ; pour un
autre, l'aspect de sa façade de la rue des Ecoles
est familier,
car il la voit matin et soir en allant au lycée Louis-le-Grand.
Ainsi, non seulement les souvenirs sont quelque chose de nous,
mais encore
ils sont intimement liés à notre histoire.
B.
Discussion.- Bien que cette conception ait de sérieuses
apparences pour elle, nous
ne pouvons l'accepter.
a) Sans doute, les souvenirs ne sont pas complètement
indépendants du sujet: nous l'avons dit et nous y reviendrons,
nos souvenirs sont bien nôtres.
D'autre part, il
faut le reconnaître, les arguments apportés
par les partisans de
cette conception subjectiviste de la mé
moire ne sont pas sans valeur: si l'objet du souvenir n'est pas
présent, il
faut bien, sous peine de se contenter d'explications
verbales, admettre que
l'esprit, quand il se souvient, se reporte
au substitut de l'objet, à l'impression subjective 'aissée par
celui-ci.
b) Néanmoins, si,
à la manière des phénoménologues, nous
étudions les
faits sans préjugés, avec la seule préoccupation
de nous rendre naïvement présents
à ce qui se passe, nous
constaterons un fait,
tout aussi paradoxal peut-être que 1 'affir
mation de Royer-Collard, mais qui aura l'avantage
d'être un
fait et non le résultat d'une spéculation..
»
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