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Nietzsche, Aurore (1881), Livre III, § 173 et § 206, trad. J. Hervier, Gallimard

Publié le 01/02/2014

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nietzsche

«  Dans la glorification du ’travail’, dans les infatigables discours sur la ‘bénédiction du travail’, je vois la même arrière pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, ce qu’on sent aujourd’hui, à la vue du travail – on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir -, qu’un tel travail constitue la meilleure des polices, qu’il tient chacun en bride et s’entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l’indépendance. Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l’amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières. Ainsi une société où l’on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l’on adore aujourd’hui la sécurité comme la divinité suprême. – Et puis ! épouvante ! Le «  travailleur  «, justement, est devenu dangereux ! Le monde fourmille d’‘individus dangereux’ ! Et derrière eux, le danger des dangers – l’individuum ! […] Êtes-vous complices de la folie actuelle des nations qui ne pensent qu’à produire le plus possible et à s’enrichir le plus possible ? Votre tâche serait de leur présenter l’addition négative : quelles énormes sommes de valeur intérieure sont gaspillées pour une fin aussi extérieure ! Mais qu’est devenue votre valeur intérieure si vous ne savez plus ce que c’est que respirer librement ? Si vous n’avez même pas un minimum de maîtrise de vous-même ? «

 

Nietzsche, Aurore (1881), Livre III, § 173 et § 206,  trad. J. Hervier, Gallimard, 1970.

Quel est le sens ou la logique du travail ? Le travail est-il une valeur ? Ou plus exactement quel est le statut et la fonction du travail au sein de la culture ? À quoi sert le travail ? C’est-à-dire quelle est la fin ultime du travail dans notre civilisation ? Nietzsche ne conduit pas malgré le ton sarcastique et ironique une critique de la notion de travail. Il ne nie pas que le travail soit une nécessité sociale. Ce qu’il remet fondamentalement en cause c’est ce qu’il nomme la « glorification du travail «. En effet, il tente présentement une remontée sur le travail érigé comme valeur, qui plus est, comme valeur de toutes les valeurs. Il s’en prend ainsi à l’idéologie dominante, notamment au marxisme pour qui le travail est en quelque sorte le moteur de l’histoire. Nietzche ne s’oppose pas frontalement au socialisme, mais à toute idéologie  et à toute théorisation qui ne voit le travail que comme la seule source d’enrichissement, une valeur en soi dont les autres valeurs en découleraient. Par-delà les approches historiques du travail, Nietzsche opère un retour à l’origine du travail par une critique oblique de sa glorification. 

nietzsche

« Quel est le sens ou la logique du travail ? Le travail est -il une valeur ? Ou plus exactement quel est le statut et la fonction du travail au sein de la culture ? À quoi sert le travail ? C’est -à -dire quelle est la fin ultime du travail dans notre civilisation ? Nietzsche ne conduit pas malgré le ton sarcastique et ironique une critique de la notion de travail.

Il ne nie pas que le travail soit une nécessité sociale.

Ce qu’ il remet fondamentalement en cause c’est ce qu’il nomme la « glorification du travail ».

E n effet, il tente présentement une remontée sur le travail érigé comm e valeur, qui plus est , comme valeur de toutes les valeurs.

Il s’en prend ainsi à l’idéologie dominante, notamment au marxisme pour qui le travail est en quelque sorte le moteur de l’ histoire.

Nietzche ne s’oppose pas frontalement au socialisme, mais à tou te idéologie et à toute théorisation qui ne voit le travail que comme la seule source d’enrichissement, une valeur en soi dont les autres valeurs en découleraient.

Par -delà les approches historiques du travail, Nietzsche opère un retour à l’origine du tra vail par une critique oblique de sa glorification.

Au fond, il s’agit pour lui de comprendre les raisons pour lesquelles cette activité utilitaire est devenue la servante à des fins politiques.

Sa méthode ne réside pas à une condamnation expresse d’une idé ologie quelconque, mais à convoquer les motifs qui expliquent cette valorisation du travail tout en détruisant sa véritable nature.

Pourquoi valoriser le travail si celui- ci était déjà une valeur ? Quels sont alors les ressorts de cet éloge inconditionnel du travail ? Cette généalogie érigée comme méthode d’interprétation entend faire voler en éclats le soubassement réel qui se voile à travers ce discours glorificateur.

La racine essentielle de cette trompeuse valorisation du travail consiste en « la peur d e tout ce qui est individuel ».

Mais en quoi le travail serait -il un instrument de lutte contre ce qui est proprement individuel ? La lexie théologique dont il use est une manière indirecte de déconstruire la « bénédiction du travail ».

Cette survaloris ation du travail conduit les nations à une quête sempiternelle, à l’efficacité de tout labeur, à la rentabilité à tout prix et à la productivité effrénée au détriment de la joie d’être.

Cette emprise du travail fait de l’individu un être policé, docile, à n’être d’un rouage dans la machine de production.

La vision selon laquelle le travail est une valeur suprême, un caractère essentiel à l’être de l’homme, l’élément déterminant pour l’épanouissement de l’individu est une ruse pour que l’individu se sacrifie au profit de la collectivité.

Nietzsche s’attache moins aux conditions historiques du travail comme le fera Marx, son contemporain.

Il ne déplore pas la situation sociale, économique des travailleurs, il s’attaque directement à la logique économique qui e xplique cette dégradation du travail, le passage du travail émancipateur et épanouissant à un travail destructeur de notre authentique humanité.

Nietzsche démonte le discours qui sacralise l’activité laborieuse et dénonce l’idée fallacieuse que seul le travail serait le tremplin à un auto- dépassement de soi pour une humanité plus élevée.

Alors que le travail en son essence est libérateur, il est devenu étrangement au cours de l’histoire, une aliénation qui rend étranger l’individu à lui -même.

Aussi le probl ème est de savoir ce qui masque cette prétendue « glorification du travail » ? Le philosophe du soupçon détecte une visée cachée du travail de conditionner les hommes pour les plier à une discipline sociale.

Le travail est dénoncé comme fonction policière, en tant que volonté politique d resser les individus tout en éteignant en eux la. »

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