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Peut-on avoir peur de soi-même?

Publié le 10/02/2005

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On a peur de sa propre folie, de ses propres passions La passion comme notion : la passion vient du terme latin « patior », qui signifie « subir », « être contraint ». Cette notion désigne un obstacle à ma liberté et à ma santé morale et intellectuelle. Elle est une « aliénation », au sens strict de « folie », car le passionné ne se possède plus lui-même : il appartient à sa passion, qu'elle soit politique ou amoureuse, par exemple. Un phénomène condamné par la tradition : la passion paralyse en effet la clairvoyance et elle entrave l'instrument classique de la liberté, la raison. Elle introduit un combat entre ma volonté rationnelle et mes désirs, elle produit un déchirement de moi-même qui m'ôte la maîtrise de ma personne. C'est pour cela qu'elle est condamnée dans la tradition chrétienne comme dans la tradition platonicienne. Les passions violentes sont souvent perçues comme une aliénation, une folie passagère. Tout le monde a peur d'en être victime. Je est un autre que l'on peut craindre Cette expression est de Rimbaud, dans la Lettre du Voyant (1871). "Je est un autre", s'écrie le poète, qui s'est pris comme sujet d'étude, en s'appliquant à dérégler méthodiquement tous ses sens pour faire surgir en lui de l'inconnu.

« Il s'agit ici d'une citation extraite du dernier livre de Descartes, LesPassions de l'âme, écrit à la demande de la princesse Elisabeth, etpublié en 1649.

Il est évidemment préférable, pour traiter un tel sujet,de connaître la théorie cartésienne des passions.Descartes donne à « passion » son sens étymologique : « ce qui estsubi par » et l'oppose à « action ».

Les passions sont des affections del'âme causées par le corps.

Autrement dit, ce qui est passion pour l'âmeest action du corps.

Toutes les passions ont leur point de départ dansles objets qui « meuvent les sens ».

Partant de là, Descartes distinguesix passions fondamentales : l'admiration, l'amour, la haine, le désir, lajoie, la tristesse.Un objet qui nous surprend par sa nouveauté provoque en nous del'admiration (l'admiration peut devenir estime si c'est la grandeur del'objet qui nous frappe, mépris si c'est sa petitesse ; magnanimité ouorgueil si c'est nous-mêmes que nous admirons, humilité ou bassesse sic'est nous-mêmes que nous méprisons).Lorsque l'objet admiré nous apparaît bon, nous avons pour lui de l'amour; mauvais, nous avons pour lui de la haine.Avec le temps, ce n'est plus la nouveauté de l'objet qui nous attire.Dès lors, l'objet de l'admiration devient objet du désir (si on croit avoirdes chances de gagner cet objet, le désir devient espérance ; en cascontraire, le désir devient crainte.

Quand nous sommes presque assuré de l'issue de notre désir, on a ou bien de l'assurance, si l'on pense que cette issue sera heureuse, ou bien dudésespoir, si l'on pense que cette issue sera malheureuse.

Selon qu'on croit que l'événement dépend ou nonde nous, on peut éprouver de l'irrésolution, voire de la lâcheté, ou au contraire de la hardiesse). Un bien présent excite en nous de la joie, un mal présent de la tristesse (l'envie et la pitié sont deux espècesde la tristesse.

Quand nous estimons à tort ou à raison qu'autrui est indigne de posséder un objet qui exciteen lui de la joie, nous l'envions.

Lorsque nous voyons autrui souffrir d'un mal non mérité, nous éprouvons pourlui de la pitié).On remarquera que par « passions », Descartes entend, en fait, ce qui relève de l'affectivité (sentiments).Bien considérées, Descartes trouve les passions presque toutes bonnes, et tellement utiles à cette vie que «notre âme n'aurait pas sujet de vouloir demeurer jointe à son corps un seul moment, si elle ne pouvait lesressentir » (Lettre à Chanut, novembre 1646).

A condition toutefois que l'âme s'en rende maître.

Or les âmesles plus faibles, n'ayant pas une volonté éclairée par des « jugements fermes et déterminés touchant laconnaissance du bien et du mal », se laissent emporter par les passions présentes, lesquelles, « étantsouvent contraires les unes aux autres », mettent l'âme « au plus déplorable état qu'elle puisse être ».

Ainsi :« Lorsque la peur représente la mort comme un mal extrême et qui ne peut être évité que par la fuite, sil'ambition, d'un autre côté, représente l'infamie de cette fuite comme un mal pire que la mort; ces deuxpassions agitent diversement la volonté, laquelle obéissant tantôt à l'une, tantôt à l'autre, s'opposecontinuellement à soi-même, et ainsi rend l'âme esclave et malheureuse.

»Mais Descartes l'affirme : « Il n'y a point d'âme si faible, qu'elle ne puisse étant bien conduite acquérir unpouvoir absolu sur ses passions.

» Comment ? Par un bon usage des associations.

Le principe en est rappelépar Descartes, dans l'article 136 des Passions de l'âme : « Il y a une telle liaison entre notre âme et notrecorps que lorsque nous avons une fois joint quelque action corporelle avec quelque pensée, l'une des deux nese présente point à nous par après, que l'autre ne s'y présente aussi.

»On peut donc maîtriser les passions en corrigeant, selon les cas, une association désagréable par uneassociation agréable, ou une association agréable par une association désagréable.

Exemple : si, en présenced'un danger, je suis toujours envahi par un sentiment de peur et que je prends la fuite, je peux remédier àcela : il suffit que je m'efforce, grâce à l'habitude, d'associer à la fuite la représentation de la lâcheté ou de lahonte.

Mon âme, cette représentation fortement imprimée en elle, me disposera à affronter le danger aveccourage.L'âme n'est donc pas impuissante.

Elle peut réagir et opposer aux passions qui sont nuisibles une pensée ouune volonté contraire.

Ce remède relève du dressage : celui des animaux nous en donne maints exemples.

Ils'adresse aux âmes les plus faibles.

On ne saurait, malgré son efficacité, s'en contenter.

Il faut, lorsque c'estpossible, corriger les passions par la raison.

Pour cela, il faut comprendre en quoi elles sont utiles.

Ellesincitent d'abord l'âme « à consentir et contribuer aux actions qui peuvent servir à conserver le corps ou à lerendre en quelque façon plus parfait ».

C'est ainsi que, généralement, la douleur nous avertit de ce qui estnuisible au corps et le plaisir de ce qui est utile.

Mais surtout, « elles fortifient et font durer en l'âme despensées, lesquelles il est bon qu'elle conserve, et qui pourraient facilement sans cela en être effacées » (art.74).

Ainsi, par exemple, l'admiration : « ...

fait que nous apprenons et retenons en notre mémoire les chosesque nous avons auparavant ignorées; car nous n'admirons que ce qui nous paraît rare et extraordinaire; etrien ne nous peut paraître tel que parce que nous l'avons ignoré, ou même aussi parce qu'il est différent deschoses que nous avons sues » (art.

75).Il est facile, dès lors, de voir que le mal qu'elles peuvent causer « consiste en ce qu'elles fortifient etconservent ces pensées plus qu'il n'est besoin, ou bien qu'elles en fortifient et conservent d'autres auxquellesil n'est pas bon de s'arrêter » (art.

74).

C'est donc à la raison d'en corriger les excès.

Ainsi, l'admiration peutêtre excessive si elle n'est qu'une aveugle curiosité pour tout ce qui est rare et surprenant.

De même, le désirpeut être mauvais, s'il n'est pas guidé par la connaissance.

On peut y arriver en distinguant parmi les choses. »

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