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Peut-on considérer la non-violence comme une violence ?

Publié le 17/01/2022

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Il s’agit de s’interroger sur l’ambiguïté de terme « non violence «, qui se définit toujours par rapport à la violence. En effet, ce sujet joue sur l’opposition des termes. Poser cette question remet en question la notion même de « non violence «, qui est à l’évidence perçue par nature comme quelque chose de différent de la violence, quelque chose de contraire. Cependant, on peut se demander si, en adoptant une attitude non violente, on n’adopte pas sans le savoir une attitude contraire aux objectifs premiers, une attitude elle-même violente ou dont les conséquences le sont. La non violence ne peut-elle pas être une autre forme de violence ? Une violence, par exemple, de la passivité, de la non-action ? Il s’agira donc au cours du développement de préciser cette idée et de déterminer comment la non violence peut prendre malgré l’objectif qu’elle poursuit au départ, qui est de lutter sans employer les mêmes armes que la violence, le visage d’une violence, une violence plus dissimulée, une violence d’une nature différente de celle à laquelle nous sommes accoutumés et qu’il nous est d’ordinaire facile de discerner.
  • Violence : Double racine : violentia : « abus de la force « et Violare :
 
« agir contre «, « enfreindre le respect dû à une personne «. La violence ne caractérise pas un acte ou un fait indépendant et isolé. Rien n’est violent en soi mais tout dépend du contexte, de l’amont qui précède le geste, des raisons qui l’ont provoqué. La violence n’existe que par ce contexte et elle est déterminée par le regard extérieur qui est porté sur elle. En effet, suivant le point de vue d’où l’on se place, un même acte peut être bon ou néfaste.
 
  • Non violence : contrairement au terme « violence «, la naissance du terme « non violence « peut se dater historiquement. La non violence émerge du contexte historique indien et traduit deux termes gandhien : ahima, « abstention de toute violence « et satyagraha, « méthode d’action qui permet de lutter sans violence contre la violence «.
  • Peut-on : évoque la possibilité, l’éventualité. Est-il possible de considérer la non violence comme une violence ? Est ce que c’est envisageable ? Ou est-ce au contraire une ineptie ?
  • Comme : comparaison, rapprochement, assimilation de deux termes dans un premier temps opposés l’un à l’autre.

« 2- Cependant, la non-violence est aussi un moyen de lutte et de réaction a) Le prince de Machiavel veut agir bien.

Les fins qu'il poursuit sont bonnes ; c'est au niveau des procédés et desmoyens qu'il justifie le mal et la violence.

Le moraliste objectera que l'immoralité des moyens rejaillit nécessairementsur la fin poursuivie elle-même.

Faire la guerre contre les fauteurs de guerre, c'est se ranger, qu'on le veuille ou non,dans le camp des guerriers.

Exercer la violence contre les violents, même pour mettre fin à leurs abus, c'est certesles imiter, mais c'est surtout généraliser le règne de la violence.La violence, même quand elle est au service de la justice, est en quelque sorte l'aveu d'une défaite, puisqu'aucunautre moyen n'a été trouvé pour défendre une cause légitime.

La véritable force est celle qui, sans violence, par leseul rayonnement de ses convictions, ferait triompher, partout et avec l'assentiment de tous, le règne du droit.Vladimir Jankélévitch (1903-1985) écrit dans Le pur et l'Impur (1960) : « Il ne serait pas exagéré de définir laviolence : une force faible.

C'est la force qui s'oppose à la faiblesse : la violence, elle, s'oppose à la douceur ; laviolence s'oppose si peu à la faiblesse que la faiblesse n'a souvent pas d'autre symptôme que la violence ; faible etbrutale, et brutale parce que faible précisément.

» b) Ambiguïté même du terme non violence.

Il est négation, refus, il se dresse contre la violence, mais par cetteattitude même de protestation il contient une forme de violence, si par violence on entend non pas, violence commeabus de la force mais violence comme réaction envers une situation, comme « agir contre », se dresser. Il s'agit ici de montrer comment la non violence est rattachée dans son émergence même à la violence, commeréaction ou justification. Tout d'abord, le terme de non violence est né dans un contexte historique violent en Inde: un contexte de lutteanti-coloniale instauré par Gandhi, lutte qui cependant ne veut pas se muer en guerre coloniale. Résistance civile s'applique à lutter politiquement et socialement sans avoir recours à des moyens violents.

Cettedoctrine s'appuie sur une vive critique de la violence.

Il s'agit donc de lutter en respectant les éléments de cettecritique, ce qui peut s'avérer difficile. Exemples : La résistance anti-nazis en Europe. Le mouvement des mères de la place de mai à Buenos Aires en Argentine : les mères de disparus la tête couverted'un linge blanc pour rappeler les langes de leurs enfants morts, tournent sur la place pendant une demi-heure tousles jeudi, en silence, pour protester contre la dictature et la disparition de leurs enfants. Ainsi, dans son contexte d'origine, la non violence est quand même un moyen de lutte, né pour protester contre unabus, contre une violence, sans employer les mêmes moyens. 3- Quand la non violence engendre la violence Tout « abstention » ou « non acte » qui envoie des signaux et produit soit un chantage, soit une prise en otaged'autrui, même sans utiliser les formes classiques de la violence, peut être considéré comme une violence Exemple : le boycott économique d'un pays. Le non-interventionnisme est parfois plus violent dans ses conséquences, qu'une intervention violente.

Par exemple,en temps de génocide, la non violence peut se traduire par une attitude de neutralité : non violence descollaborateurs passifs qui sans pour autant forcément torturer ne se soulèvent pas contre le dictateur. Exemple : l'opération turquoise organisée par l'ONU au Rwanda en 1994 : pas de prise de position possible.

Lesmilitaires ne peuvent pas vraiment venir en aide aux populations sous prétexte que cela serait interprété comme uneprise de position politique suivant le camp aidé.

En ce sens, ils apparaissent aux victimes pire que des bourreaux.

Laneutralité prend un visage atroce et violent. Enfin, un système entièrement non-violent engendrerait une paix totalitaire, qui est la violence la plus radicale, quiinterdit tout conflit et toute revendication. De plus, l'absence totale de violence est impossible sinon on aboutit à un totalitarisme ou aucune valeur ne peuts'affirmer par rapport à une autre.

En effet, c'est aussi ce que peut permettre la violence : affirmer des idéaux,comme par exemple pendant la révolution française, c'est un idéal de liberté et d'égalité qui est revendiqué et quel'on affirme par la violence. 4- Limites de la non-violence Faut-il pour autant adopter une éthique de la non-violence ? Gandhi lui-même – qui s'en fit le promoteur en Inde etopposa avec succès une résistance passive et non violente au colonialisme britannique – remarque : « Lorsqu'on ale choix uniquement entre la lâcheté et la violence, je crois que je conseillerais la violence ».La violence ne peut être exclue à tout prix par le moraliste, parce que nous vivons dans un monde où la violenceexiste déjà et partout.

La morale, faite pour élever, n'est pas faite pour exiler.

Reconnaissons que l'idéal de non-violence absolue est impensable sans contradiction.

Admettons, s'il ne s'agit que de ma personne, que j'ai le droit deme laisser immoler sans résistance par l'ennemi injuste.

Mais si je refuse de me porter au secours de mon ami. »

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