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Peut-on dire qu'on ne connaît personne sinon par amitié ?

Publié le 24/02/2004

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La véritable amitié, nous dit Montaigne, n'est pas un commerce entre deux personnes séparées, car dans l'amitié, il n'y a plus de séparation (d'esprit, sinon de corps) entre les amis : dans la véritable amitié, les âmes des amis ne « s'entretiennent » pas, elles « se mêlent et confondent l'une en l'autre, d'un mélange si universel, qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes ». C'est dans cette fusion même des âmes que « l'amitié se nourrit de communication », et celle-ci est communication réciproque des plus « secrètes pensées ». Évoquant La Boétie, Montaigne nous explique : « Aucune de ses actions ne me saurait être présentée, quelque visage qu'elle eût, que je n'en trouvasse incontinent le ressort. Nos âmes ont charrié si uniment ensemble, elles se sont considérées d'une si ardente affection, et de pareilles affections découvertes jusques au fin fond des entrailles l'une de l'autre, que, non seulement je connaissais la sienne comme la mienne, mais je me fusse certainement plus volontiers fié à lui de moi qu'à moi. » Une affinité mystérieuse. Mais encore une fois nous retrouvons la même question fondamentale : est-ce parce que je connais déjà autrui que je l'aime ou est-ce parce que je l'aime que je le connais ? Montaigne ne pense pas que l'amitié résulte d'une connaissance discursive d'autrui, mais la croit due à quelque « force fatale ». L'amitié est quelque chose d'inexplicable parlant toujours de son ami La Boétie, Montaigne observe : « Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en répondant: parce que c'était lui ; parce que c'était moi. » L'amitié naît d'une attirance réciproque entre les êtres, d'une affinité élective, qu'Aristote nommait sympathie.   [L'amitié parfaite, c'est-à-dire purement désintéressée, est rarement réalisée.

« des amis ne « s'entretiennent » pas, elles « se mêlent et confondent l'une en l'autre, d'un mélange siuniversel, qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes ».

C'est dans cette fusion mêmedes âmes que « l'amitié se nourrit de communication », et celle-ci est communication réciproque des plus «secrètes pensées ».

Évoquant La Boétie, Montaigne nous explique : « Aucune de ses actions ne me sauraitêtre présentée, quelque visage qu'elle eût, que je n'en trouvasse incontinent le ressort.

Nos âmes ont charriési uniment ensemble, elles se sont considérées d'une si ardente affection, et de pareilles affectionsdécouvertes jusques au fin fond des entrailles l'une de l'autre, que, non seulement je connaissais la siennecomme la mienne, mais je me fusse certainement plus volontiers fié à lui de moi qu'à moi.

» Une affinité mystérieuse. Mais encore une fois nous retrouvons la même question fondamentale : est-ce parce que je connais déjàautrui que je l'aime ou est-ce parce que je l'aime que je le connais ?Montaigne ne pense pas que l'amitié résulte d'une connaissance discursive d'autrui, mais la croit due àquelque « force fatale ».

L'amitié est quelque chose d'inexplicable parlant toujours de son ami La Boétie,Montaigne observe : « Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'enrépondant: parce que c'était lui ; parce que c'était moi.

» L'amitié naît d'une attirance réciproque entre lesêtres, d'une affinité élective, qu'Aristote nommait sympathie.

[L'amitié parfaite, c'est-à-dire purement désintéressée, est rarement réalisée.

Elle recouvre le plussouvent un intérêt personnel réciproque, et ne sert que l'image que l'on veut donner de soi-même.] Amitié et utilitéL'amitié repose bien plus sur l'utilité qu'il n'y paraît.

Bien souvent, nous nous leurrons nous-mêmes ensympathisant avec des personnes avec lesquelles nous ne nous sentons pas vraiment d'affinités.

Selon LaRochefoucauld, «ce que les hommes ont nommé amitié n'est qu'un ménagement réciproque d'intérêts, et qu'unéchange de bons offices» (Maximes). L'amitié est le masque de l'amour-propreEn réalité, nous nous comportons avec nos amis de manière à ce qu'autrui nous considère.

L'ami n'est alorsque le miroir censé refléter de nous ce que nous en attendons.

Selon Pascal, «on ne fait que s'entre-tromperet s'entre-flatter.

Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence»(Pensées).

L'amitié repose sur une illusion. L'amitié ignorante d'autruiIl ne va pas de soi que l'amitié soit en quelque manière une connaissance d'autrui.

Dans l'Éthique à Nicomaque(VIII.

2 et suiv.), Aristote définit l'amitié comme une bienveillance réciproque, et en distingue trois sortesselon leurs motifs respectifs, à savoir le plaisir, l'utilité ou le bien moral, lequel définit l'amitié parfaite.

L'amitién'est donc pas alors une forme de connaissance d'autrui, mais elle « naît des qualités identiques et semblablesqui existent chez les deux amis » et d'une communauté d'intérêts.

En d'autres termes, ce n'est pas l'amitié quim'ouvre la voie de la connaissance d'autrui, mais c'est la reconnaissance d'autrui comme semblable à moi quiouvre la voie à l'amitié : je ne connais pas autrui parce que je l'aime, mais je l'aime parce que je le connais.L'amitié n'est pas une forme de connaissance, elle en est le résultat.

D'ailleurs, on pourrait même considérerque, dans l'amitié, la connaissance d'autrui est au fond peu importante, voire négligeable, dès lors que l'onconsidère que l'amitié la plus achevée consiste en un accord sur le bien moral.

Ainsi les stoïciens jugeaient-ilsqu'on ne peut réellement parler d'amitié qu'à propos de l'attachement des sages en raison de l'identité de leursagesse.

C'est ce qu'exprime Cicéron lorsqu'il écrit que « l'amitié n'est autre chose qu'un parfait accord desentiments sur les choses divines et humaines » encore qu'il ajoute «joint à une bienveillance et à unetendresse réciproques » (De l'amitié, VI).

Mais cette bienveillance et cette tendresse découlent naturellementde la sagesse partagée.

La connaissance d'autrui, dès lors, paraît bien superflue. La sympathie n'est pas connaissance.Comment puis-je partager les états d'âme d'autrui, ses joies et ses souffrances, observe M.

Scheler, si je n'aipas une connaissance préalable de ses sentiments ? Pour sympathiser avec autrui, il faut auparavant que je lecomprenne et la compréhension implique la connaissance.

Ainsi la connaissance paraît devoir toujoursprécéder la sympathie.

« Ce n'est pas par sympathie que j'acquiers la connaissance des souffrances d'autrui,mais cette connaissance doit déjà exister pour moi pour que je puisse la partager.

»La seule connaissance qui opère dans la sympathie est en réalité une reconnaissance, celle de l'existenced'autrui.

La sympathie implique en effet l'intention de ressentir ce que l'autre sent.

Elle exige donc que l'autresoit posé en tant qu'autre.

Dès lors elle ouvre non sur la connaissance de ce qu'est l'autre, mais sur la. »

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