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Peut-on douter de tout ?

Publié le 16/01/2005

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Le sceptique affirme qu'il est impossible à la raison d'affirmer ou de nier quoi que ce soit, elle ne peut parvenir à la connaissance vraie des réalités. Il doutera donc des affirmations de la raison. «Tout échappe à la compréhension», dit Sextus Empiricus. [Le doute absolu est une contradiction. Nous pouvons croire à certaines vérités. Pour appréhender le monde, l'être humain possède deux instruments: les sens et la raison. Les sens nous procurent un donné sur lequel s'exerce notre capacité de penser. Et, au moment même où il doute, l'homme ne peut pas douter qu'il pense.] Il faut cesser de douter pour agir Le doute est une méthode pour la réflexion. Il est nécessaire de l'utiliser pour détecter les erreurs de jugement et les éviter.

« Introduction Deux problèmes sont engagés dans la question posée.

Y a-t-il des vérités indubitables (auquel cas, bien sûr, on ne pourrait pas douterde tout) ? Le doute est-il une attitude intellectuelle toujours souhaitable ? Première partie : l'intérêt du doute Lorsque Descartes, au début de ses Méditations métaphysiques, projette de mettre en doute toutes les opinions qu'il a jusqu'alorsreçues pour vraies, il entend signifier deux choses.• Il est non seulement possible mais souhaitable de vouloir douter de tout.• Mais à condition que cette tentative soit subordonnée à un projet de vérité.

Le doute universel et systématique que prône Descartes aune fonction critique (au sens étymologique de « passage au crible ») : il est le moyen d'une mise à l'épreuve des opinions ; il invite àn'accepter comme vrai que ce qui aura été examiné de façon critique, ce qui aura passé avec succès l'épreuve critique du doute.Descartes distingue alors son doute (doute « méthodique ») du doute des sceptiques, lesquels, dit-il, ne doutent que pour douter et fontdu doute une fin et non un moyen.

Il est bon de vouloir douter de tout, pense Descartes, s'il s'agit d'un doute méthodique, c'est-à-direun doute en vue de la vérité ; mais non s'il s'agit d'une attitude de principe. On sait que les « Méditations » de Descartes commencent, elles aussi, par l'exercice d'un doute absolu : Descartes rejette le témoignage des sens (en rêve on croit voir, entendre, bouger et ce n'est qu'illusion).

Il rejette même les vérités mathématiques (car il peut se fairequ'un « malin génie » tout-puissant s'amuse à me tromper dans toutes mes pensées). Mais ce doute cartésien s'oppose radicalement au doute sceptique.

D'abord le doute cartésienest provisoire (il prend fin lorsque Descartes s'aperçoit qu'il peut douter de tout sauf du fait même qu'il pense et qu'il doute : et cette évidence invincible : je pense donc je suis est unepremière vérité d'où bien d'autre vont jaillir). C'est un doute volontaire, un doute « feint », dit Descartes dont la fonction est d'accoutumer « l'esprit à se détacher des sens » (« abducere mentem a sensibus ») et même de tout objet de pensée pour révéler en sa pureté l'acte même de penser.

Le doute cartésien a la valeur d'unepédagogie de l'ascèse qui vise à nous délivrer provisoirement des pensées pour révéler quenous avions l'esprit que nous sommes.

Le doute cartésien est méthodique (le malin génie n'estlui-même qu'un « patin méthodologique » (Gouhier ), c'est une technique mise au service de la recherche du vrai. Le doute cartésien est un doute optimiste et héroïque, un déblaiement préalable qui précède laconstruction de l'édifice philosophique, une décision volontaire de faire table rase de toutes lesconnaissances antérieures pour bâtir une philosophie nouvelle. Deuxième partie : du doute critique au doute imbécile de l'incrédule La position de Descartes permet de mettre en évidence deux sortes de doutes : à l'opposé d'un doute intelligent et critique existe undoute stupide, paresseux, aussi facile à tenir que le premier est difficile à mettre en œuvre et exigeant.

C'est le doute de l'incrédule,qui doute de tout non afin de n'accepter que ce qui lui semble fiable, mais parce que, au contraire, il est incapable de discerner le vraidu faux.

Par exemple, celui qui ne croit rien de ce qui est écrit dans la presse est plus proche, dans son incrédulité non critique, du naïfqui croit tout que de celui qui s'efforce de juger de la valeur des informations.

Il y a un dogmatisme de l'incrédule comme il y a undogmatisme du trop crédule, et tous deux sont également opposés à l'attitude critique d'un doute intelligent.

La question n'est pas tantalors de savoir si l'on peut douter de tout, mais quelle est l'attitude intellectuelle qui préside à l'idée qu'il faut douter de tout : est-cepar paresse ou par exigence critique ? Troisième partie : le doute sceptique Il ne faut pourtant pas confondre le doute incrédule et imbécile avec le doute sceptique.

Celui-ci aussi est un doute intelligent et utile,surtout si, comme le scepticisme moderne (celui de Hume au xviiie siècle ou celui de Russell au xxe, à la différence du scepticismegrec de l'Antiquité), il ne cherche pas à suspendre définitivement notre jugement mais à hiérarchiser nos croyances des plus probablesaux plus douteuses.

Par exemple, devant une hypothèse scientifique sur laquelle les spécialistes sont divisés, il est raisonnable desuspendre notre jugement ; mais une hypothèse scientifique dont tous les spécialistes pensent qu'elle est vraie, il est plus raisonnablede la croire que d'en douter, même si cette hypothèse n'est pas au sens strict indubitable.

Douter de tout ne consiste pas dans cesconditions à tout révoquer en doute, mais à essayer de distinguer des degrés de probabilité : quelles sont les vérités qu'il est plusraisonnable de croire, et quelles sont celles à propos desquelles il est plus raisonnable de suspendre son jugement ? Quatrième partie : aucune vérité n'est-elle à l'abri du doute ? N'aurions-nous pourtant comme seule possibilité que la croyance raisonnable ou le doute raisonné ? Aucune vérité n'est-elle à l'abri dudoute ? Descartes pensait quant à lui que de telles vérités certaines, hors de doute, existaient: notamment l'affirmation «je pense».Elle est indubitable car la tentative même de la mettre en doute la confirme : si je doute, je pense.

Il faut cependant remarquer quecette vérité n'apparaît indubitable que parce qu'on peut essayer de la mettre en doute, et qu'elle résiste à cet essai.

En ce sens, il n'y aaucune opinion prétendant à la vérité qui doive être exemptée de l'effort d'en douter, même s'il y en a dont le résultat de cet effort estjustement de montrer qu'elles ne sont pas douteuses.. »

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