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peut on être en conflit avec soi meme

Publié le 15/02/2015

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Introduction Comme l'affirmait Hegel dans l'Esthétique, les animaux vivent en paix « avec les choses qui les entourent » : ils n'éprouvent pas leur monde comme étant incomplet ou décevant, ils ne s'irritent pas des limites que la nature leur a imposées, ils n'éprouvent pas l'altérité du monde comme une adversité dont il faut triompher. Rien ne leur paraît impossible, parce que rien au fond ne leur est possible : une vache ne regrette pas de ne pas pouvoir voler, parce qu'elle se contente d'être ce qu'elle est, de prélever dans l'altérité de quoi assurer sa subsistance, et de l'anéantir par la digestion. « Ce canard n'a qu'un bec, et n'eut jamais envie/ Ou de n'en plus avoir ou bien d'en avoir deux », ainsi que l'écrivait Richepin dans son poèmeOiseaux de passage, et il faut y voir négativement une description de l'homme : l'homme est cet être qui ne se contente jamais de son propre être, qui n'est jamais satisfait de son propre monde bref, cet être de désir qui exige toujours plus et autre chose que ce qu'il a.  L'homme, en d'autres termes, se heurte en permanence à l'altérité sous la double figure de l'adversaire et de l'obstacle : les choses m'apparaissent d'emblée comme ce qui résiste à ma volonté, et qu'il faut transformer ou dépasser ; autrui est toujours susceptible de se dresser entre l'objet de mon désir et moi-même, soit parce qu'il ne veut pas ce que je veux, soit au contraire parce qu'il convoite exactement la même chose. Être un homme, par conséquent, c'est voir son existence fondamentalement inquiétée par l'altérité, c'est entrer en conflit avec cette dernière. Qu'on soit par définition en conflit avec ce qui n'est pas soi et pas de l'ordre du soi (avec le « non-moi », comme le nommait Fichte), cela alors n'est guère douteux ; mais pour autant, peut-on être en conflit avec soi-même ? À première vue, cela semble impossible, si tant est qu'il ne saurait y avoir de conflit qu'entre deux termes qui s'opposent et se heurtent : quel sens y aurait-il à dire qu'en moi quelque chose s'oppose à moi ?  Et pourtant, à en croire Hegel, les animaux ne vivent pas qu'en paix « avec les choses qui les entourent », mais surtout « avec eux-mêmes ». L'animal en effet ne connaît ni la morsure du remords, ni la crainte de l'avenir ; il n'est pas exposé à l'angoissante possibilité de choisir, et donc de se tromper ; étant d'emblée tout ce qu'il est, il ne risque pas de passer à côté de lui-même, de devenir ce qu'il ne voulait surtout pas être ou de manquer sa vie – toutes possibilités constitutives au contraire de l'existence humaine à tel point que chacun redoute toujours qu'elles ne se réalisent, ou pire, qu'elles ne se soient déjà et silencieusement réalisées. Ces expériences que tous nous avons faites, faisons ou ferons supposent donc qu'il y a en moi-même une part d'altérité, que je ne suis pas une pure « mêmeté » identique à moi, sans contradiction ni relief ; et effectivement, il est clair que nos désirs sont eux-mêmes contradictoires, que nous pouvons en même temps vouloir tout et son contraire, que deux alternatives peuvent se présenter à nous comme également désirables, lors même qu'elles sont exclusives l'une de l'autre ; clair également que nous vivons quotidiennement le conflit déchirant (voire désespérant) qui oppose ce que nos désirs ordonnent et ce que le devoir moral commande. Mais si l'homme est ainsi en quelque sorte la contradiction faite homme, la question se retourne : pouvons-nous seulement résorber la tension, et cesser ainsi d'être en conflit avec nous-mêmes ? De la contradiction des appétits au conflit de nos facultés, de la solution posée par l'exigence éthique à la per...

« s'oppose à moi ?  Et pourtant, à en croire Hegel, les animaux ne vivent pas qu'en paix « avec les choses qui les entourent », mais surtout « avec eux-mêmes ».

L'animal en effet ne connaît ni la morsure du remords, ni la crainte de l'avenir ; il n'est pas exposé à l'angoissante possibilité de choisir, et donc de se tromper ; étant d'emblée tout ce qu'il est, il ne risque pas de passer à côté de lui-même, de devenir ce qu'il ne voulait surtout pas être ou de manquer sa vie - toutes possibilités constitutives au contraire de l'existence humaine à tel point que chacun redoute toujours qu'elles ne se réalisent, ou pire, qu'elles ne se soient déjà et silencieusement réalisées. Ces expériences que tous nous avons faites, faisons ou ferons supposent donc qu'il y a en moi-même une part d'altérité, que je ne suis pas une pure « mêmeté » identique à moi, sans contradiction ni relief ; et effectivement, il est clair que nos désirs sont eux-mêmes contradictoires, que nous pouvons en même temps vouloir tout et son contraire, que deux alternatives peuvent se présenter à nous comme également désirables, lors même qu'elles sont exclusives l'une de l'autre ; clair également que nous vivons quotidiennement le conflit déchirant (voire désespérant) qui oppose ce que nos désirs ordonnent et ce que le devoir moral commande.

Mais si l'homme est ainsi en quelque sorte la contradiction faite homme, la question se retourne : pouvons-nous seulement résorber la tension, et cesser ainsi d'être en conflit avec nous-mêmes ? De la contradiction des appétits au conflit de nos facultés, de la solution posée par l'exigence éthique à la persistance du scandale, tel sera alors le chemin problématique que nous nous proposons d'emprunter.  I.

De la contradiction des désirs en nous au conflit avec soi-même Lorsque, dans le Gorgias, Calliclès reproche à Socrate de « toujours dire la même chose », celui-ci renchérit : il ne dit pas simplement la même chose, il dit toujours « le même du même » ; c'est Calliclès au contraire qui « ne dit jamais la même chose », c'est-à-dire qui ne cesse de se contredire.

Ce sont en effet les « meilleurs », répète inlassablement ce dernier, qui méritent le pouvoir ; mais lorsqu'il s'agit de définir qui sont ces meilleurs, il proclame tantôt que ce sont les plus forts, tantôt les plus habiles, tantôt les plus courageux - trois déterminations qui à l'évidence ne se recoupent pas, puisqu'on peut avoir la force sans l'intelligence ni le. »

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