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Peut-on légitimement parler de la neutralité de la technique ?

Publié le 05/01/2004

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technique

La technique fait l'objet de débats passionnés en raison de l'affirmation évidente de son pouvoir sur nos modes de vie. Les jugements s'opposent de manière antithétiques. Certains déclarent qu'elle détruira notre planète, rappellent les horreurs de la guerre et évoquent les périls du nucléaire. D'autres leur répondent que les malades sont heureux de bénéficier d'une technologie de pointe et font valoir le recul des fléaux que les hommes d'autrefois subissaient sans recours. La solution la plus sage paraît donc être de conclure en faveur d'une neutralité axiologique. La technique ne serait ni bonne ni mauvaise. Le bien et le mal n'appartiendraient pas à ses valeurs. C'est la moralité de l'usager qui serait en cause, non celle des moyens qu'il emploie. Cette thèse est-elle cependant fondée ? Que signifie être neutre ? Nous pensons spontanément qu'il s'agit d'un état de fait mais ce pourrait être la conséquence d'un choix engageant notre responsabilité. Si la technique apparaît d'abord comme un moyen, il faut se demander quel rapport il entretient avec sa fin. Dès lors, une question surgit. L'indifférence de la technique consiste-t-elle en une simple ignorance de la morale ou exprime-t-elle le désir de la neutraliser ?  

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« dormir s'accomplit toujours moyennant des gestes appris qui témoignent de notre appartenance à une civilisation.Nous sommes inconsciemment modelés par des valeurs éthiques. [Transition] Nous venons de voir que le savoir-faire a une valeur culturelle qui ne se limite pas à la compétence professionnelle.La technique a donc des enjeux moraux.

Dès lors, nous pouvons comprendre qu'il y ait matière à débats.

Commentpréciser ce point ? 2.

Le conflit des interprétations A.

Une morale du salutL'intérêt manifesté par l'ethnologie permet de voir que la technique est, à plusieurs titres, un phénomène culturelfondamental.

Nous en avons une preuve dès les textes les plus anciens.

Le mythe de Prométhée exprime une idéemaîtresse.

L'homme n'a pu survivre que grâce à son habileté et son ingéniosité.

Il est cet être capable d'inventerdes procédés afin d'agir sur son environnement pour l'adapter à ses besoins.

L'intelligence technicienne estopératoire.

Elle transforme le donné naturel.

Henri Focillon souligne l'importance de la main, organe de préhensionaux multiples usages, par lequel l'homme s'empare de son environnement en tuant et en découpant les bêtes, entaillant le bois, en cousant, etc.

Or ceci confère à la technique une portée morale.

Eschyle salue en Prométhée lebienfaiteur de l'humanité.

Il est notre sauveur.

Sans lui, nous vivrions terrés au fond des grottes à l'instar des plusfaibles des animaux.

Tous les arts viennent de lui.

Platon est encore plus tranchant lorsqu'il fait dire à Protagorasque sans le don du feu nous étions condamnés.

La technique est alors pensée comme l'ensemble des moyens parlesquels l'humanité conquiert son autonomie et améliore son cadre de vie.

Elle participe donc au progrès del'humanité en développant les conditions de son bien-être. B.

La TechnophobieNous remarquons cependant que ces considérations sont solidaires de critiques qui suspectent ou même maudissentcette ingéniosité.

Le don de Prométhée est la contrepartie du vol qu'il commit à l'égard des dieux.

Il apparaît doncque la conscience mythique eut la conviction que les avancées techniques impliqueraient toujours un dommage, unelésion.

Ceci se comprend en revenant à la dimension du savoir-faire.

Il s'agit d'être efficace, de réussir.

Cet objectifest parfaitement défendable puisqu'il répond à une nécessité première.

Cependant, l'histoire montre que l'Occidents'est engagé dans une course à la puissance et à la domination qui a fini par provoquer des réflexions critiques,voire franchement pessimistes, sur la valeur morale de notre civilisation.

La technique est dès lors suspectéed'immoralité.

On entend par technophobie, un mélange de crainte et de haine envers les réalisations de la technique.Rousseau compare l'homme à un tyran qui impose à la nature la puissanceinsatiable de son désir.

Il évoque « les montagnes rasées, les rochers brisés,les bâtiments énormes élevés sur la terre » pour déplorer l'ardeurprométhéenne de l'homme.

Le but de son propos est clair.

Il s'agit deconvaincre son lecteur que ces démonstrations de force prouvent notredémesure et ne nous rendent pas heureux.

Tout au contraire, l'homme setyrannise lui-même en s'éloignant d'une vie naturelle.

La technophobie voitdans l'opération transformatrice, une violence, pour ne pas dire un viol, àl'égard de la pureté et de la bonté d'une mère nature.Cette métaphore, pour séduisante qu'elle soit, mérite cependant d'êtreinterrogée.

Elle personnifie une réalité dont il est aisé de montrer que sesmanifestations ne sont pas forcément bienveillantes.

La déplorationantitechnique tourne vite au propos moralisateur.

Kant souligne ainsi que lanature n'a pas été généreuse envers nous puisqu'elle nous a exposé auxanimaux et aux climats difficiles.

Son analyse l'amène à soutenir que cetteingratitude est le signe qu'elle destinait l'homme à développer ses facultés ense cultivant.

L'habileté technicienne est donc expressive d'une morale del'effort.

L'amoureux de la nature le vérifie lui-même à sa façon, car il appréciesurtout les situations dont la technique lui permet de jouir.

Paul Valéry lerésume spirituellement en disant qu'un tel homme aime surtout se promenerdans les champs.

3.

Le sens du procès A.

Technique et destinLa remarque de Valéry indique que la technique contribue, de façon parfois inaperçue, à notre bien-être.

II restetoutefois une difficulté relative à l'idée de progrès.

Le procès intenté à la technique est ancien.

On en trouve latrace dès l'Antiquité.

Eschyle célèbre Prométhée mais condamne le roi des Perses pour avoir bâti un pont sur la MerNoire.

La volonté de puissance du souverain, qui voulait par ce biais conquérir la Grèce, a été châtiée.

L'ingéniositéhumaine permet à l'homme de repousser indéfiniment ses limites.

Il ne se contente pas de faire mais il sait refaire envariant.

Bergson y voit la première démarche de l'intelligence.

Or cette faculté peut, par ses succès mêmes, nousaveugler sur la valeur des buts que nous poursuivons.

Heidegger le souligne en distinguant la technique ancienne dela technique moderne.

Celle-ci ne produit pas en ayant pour modèle les processus naturels mais travaille à «arraisonner » la nature avec l'aide de la science.

Heidegger oppose ainsi le pont qui laisse passer l'eau tout en. »

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