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Peut-on ne croire à rien ?

Publié le 19/12/2005

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Des réponses aux questions que se pose la curiosité humaine touchant ces énigmes, la genèse de l'univers, le rapport entre le corporel et le spirituel s'élabore suivant les prémisses du système religieux. Et c'est un énorme allègement pour l'âme individuelle de voir les conflits de l'enfance  conflits qui ne sont jamais entièrement résolus  lui être pour ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptée de tous. »   Transition : que la croyance soit un phénomène universel n'implique peut-être pas qu'il faille nécessairement croire en quelque chose. On peut avancer notamment qu'il est peut-être possible de disqualifier la croyance par la raison, ce qui signifierait qu'un individu, à son échelle, peut travailler à rationaliser tous ses rapports au monde pour supprimer tous ses objets de croyance ou les remplacer par une connaissance rationnelle.     II. Est-il possible de dépasser la croyance ?   Un des moyens de dépasser la croyance consiste à considérer qu'il y a croyance là où il y a ignorance des causes réelles. Une recherche rationnelle des causes, si elle est systématiquement menée sur tous les objets qui nous entourent, pourrait donc nous permettre de ne plus croire en rien.   Spinoza, Ethique, Appendice du livre I   « Partout où l'occasion m'en a été donnée, j'ai eu soin d'écarter les préjugés qui pouvaient empêcher de comprendre mes démonstrations ; mais comme il reste encore beaucoup de préjugés qui pouvaient et peuvent empêcher encore et même au plus haut point les hommes de saisir l'enchaînement des choses comme je l'ai expliqué, j'ai pensé qu'il valait la peine de soumettre ici ces préjugés à l'examen de la raison. D'ailleurs, tous les préjugés que j'entreprends de signaler ici dépendent d'un seul : les hommes supposent communément que toutes les choses naturelles agissent, comme eux-mêmes, en vue d'une fin, et bien plus, ils considèrent comme certain que Dieu lui-même dispose tout en vue d'une certaine fin, car ils disent que Dieu a fait toutes choses en vue de l'homme, mais il a fait l'homme pour en recevoir un culte.

Croire, c'est donner son accord ou son assentiment à une proposition où à une action. Toute croyance, en tant qu'état mental, doit donc porter sur quelque chose. De ce point de vue, il paraît logiquement impossible de ne croire à rien. Soit l'on croit à quelque chose, soit l'on ne croit pas. La forme sous laquelle se présente alors le fait de ne croire à rien est celle du désengagement, de la mise entre parenthèse, de la suspension du jugement et de l'action. Mais ne croire à rien n'est pas simplement refuser de donner son assentiment. C'est aussi reconnaître que rien ne vaut, et, plus précisément alors, on ne croit en rien. Croire à rien se dédouble donc en ne pas croire (suspension du jugement) et ne croire en rien (l'absurde). Mais, cette forme d'absurdité qui est revendiquée par celui qui dit ne croire à rien, n'est-elle pas elle-même une croyance ? En même temps, cette contradiction est-elle véritablement problématique pour celui qui affirme justement ne pas se soumettre au principe de contradiction, puisqu'il revendique l'absurdité ? La question est donc de savoir s'il est possible de penser et revendiquer l'absurdité, aussi bien théorique que pratique.

« « Partout où l'occasion m'en a été donnée, j'ai eu soin d'écarter les préjugés qui pouvaient empêcher de comprendremes démonstrations ; mais comme il reste encore beaucoup de préjugés qui pouvaient et peuvent empêcher encoreet même au plus haut point les hommes de saisir l'enchaînement des choses comme je l'ai expliqué, j'ai pensé qu'ilvalait la peine de soumettre ici ces préjugés à l'examen de la raison.

D'ailleurs, tous les préjugés que j'entreprendsde signaler ici dépendent d'un seul : les hommes supposent communément que toutes les choses naturellesagissent, comme eux-mêmes, en vue d'une fin, et bien plus, ils considèrent comme certain que Dieu lui-mêmedispose tout en vue d'une certaine fin, car ils disent que Dieu a fait toutes choses en vue de l'homme, mais il a faitl'homme pour en recevoir un culte.

C'est donc ce seul préjugé que je considérerai d'abord, en cherchant en premierlieu pourquoi la plupart des hommes se plaisent à ce préjugé et pourquoi ils sont tous naturellement enclins àl'adopter ; j'en montrerai ensuite la fausseté, et enfin je montrerai comment en sont issus les préjugés relatifs aubien et au mal, au mérite et à la faute, à la louange et au blâme, à l'ordre et à la confusion, à la beauté et à lalaideur, et aux autres choses de même genre.

Ce n'est cependant pas le moment de déduire ces choses de la nature de l'esprit humain.

Il me suffira ici de poseren principe ce qui doit être reconnu par tous : tous les hommes naissent ignorants des causes des choses, et tousont envie (habent appetitum) de rechercher ce qui leur est utile, ce dont ils ont conscience.

D'où il suit, en premierlieu, que les hommes se croient libres parce qu'ils ont conscience de leurs volitions et de leur appétit, et qu'ils nepensent pas, même en rêve, aux causes qui les disposent à désirer (appetere) et à vouloir, parce qu'ils les ignorent.Il suit, en second lieu, que les hommes agissent toujours en vue d'une fin, c'est-à-dire en vue de l'utile qu'ilsdésirent ; d'où il résulte qu'ils ne cherchent jamais à savoir que les causes finales des choses une fois achevées(peractarum), et que, dès qu'ils en ont connaissance, ils trouvent le repos, car alors ils n'ont plus aucune raison dedouter. S'ils ne peuvent avoir connaissance de ces causes par autrui, il ne leur reste qu'à se retourner vers eux-mêmes et àréfléchir aux fins qui les déterminent d'habitude à des actions semblables, et à juger ainsi nécessairement, d'aprèsleur naturel (ingenium) propre, celui d'autrui.

En outre, ils trouvent en eux-mêmes un grand nombre de moyens quileur servent excellemment à se procurer ce qui leur est utile, comme, par exemple, les yeux pour voir, les dents pourmâcher, les herbes et les animaux pour s'alimenter, le soleil pour s'éclairer, la mer pour nourrir les poissons, etc., ilsfinissent donc par considérer toutes les choses naturelles comme des moyens pour leur utilité propre.

Et comme ilssavent que ces moyens, ils les ont trouvés, mais ne les ont pas agencés eux-mêmes, ils y ont vu une raison decroire qu'il y a quelqu'un d'autre qui a agencé ces moyens à leur usage.Car, ayant considéré les choses comme des moyens, ils ne pouvaient pas croire qu'elles se fussent faites elles-mêmes ; mais, pensant aux moyens qu'ils ont l'habitude d'agencer pour eux-mêmes, ils ont dû conclure qu'il y a unou plusieurs maîtres (restores) de la Nature, doués de la liberté humaine, qui ont pris soin de tout pour eux et quiont tout fait pour leur convenance.

Or, comme ils n'ont jamais eu aucun renseignement sur le naturel (ingenium) deces êtres, ils ont dû en juger d'après le leur, et ils ont ainsi admis que les Dieux disposent tout à l'usage deshommes, pour se les attacher et être grandement honorés par eux.

D'où il résulta que chacun d'eux, suivant sonnaturel propre, inventa des moyens divers de rendre un culte à Dieu, afin que Dieu l'aimât plus que tous les autreset mît la Nature entière au service de son aveugle désir et de son insatiable avidité.Ainsi, ce préjugé est devenu superstition et a plongé de profondes racines dans les esprits ; ce qui fut une raisonpour chacun de chercher de toutes ses forces à comprendre les causes finales de toutes choses et à les expliquer.Mais en voulant montrer que la Nature ne fait rien en vain (c'est-à-dire qui ne soit à l'usage des hommes), ilssemblent avoir uniquement montré que la Nature et les Dieux délirent aussi bien que les hommes.

Voyez, je vousprie, où cela nous conduit ! Parmi tant d'avantages qu'offre la Nature, ils ont dû trouver un nombre non négligeabled'inconvénients, comme les tempêtes, les tremblements de terre, les maladies, etc., et ils ont admis que cesévénements avaient pour origine l'irritation des Dieux devant les offenses que leur avaient faites les hommes ou lesfautes commises dans leur culte ; ...et quoique l'expérience s'inscrivît chaque jour en faux contre cette croyance et montrât par d'infinis exemples queles avantages et les inconvénients échoient indistinctement aux pieux et aux impies, ils n'ont pas cependantrenoncé à ce préjugé invétéré : il leur a été, en effet, plus facile de classer ce fait au rayon des choses inconnues,dont ils ignoraient l'usage, et de garder ainsi leur état actuel et inné d'ignorance, que de ruiner toute cetteconstruction et d'en inventer une nouvelle.

Ils ont donc pris pour certain que les jugements des Dieux dépassent detrès loin la portée de l'intelligence humaine ; et cette seule raison, certes, eût suffi pour que la vérité demeurât àjamais cachée au genre humain, si la Mathématique, qui s'occupe non des fins, mais seulement des essences et despropriétés des figures, n'avait montré aux hommes une autre règle de vérité.

Outre la Mathématique, d'ailleurs,d'autres raisons encore (qu'il est superflu d'énumérer ici) ont pu permettre aux hommes d'apercevoir ces préjugéshabituels et les amener à la vraie connaissance des choses.

» Transition : La position d'un primat de la raison sur la croyance peut permettre d'envisager la possibilité d'un rapport au monde dans lequel on ne croit en rien mais connaît tout rationnellement.

Cependant ce primat de la raison peutêtre mis en doute dans ses fondements mêmes : n'est-il pas une forme de croyance, de croyance en la raison ? III.

Le projet d'un dépassement d'une croyance n'est-il pas lui-même fondé par une croyance ? Si l'on définit la croyance comme une adhésion peut-être mal fondée à un dogme ou à un principe, et que l'onconsidère que la raison peut connaître des limites dans l'explication de la vérité du monde, on en arrive à l'idée d'unecroyance en la raison qui se trouverait au fondement même du rejet de toute croyance.

La raison est un outil donton ne fait que postuler qu'il est l'outil adéquat à la connaissance du monde.

La confiance en la raison apparaît donc. »

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