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Peut-on opposer le théoricien et l'observateur ?

Publié le 28/09/2009

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Aujourd’hui, les études et les postes de physiciens et de biologistes, se divisent en deux catégories : la physique et biologie théoriques et la physique et biologie expérimentales. En effet, l’activité des théoriciens et des observateurs semblent opposés sur plusieurs points. Le théoricien se préoccupe des théories, c’est-à-dire des ensembles de lois logiquement ordonnés qui visent à relier les phénomènes naturels dans des formulations universelles ; l’observateur est celui qui recueille des faits par un examen sensible minutieux et détaillé des phénomènes naturels, et devient un expérimentateur lorsqu’il produit lui-même les phénomènes qu’il veut observer. Ainsi si le théoricien travaille sur des éléments universels et donc abstraits, l’observateur, lui, a affaire à des faits concrets et donc particuliers. Le théoricien devrait ainsi faire preuve avant tout de qualités intellectuelles, concernant la forme logique des théories, tandis que l’observateur devrait faire montre d’une habileté pratique, d’une finesse sensitive et d’un savoir technique.

  Néanmoins, les sciences concrètes, qui font intervenir une méthode expérimentale, ne peuvent produire des théories qu’en s’appuyant sur l’observation, unique source de connaissance de la réalité concrète qui nous entoure, et un pur théoricien risquerait de faire une théorie du monde qui n’est pas le nôtre. Réciproquement, l’observateur qui ne fait qu’accumuler des faits ne produirait pas une théorie car n’énoncerait aucune vérité universelle sur ces faits : il ne serait donc pas un scientifique. Tout homme de science doit donc avoir, semble-t-il, une activité d’observation et une activité théorique. Mais alors, peut-on encore parler de théoriciens d’une part et d’observateurs de l’autre ? Le problème qui est ici en jeu est de savoir comment ces deux activités se combinent dans le fonctionnement des sciences, si elles ne sont séparées que par simplification de ce fonctionnement ou si cette séparation correspond à quelque chose de réel.

« B./ Il ne s'agit donc pas exactement, lorsqu'on fait concrètement une théorie, d'insuffler une composante formelle àdes régularités observées afin de les organiser logiquement, mais de faire un raisonnement donc chaque étapes'appuie sur l'observation : « L'ordre véritable de l'expérience est de montrer la route en commençant par uneexpérience ordonnée et classée, sans aucune interversion ni dispersion, en tirant d'elle ensuite des axiomes, et,réciproquement, en tirant des axiomes ainsi établis de nouvelles expériences.

» Le réel raisonnement théorique nes'extraie absolument pas des faits en les formalisant mais fait l'aller retour avec les phénomènes concrets.C./ L'observateur est ainsi au cœur de la méthode scientifique et son activité est théorique, puisque c'est lui quiformule les axiomes moyens d'une part, et en tire de nouvelles expériences de l'autre.

Seulement ainsi on pourrapourvoir l'entendement humain « de plomb et de lest, pour lui interdire tout saut et tout vol » qui risquent deproduire des théories extravagantes.

On peut donc dire qu'à nouveau il y a bien une opposition entre le théoricien etl'observateur qui se dessine, puisque l'observateur est mis en avant et reconnu comme le moteur de l'activitéscientifique, mais qu'il y a aussi une activité théorique qui consisterait, à partir des axiomes moyens, de tirer des loisplus élevées.

Seulement, cette opposition est à nouveau une hiérarchisation, puisque c'est l'observateur qui estcentral dans la formation de la théorie, et c'est de lui dont dépend le théoricien, et non l'inverse.

Mais alors, il ne peut y avoir de purs théoriciens, puisqu'un scientifique ne saurait faire réellement un travail degénéralisation de ses énoncés sans appel à l'expérience.

Mais même la plus basique des lois empiriques suppose,pour être une loi, une relation formelle entre deux données expérimentales, et donc un embryon de théorie.

Netrouve-t-on pas au cœur de chaque activité une dimension de l'autre ? III./ Unité de l'observateur et du théoricien.

A./ On a dit que l'observateur se muait en expérimentateur dès lors qu'il produisait lui-même ses observations.

Maiscomme le dit Bacon lui-même « d'aucuns se sont abandonnés aux flots de l'expérience, ils pratiquent une sorted'enquête errante, sans l'appui d'aucune règle sûre.

Au contraire, qui a fait l'effort de varier les expériences, neconnaît pas le repos, mais découvre de quoi chercher plus loin.

» C'est lorsque l'observation devient expérience,qu'elle s'organise, qu'elle suit un programme, qu'elle est utile à la science.

Or pour cela, l'observation doit en réalitése théoriser, c'est-à-dire devenir apte à former et à contrôler les hypothèses théoriques.B./ Si l'observation scientifique est une observation théorisée, elle est elle-même une forme de raisonnement, etdonc une forme théorique.

Darwin prétend, dans l'introduction de l' Origine des espèces , que son « livre n'est qu'un long raisonnement.

» Mais il s'agit en réalité d'un livre qui fait appel à de très nombreuses observations et s'appuie,pour prouver ses thèses, sur encore plus d'observations.

C'est que celles-ci ont été en réalité guidées etprogrammées de manière théorique.

L'exploration des différentes îles des Galápagos par exemple, permet de tester,comme dans un laboratoire, l'hypothèse de la sélection naturelle, mais pour cela il fallait y procéder selon unprotocole précis qui supposait de remarquer les petites différences physiologiques entre animaux de la même espècesur des îles différentes.

Il fallait en outre pouvoir les expliquer par des facteurs sélectifs de l'environnement.

Il estimpossible, dans une telle jungle, de réaliser ces observations précises sans formaliser les lois qui régissentl'évolution des espèces.C./ La théorie est donc au cœur de l'expérience scientifique.

Mais l'observation est tout autant au cœur de lathéorie.

En effet, les énoncés théoriques ne sont pas uniquement des énoncés universels, ce sont des énoncés quivisent à s'appliquer à la réalité, et donc à être aussi concrets.

Il est donc évident que l'on mesure la pertinenced'une théorie à sa puissance d'application, c'est-à-dire à correspondre à des réalités.

Mais alors on doit pouvoiraussi mesurer la pertinence d'une théorie à produire des objets qui n'existent pas mais qui sont possibles si elle estvraie.

Cette réalisation de la théorie dans la réalité fait que celle-ci doit pouvoir être observée comme on observe unfait singulier : « c'est par ses applications que le rationalisme conquiert ses valeurs objectives » écrit ainsi GastonBachelard dans l'introduction au Rationalisme appliqué . Il semble donc que s'il y a bien deux activités différentes, celle qui concerne l'aspect concret des sciences et cellequi concerne son aspect formel, il semble réducteur de vouloir identifier l'une comme celle de l'observateur et l'autrecomme celle du théoricien.

En réalité, même si l'on cherche toujours à soumettre l'une de ces activités à l'autre,souvent en réaction contre les méthodes scientifiques de son temps, elles comportent toutes les deux des élémentsthéoriques et des éléments observationnels.

C'est ainsi d'ailleurs qu'une science est unifiée, et peut faire desprédictions théoriques qui se trouvent ensuite produites et observées expérimentalement.

Si l'on peut distinguer lethéoricien de l'observateur, il semble donc très difficile de réifier cette distinction et de les opposer.. »

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