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Peut-on parler d'un droit des êtres vivants ?

Publié le 20/01/2004

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droit

« Dans un tel produit de la nature [un être vivant], chaque partie, de même qu'elle n'existe que par toutes les autres, est également pensée comme existant pour les autres et pour le tout [...] ; mais cela ne suffit pas [...], et c'est pourquoi on la conçoit comme un organe produisant les autres parties (chacune produisant donc les autres et réciproquement), ne ressemblant à aucun instrument de l'art [la technique] [...] ; et ce n'est qu'alors et pour cette seule raison qu'un tel produit, en tant qu'être organisé et s'organisant lui-même, peut être appelé une fin naturelle. « Prenant l'exemple d'une montre, Kant, dans la Critique de la faculté de juger, insistait sur le fait que les rouages ne se produisent pas eux-mêmes et que ce n'est pas l'ensemble de la montre qui les produit. En revanche, c'est le cas de l'être vivant au cours de sa conception et de sa croissance. Il existe une sorte de finalité interne aux organismes vivants qui les fait apparaître comme une sorte de projet, à l'image de la montre qui est celui de l'horloger, mais un projet non conscient et non intentionnel, sans per-sonne derrière.C'est pourquoi on peut en venir à l'idée d'un « droit « des êtres vivants, dans le but de protéger ces équilibres et de rappeler à l'homme que ce qu'il considère parfois comme une simple matière inerte, taillable et corvéable à merci a besoin de certains équilibres et d'une protection particulière.

[II. Cependant, difficultés et danger de mise en place d'un tel droit]

Cependant, l'attribution de droits pose un certain nombre de problèmes lorsqu'il s'agit d'êtres vivants.

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« vivants? En effet, en eux-mêmes ils n'ont pas de véritable « personnalité » juridique.

Ne disposant ni de libertéconsciente, ni de raison, ni de responsabilité, dépourvus de l'usage du langage, les êtres vivants ne sont pas enmesure de formuler et de faire valoir des droits.

Il reviendrait donc à l'homme de le faire pour eux.

Mais n'y a-t-il pasdès lors un risque que l'homme projette sur les êtres vivants et la nature ses propres conceptions des choses(anthropomorphisme) sans être en mesure de comprendre véritablement ce qui est nécessaire à leur équilibre? Etcertains ne risquent-ils pas d'utiliser à leurs propres fins ce qu'ils croient interpréter quant aux « fins » de la naturequi justifieraient ses droits? Nous verrons dans un premier temps pourquoi les hommes peuvent en arriver aujourd'huià poser le problème d'un droit des êtres vivants.

Mais concevoir un tel droit ne signifie pas pour autant qu'il soitlégitime.

Aussi devrons-nous nous demander, dans un second temps, si cette idée ne présente pas des difficultésconsidérables au regard du concept même de « droit ».

N'est-il pas pourtant nécessaire et urgent de respecter levivant et de traduire ce respect dans des actes concrets et collectifs? [I.

Pourquoi en venir à concevoir l'idée d'un droit des êtres vivants?] [1.

La destruction de l'environnement]Si la question est devenue si urgente aujourd'hui, c'est d'abord parce que la capacité technique de l'homme aatteint un tel degré de développement qu'elle met en danger l'environnement.

Les productions industrielles ainsi quela circulation automobile engendrent des pollutions considérables et favorisent « l'effet de serre ».

Les déchets nonbiodégradables comme le plastique ou les déchets nucléaires (ils le sont, mais à très long terme!) détériorent lanature.

Les grands écosystèmes sont bouleversés par l'urbanisation et les infrastructures de transports.

Des maraissont asséchés, des mers se vident, des barrages submergent des zones naturelles et modifient profondément lescours d'eau, les territoires propres à assurer l'existence des animaux sauvages sont réduits de plus en plus, les merssont vidées de leur faune et de leur flore...

Alors qu'au départ la technique visait à libérer l'homme de la nature, ellefinit, en l'état actuel des choses, par devenir une arme de destruction de l'environnement.

« Libre de tout lien,séparée de toute totalité cohérente et finalisée, la technique fonce droit en avant, droit devant elle comme unefusée interplanétaire, sans savoir d'où elle vient, où elle va ni pourquoi », écrit Michel Henry dans La Barbarie.

Ilserait donc important de remettre la technique à sa juste place, de lui donner un sens par rapport aux autresactivités humaines et aux grands équilibres biologiques.

Autrement dit, la replacer dans une « totalité cohérente etfinalisée », c'est-à-dire dans un monde où toutes les parties soient coordonnées et équilibrées, que ce soient lesprojets humains ou bien les équilibres naturels. [2.

La réduction de la diversité biologique]Ensuite, une autre menace pèse sur les êtres vivants: la réduction de la diversité biologique.

Celle-ci constitue l'unedes caractéristiques essentielles du vivant, de la créativité infinie de la nature et de sa puissance de variation desformes et des capacités d'adaptation.

Or, avec l'effet conjoint de la sélection artificielle des espèces dansl'agriculture intensive et de la destruction des espèces rares, la diversité biologique tend à se réduire.

Par exemple, iln'y a plus que quelques races de vaches utilisées dans les élevages européens parce qu'elles sont plus productivesen viande ou en lait; et il en va de même pour les poules.

Quant aux manipulations génétiques, elles risquent deprovoquer l'hégémonie de certaines espèces résistantes (comme certains maïs) au détriment de la multiplicité desplants.

Le risque, à terme, prend plusieurs aspects.

D'abord, celui de la maladie, qui pourrait décimer telle espèceparticulière, moins résistante que les autres.

Ensuite, celui d'une sorte « d'épuisement » de la lignée biologique dû aunon-renouvellement des croisements: on sait par exemple que chez les êtres humains, la reproduction au sein d'unemême famille (la consanguinité) provoque des malformations physiques et psychiques.

Enfin, la disparition d'unerichesse biologique qui permettrait à la fois au vivant dans son ensemble de résister à d'éventuels bouleversementsclimatiques et aux hommes de trouver de nouvelles ressources face aux agressions du milieu naturel (certainesplantes rares, par exemple, pour soigner de nouvelles maladies).

Et il existe sans doute d'autres arguments encore. [3.

Les êtres vivants ne sont pas une simple matière première]En définitive, l'un des problèmes actuels du rapport entre l'homme et son environnement réside dans le fait que lesêtres vivants sont considérés par le système économique et social comme une matière première.

Les pêcheurspillent les mers pour alimenter le commerce du poisson frais et les industries agroalimentaires du surgelé et de laboîte de conserve.

Les éleveurs entassent les poulets en batteries pour produire du poulet « prêt-à-cuire » et desoeufs en quantités industrielles.

Les ingénieurs tracent des autoroutes et érigent des barrages comme si cela n'avaitaucune incidence sur les territoires concernés.

Or, si nous prêtons attention au monde vivant, nous constatons qu'ilest le fruit d'un équilibre fragile et d'une solidarité essentielle dans la chaîne alimentaire.

Qu'un maillon de cettechaîne vienne à manquer, et c'est l'ensemble des espèces qui s'en nourrissent et toute la suite de la chaîne qui sontmenacés.

Chaque écosystème forme un tout, comme s'il était coordonné en vue d'une fin, fédéré par un projetd'ensemble, finalisé (même s'il n'y a pas de grand concepteur de ce projet, immanent à la nature elle-même).Et chaque être vivant est lui-même un tout, auto-organisé et inséré dans des ensembles plus larges.

« Dans un telproduit de la nature [un être vivant], chaque partie, de même qu'elle n'existe que par toutes les autres, estégalement pensée comme existant pour les autres et pour le tout [...] ; mais cela ne suffit pas [...], et c'estpourquoi on la conçoit comme un organe produisant les autres parties (chacune produisant donc les autres etréciproquement), ne ressemblant à aucun instrument de l'art [la technique] [...] ; et ce n'est qu'alors et pour cetteseule raison qu'un tel produit, en tant qu'être organisé et s'organisant lui-même, peut être appelé une fin naturelle.» Prenant l'exemple d'une montre, Kant, dans la Critique de la faculté de juger, insistait sur le fait que les rouagesne se produisent pas eux-mêmes et que ce n'est pas l'ensemble de la montre qui les produit.

En revanche, c'est lecas de l'être vivant au cours de sa conception et de sa croissance.

Il existe une sorte de finalité interne auxorganismes vivants qui les fait apparaître comme une sorte de projet, à l'image de la montre qui est celui del'horloger, mais un projet non conscient et non intentionnel, sans personne derrière.. »

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