Devoir de Philosophie

Peut-on refuser de faire son devoir ?

Publié le 22/02/2012

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Nous sommes parfois devant un «conflit de devoirs », situation exploitée dans les tragédies, mais très cruelle dans l'existence. Exemples : une naissance s'annonce mal, qui faut-il sacrifier, la mère ou l'enfant (étant posé que l'avortement est un mal) ?

« d'intention, procédé qui consiste à ne considérer, dans la complexité du cas, que ce qui peut être licite, en écartantce que l'on sait cependant être immoral.

Pascal a stigmatisé ces pratiques avec une verve cruelle ; nous lisons parexemple dans Les Provinciales :"Lorsque je vous ai fait entendre comment les valets peuvent faire en conscience certains messages fâcheux,n'avez-vous pas pris garde que c'était seulement en détournant leur intention du mal dont ils sont les entremetteurspour la porter au gain qui leur revient? Voilà ce que c'est que diriger l'intention..." (Lettre 7).Dans sa rigueur, Pascal ridiculisait des «lettres de direction spirituelle» de l'époque.Il est évident que cette déviation de la casuistique est immorale, volontairement.

La casuistique s'y prête dans lamesure où elle se tient dans l'abstraction, car le mécanisme remplace alors la vie dans sa visée excellente vers leBien.

Mais, si nous suivons les principes aristotéliciens rappelés ci-dessus, nous ne tomberons pas dans leshypocrisies de la «direction d'intention» ; plus profondément, la casuistique évitera de réduire un «cas» à desnotions : elle sera l'élément réfléchissant de l'acte réel, vivant, par lequel nous accomplissons au mieux notre devoir. 2.

Faire son devoir 1.

Dans l'éloge de la «bonne volonté» (Fondements de la métaphysique des moeurs, 1`e section) Kant écrit : «Alorsmême que par une particulière défaveur du sort ou par l'avare dotation d'une nature marâtre, cette volonté seraitcomplètement dépourvue du pouvoir de faire aboutir ses desseins...

» Le vouloir dépourvu de pouvoir : est-ceréellement un vouloir? L'intention est un mouvement de l'esprit qui se porte vers quelque chose à réaliser.

Aurions-nous une intention «à vide », sans considérer ce qui est possible? Un rêve n'est pas une intention.

Sans intérêt pourle résultat, l'intention disparaît.

«La volonté serait dépourvue du pouvoir de faire aboutir ses desseins» : le desseinest l'engagement vers un but; la personne qui s'engage ainsi a déjà quelque idée de ses possibilités, en raison deson expérience, ou de ce qu'elle voit faire.

Sans doute la volonté morale doit-elle être bonne en soi, mais cettebonté est réalisatrice, et non pas simplement spéculative. 2.

Kant poursuit : «Alors même que dans son plus grand effort, elle ne réussirait à rien...

» L'effort est l'engagementeffectif, volontaire, tendu vers la réalisation.

Cet effort est supposé être «le plus grand» : c'est dire que toutes lesénergies de l'attention, du savoir, du coeur s'unissent dans l'acte ; Kant précise : «Je comprends par là, à vrai dire,non pas quelque chose comme un simple voeu, mais l'appel à tous les moyens dont nous pouvons disposer...»Cependant, il ne suffit pas de poser cela comme un principe abstrait, général ; en fait, Aristote montre que toutacte vertueux (= excellent) est propre à telle personne, dans telle situation, avec toutes ses possibilités ; cettepersonne, agissant ainsi, arrive à un sommet où elle évite le «trop peu» et le «trop» (Éthique à Nicomaque, I, 6 etII, 3, 4, 5).

Tout devoir est singulier ; il faut aussi le replacer dans l'ensemble de l'existence, qui doit s'engager àtout moment vers le Bien (même sujet, p.

69).

C'est le sens du proverbe : «Quand on veut, on peut », car, si ondonne à «vouloir » son sens fort, il inclut le pouvoir. 3.

Mais voici que l'énergie spirituelle retombe.

Pourquoi? On se décourage parce qu'on n'a pas réussi du premiercoup.

Deux erreurs réciproques : croire d'abord que c'est très facile ; croire ensuite que c'est impossible.

Ledécouragement est une démoralisation : il va au rebours de la morale parce qu'il abandonne la visée de l'excellence.Le courage est la première vertu que l'Éthique à Nicomaque analyse (II, chap.

9 à 12 inclus).

Déjà Platon l'avaitrangé parmi les quatre vertus fondamentales (« vertus cardinales »), avec la sagesse, la tempérance et la justice.C'est la force du coeur, symbole de la puissance d'aimer.

Le non-pouvoir décrit par Kant était en fait un non-vouloir,parce qu'il était un non-aimer.

Le Bien est aimé parce qu'il est suprême aimable, suprême désirable : tels sont lesaspects qu'Aristote découvre en Dieu (Métaphysique, XII, 7 et 9).

La maxime : « Il n'est pas nécessaire d'espérerpour entreprendre, ni de réussir pour persévérer» présente un côté grandiose, spectaculaire : elle se pose commeglorieuse dans l'adversité, aux yeux des autres.

L'amour du Bien, l'amour des êtres, procède avec plus de discrétion.Déjà le petit enfant surmonte des difficultés qui semblaient devoir l'arrêter quand il pense vraiment à un être qu'ilaime, car cette pensée est un réveil de l'amour.

La fidélité-confiance est un exemple du pouvoir réel que nousavons, qu'il dépend de nous de développer, d'accroître (ci-dessus, sujet 2, § 3).

Faire son devoir, le sien propre, iciet maintenant, c'est aimer le Bien tel qu'il se présente dans une situation qui est toujours interpersonnelle (puisquenotre nature est d'«être-avec »).

Tel est le sens de la célèbre formule de saint Augustin : Ama et fac quod vis(aime, et fais ce que tu veux = ce que tu veux alors dans cet amour) ; c'est ensuite, et comme conséquence, quenous pourrons dire : «Si tu veux, tu peux»; «où il y a une volonté, il y a aussi un chemin ».

«L'homme qui dit "jeveux" et qui reste dans son fauteuil fait semblant de vouloir : cette volonté de crocodile n'est-elle pas une formemachiavélique de la mauvaise volonté, ou même de la volonté ?...

L'hommeveut censément le bien qu'il apprécie, mais il ne le fait pas parce qu'il ne le veut pas réellement!» (Jankélévitch,L'austérité et la vie morale, chap.

3). 3.

Le pouvoir au-delà du devoir? 1.

Quand on est réellement engagé, de tout son être et dans l'amour (du Bien parfait, de sa présence en telêtre), alors le pouvoir s'exerce si facilement que «faire son devoir» semble complètement dépassé :Si le dévouement dosé, gradué et rationné est un laborieux devoir, le sacrifice infini et l'abnégation totale, commepassage à la limite, ne coûtent rien ; mourir pour l'autre devient aussi simple que bonjour et bonsoir.

(Jankélévitch,Henri Bergson, édition de 1959, p.

240).S'engager ainsi, c'est exercer le pouvoir de choisir en toute liberté.

Est-ce que ce pouvoir est encore soumis audevoir ? N'est-on pas alors au-delà des raisonnements, qui ne seraient que des «rationnements»? Le devoir seraitpetit, tandis que le pouvoir serait grandiose.Descartes, dans sa lettre à Mesland du 9 février 1645, le dit expressément.

Il distingue une forme pauvre de. »

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