Devoir de Philosophie

Peut-on s'attendre à tout ?

Publié le 09/03/2004

Extrait du document

Il n'a plus de monde à imiter : la nature n'est plus qu'un livre froid, désenchanté, accessible à l'abstraction mathématique. Pour les anciens, le monde était « plein de dieux « (Héraclite), pour les chrétiens médiéval, il chantait la gloire de Dieu par sa beauté, son ordre, sa perfection. Pour les savants de XVII ième siècle, il est « écrit en langage mathématique «, dans la froide abstraction des figures géométriques. Il ne parle plus au coeur de l'homme, il ne l'entretient plus de la gloire de Dieu, il faut, au contraire, péniblement le déchiffrer grâce à la langue la plus rationnelle et la plus glacée qui soit : les mathématiques. Un accusateur de Galilée le dira ; si celui-ci a raison, nous ne sommes plus le centre du monde mais « comme des fourmis attachées à un ballon « : des êtres insignifiants sur une planète comme les autres. Ce sont Descartes & Pascal qui tireront les conséquences philosophiques et théologiques de cette révolution dans les sciences. Ce sont eux qui comprendront qu'il faut absolument redéfinir la place de l'homme dans ce monde infini et glacé où rien ne lui indique ni son lieu ni sa fonction. L'exception n'est pas une notion scientifique Claude Bernard écrit, dans Introduction à l'étude de la médecine expérimentale: «le mot exception est antiscientifique; en effet, dès que les lois sont connues, il ne saurait y avoir d'exception«. Il est donc irrationnel de s'attendre à certains événements dont la nature contredit des théories toujours confirmées par l'expérience. La logique limite et contrôle la pensée Comme le fait justement remarquer Ludwig Wittgenstein, Dieu peut tout créer, « sauf ce qui serait contraire aux lois de la logique.

Concernant le cours des événements humains, il faut bien s'attendre à tout. Rien n'est en droit impossible pour l'homme... le pire comme le meilleur. TOUT ARRIVE.

MAIS...

C'est faire preuve de déraison que de s'attendre à tout. L'imagination peut tout concevoir. Mais, la raison ne peut pas tout faire. Par exemple, il semble impossible à l'homme de devenir immortel ou omniscient. L4IMPOSSIBLE N'EST PAS A CRAINDRE.

« Dans ses Dix-huit Leçons sur la société industrielle, Raymond Aron rappelle que toute «prévision historique doittenir compte de ce qu'on appellera la pluralité des déterminations ou la possibilité des rencontres et desaccidents».

Multiplicité des causes, enchevêtrements accidentels des événements font que «nous ne pouvonspas prévoir l'avenir» (ibid.). Tout peut arriverQui pouvait prévoir qu'un piètre étudiant aux Beaux-arts, du nom d'Adolf Hitler, allait devenir un dictateur ?L'homme se transforme d'instant en instant.

Des forces inconscientes, qui ne dépendent pas de sa volonté,agissent en lui.

Je suis heureux aujourd'hui.

Demain, et sans en connaître les raisons, je peux éprouver unecertaine mélancolie.

[La science permet de prédire les événements.

Il ne faut donc pas s'attendre à tout.

C'est là une attitude irrationnelle.

Certaines choses peuvent se produire.

D'autres sont absolument impossibles.] Seul l'esprit superstitieux peut s'attendre à toutOn peut s'attendre, en lisant son horoscope, gagner au loto.

C'est oublier l'infime probabilité (une chance surplusieurs millions...) que cela arrive.

On peut s'attendre à ce que la Terre soit pulvérisée par une météorite.L'astrophysicien prouve, calculs à l'appui, que la probabilité d'un tel événement est quasiment nulle.

La raisonmontre que tout ne peut pas se produire.

Galilée disait déjà: "La nature est écrite en langage mathématique". Galilée est un savant du XVI ième siècle, connu comme le véritable fondateur de la physique moderne, etl'homme auquel l'Inquisition intenta un procès pour avoir soutenu que la Terre tournait sur elle-même et autourdu soleil.Dans un ouvrage polémique, « L'essayeur », écrit en 1623, on lit cette phrase : « La philosophie [ici synonyme de science] est écrite dans ce très vaste livre qui constamment se tientouvert devant nos yeux –je veux dire l'univers- mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pas àcomprendre la langue et à connaître les caractères dans lesquels il est écrit.

Or il est écrit en langagemathématique et ses caractères sont les triangles, les cercles, et autres figures géométriques, sans lesquels ilest absolument impossible d'en comprendre un mot, sans lesquels on erre vraiment dans un labyrinthe obscur .» Dans notre citation, la nature est comparée à un livre, que la science a pour but de déchiffrer.

Mais l'alphabetqui permettrait de lire cet ouvrage, d'arracher à l'univers ses secrets, ce sont les mathématiques.

Faire de laphysique, saisir les lois de la nature, c'est d'abord calculer, faire des mathématiques.

Galilée est le premier àpratiquer la physique telle que nous la connaissons: celle où les lois de la nature sont écrites sous formed'équations mathématiques, et où les paramètres se mesurent.Pour un homme du vingtième siècle cette imbrication de la physique et des mathématiques va de soi, comme ilsemble évident que nous devons mesurer et calculer les phénomènes observés.

Pourtant, c'est une véritablerévolution qui se manifeste dans ces lignes : elles signent la fin d'une tradition d'au moins vingt et un siècle.La tradition inaugurée par Aristote, et que Saint Thomas a christianisé au treizième siècle.

Pour comprendre laportée de cette révolution qui manifeste et renforce une véritable crise de civilisation, il faut d'abord exposerla vision du monde et des sciences qui prédominait jusqu'à Galilée.Koyré a magnifiquement résumé le changement du monde qui s'opère entre le XVI ième et le XVII ième : onpasse du « monde clos à l'univers infini ».Pour les anciens, le monde était fini, comparable à une sphère, dont le centre était la Terre, immobile aucentre du monde, et la circonférence les étoiles fixes.

L'espace est non seulement fini, clos, achevé, maisparfaitement ordonné.De plus, les anciens séparaient ce monde en deux zones : le supralunaire (au-dessus de la Lune), et lesublunaire (au-dessous de la Lune).

Ils croyaient que le monde supralunaire était parfait, immuable, car onobserve à l'œil nu que le cours des astres est régulier, et toujours identique, et l'un ne peut voir aucunaccident, aucun changement à la surface des étoiles.

Par contre, sur Terre, tout change, tout se modifieconstamment : les choses apparaissent, se transforment et meurent.

Tout est dans un perpétuelchangement.

Notre monde était considéré comme celui de la génération et de la corruption, par opposition àcelui des astres.C'est ainsi qu'on en arrivait à penser une hiérarchie et une imitation d'un monde à un autre.

Notre mondeimparfait et changeant tentait d'imiter le caractère incorruptible et parfait du monde des étoiles.

Par exemple,si l'individu doit mourir, en se reproduisant il perpétue l'espèce.

L'individu meurt mais l'espèce est immortelle.Se reproduire revient à tenter d'imiter, autant qu'il se possible, l'immortalité du monde supralunaire.On a donc un monde orienté de façon absolue.

Non seulement la Terre est le centre du monde, mais chaquechose a sa place naturelle, chaque élément son lieu naturel.

Ainsi la pierre est attirée par la terre, et y. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles