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Peut-on s'attendre à tout ?

Publié le 24/03/2005

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Bergson dira: "Le portrait achevé s'explique par la physionomie du modèle, par la nature de l'artiste, par les couleurs délayées sur la palette ; mais, même avec la connaissance de ce qui l'explique, personne, pas même l'artiste, n'eût pu prévoir exactement ce que serait le portrait, car le prédire eût été le produire exactement ce que serait le portrait, car le prédire eût été le produire avant qu'il fût produit, hypothèse absurde qui se détruit elle-même. Ainsi pour les moments de notre vie, dont nous sommes les artisans. Chacun d'eux est une espèce de création. Et de même que le talent du peintre se forme ou se déforme, en tout cas se modifie, sous l'influence même des oeuvres qu'il produit, ainsi chacun de nos états, en même temps qu'il sort de nous, modifie notre personne, étant la forme nouvelle que nous venons de nous donner. On a donc raison de dire que ce que nous faisons dépend de ce que nous sommes ; mais il faut ajouter que nous sommes, dans une certaine mesure, ce que nous faisons et que nous nous créons continuellement nous-mêmes."   Comment nous créer nous-mêmes sans pour autant être déterminés par notre nature ou par l'imprévisibilité de nos actes ? Il s'agit de comprendre comment se forme notre être: n'est-il que la stricte réalisation de notre nature, auquel cas nous serions prédéfinis, ou bien nous réalisons-nous au hasard de nos actes, de façon imprévisible ? Quelle place accorder à la liberté dans la construction de soi ? Pour Bergson, il faut combiner ces deux démarches. Nous nous créons aussi bien à partir de notre nature qu'à partir de nos actes.

Le sujet est tellement flou et vaste que vous êtes libre de mettre ce que vous voulez sous l'étiquette « tout «. Cela dépend de la manière dont vous allez définir ce « tout «. Le « peut-on «, ici, est de possibilité (aucun appel au «a-t-on le droit« ici). La question s'applique à plusieurs domaines que vous êtes libre de choisir et de délimiter, pourvu que vous le justifiez dès l'introduction, selon ce qui conviendra le mieux à la problématique que vous aurez amenée (physique, histoire, comportements humains, calcul mathématique des probabilités, etc.).

« Le temps historique est une réalité d'une infinie complexitéDans ses Dix-huit Leçons sur la société industrielle, Raymond Aron rappelle que toute «prévision historique doittenir compte de ce qu'on appellera la pluralité des déterminations ou la possibilité des rencontres et desaccidents».

Multiplicité des causes, enchevêtrements accidentels des événements font que «nous ne pouvonspas prévoir l'avenir» (ibid.). Tout peut arriverQui pouvait prévoir qu'un piètre étudiant aux Beaux-arts, du nom d'Adolf Hitler, allait devenir un dictateur ?L'homme se transforme d'instant en instant.

Des forces inconscientes, qui ne dépendent pas de sa volonté,agissent en lui.

Je suis heureux aujourd'hui.

Demain, et sans en connaître les raisons, je peux éprouver unecertaine mélancolie.

[La science permet de prédire les événements.

Il ne faut donc pas s'attendre à tout.

C'est là une attitude irrationnelle.

Certaines choses peuvent se produire.

D'autres sont absolument impossibles.] Seul l'esprit superstitieux peut s'attendre à toutOn peut s'attendre, en lisant son horoscope, gagner au loto.

C'est oublier l'infime probabilité (une chance surplusieurs millions...) que cela arrive.

On peut s'attendre à ce que la Terre soit pulvérisée par une météorite.L'astrophysicien prouve, calculs à l'appui, que la probabilité d'un tel événement est quasiment nulle.

La raisonmontre que tout ne peut pas se produire.

Galilée disait déjà: "La nature est écrite en langage mathématique". Galilée est un savant du XVI ième siècle, connu comme le véritable fondateur de la physique moderne, etl'homme auquel l'Inquisition intenta un procès pour avoir soutenu que la Terre tournait sur elle-même et autourdu soleil.Dans un ouvrage polémique, « L'essayeur », écrit en 1623, on lit cette phrase : « La philosophie [ici synonyme de science] est écrite dans ce très vaste livre qui constamment se tientouvert devant nos yeux –je veux dire l'univers- mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pas àcomprendre la langue et à connaître les caractères dans lesquels il est écrit.

Or il est écrit en langagemathématique et ses caractères sont les triangles, les cercles, et autres figures géométriques, sans lesquels ilest absolument impossible d'en comprendre un mot, sans lesquels on erre vraiment dans un labyrinthe obscur .» Dans notre citation, la nature est comparée à un livre, que la science a pour but de déchiffrer.

Mais l'alphabetqui permettrait de lire cet ouvrage, d'arracher à l'univers ses secrets, ce sont les mathématiques.

Faire de laphysique, saisir les lois de la nature, c'est d'abord calculer, faire des mathématiques.

Galilée est le premier àpratiquer la physique telle que nous la connaissons: celle où les lois de la nature sont écrites sous formed'équations mathématiques, et où les paramètres se mesurent.Pour un homme du vingtième siècle cette imbrication de la physique et des mathématiques va de soi, comme ilsemble évident que nous devons mesurer et calculer les phénomènes observés.

Pourtant, c'est une véritablerévolution qui se manifeste dans ces lignes : elles signent la fin d'une tradition d'au moins vingt et un siècle.La tradition inaugurée par Aristote, et que Saint Thomas a christianisé au treizième siècle.

Pour comprendre laportée de cette révolution qui manifeste et renforce une véritable crise de civilisation, il faut d'abord exposerla vision du monde et des sciences qui prédominait jusqu'à Galilée.Koyré a magnifiquement résumé le changement du monde qui s'opère entre le XVI ième et le XVII ième : onpasse du « monde clos à l'univers infini ».Pour les anciens, le monde était fini, comparable à une sphère, dont le centre était la Terre, immobile aucentre du monde, et la circonférence les étoiles fixes.

L'espace est non seulement fini, clos, achevé, maisparfaitement ordonné.De plus, les anciens séparaient ce monde en deux zones : le supralunaire (au-dessus de la Lune), et lesublunaire (au-dessous de la Lune).

Ils croyaient que le monde supralunaire était parfait, immuable, car onobserve à l'œil nu que le cours des astres est régulier, et toujours identique, et l'un ne peut voir aucunaccident, aucun changement à la surface des étoiles.

Par contre, sur Terre, tout change, tout se modifieconstamment : les choses apparaissent, se transforment et meurent.

Tout est dans un perpétuelchangement.

Notre monde était considéré comme celui de la génération et de la corruption, par opposition àcelui des astres.C'est ainsi qu'on en arrivait à penser une hiérarchie et une imitation d'un monde à un autre.

Notre mondeimparfait et changeant tentait d'imiter le caractère incorruptible et parfait du monde des étoiles.

Par exemple,si l'individu doit mourir, en se reproduisant il perpétue l'espèce.

L'individu meurt mais l'espèce est immortelle.Se reproduire revient à tenter d'imiter, autant qu'il se possible, l'immortalité du monde supralunaire.. »

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