Peut on savoir ignorer ?

Mais d?aucun pourrait, en gros, opposer l?argument selon lequel l?intérêt d?une métaphysique est précisément de ne pas s?en tenir à ce que la connaissance empirique autorise.             La philosophie, pour autant qu?on lui ôte certaines illusions, ne saurait se replier sur elle-même, s?enfermer dans des bornes et s?interdire de prendre pour objet quelque chose qui lui soit extérieur. Ainsi Canguilhem au début de son livre Le normal et le pathologique dit en substance que toute bonne matière pour la philosophie est une matière étrangère. Autrement dit la philosophie gagne à sortir d?elle-même, non pour développer quelque hégémonie sur le reste des sciences mais au contraire pour s?en nourrir, or une telle capacité d?ouverture suppose le philosophe à même de se savoir ignorant.   III- On ne peut pas savoir ignorer.               Dans le même ouvrage Canguilhem livre une autre formule célèbre (chapitre « du social au vital ») « Nul n?est innocent se sachant tel », l?innocent vit dans l?ignorance de son état, cette ignorance est même constitutive de celui-ci. Le savoir, comme les récits bibliques en donnent l?idée, rompt l?innocence corrélative de l?ignorance, Eve en même temps qu?elle fait l?expérience de la connaissance perd son innocence. Cela pour avertir qu?il ne faut pas confondre ignorer et avoir connaissance de lacunes, de même qu?on ne peut se savoir innocent innocemment on ne peut savoir ignorer.             Comme on le sait la sagesse émanant des positions de Socrate lorsqu?il se déclare ignorant sont souvent des mises en scènes rhétoriques qui lui donnent une assise lui permettant de conduire la discussion. Son ignorance est souvent feinte, au moins l?on peut dire qu?il s?amuse de la mettre en avant, ce n?est qu?une pseudo-ignorance qu?il possède, sans quoi il serait incapable de faire douter ses interlocuteur ; s?il possède un savoir minimal c?est au moins celui selon lequel les opinions de ses compagnons sont fausses.