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Peut on se mettre a la place d'autrui ?

Publié le 07/12/2005

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Husserl, Méditations cartésiennes).   « Si je me demande comment des corps étrangers comme tels, c'est-à-dire des animaux et d'autres hommes en tant que tels, sont donnés dans mon expérience et comment ils peuvent l'être dans le cadre universel de ma perception du monde, alors la réponse est celle-ci : mon corps propre joue dans ce cadre [...] le rôle du corps primordial dont dérive l'expérience de tous les autres corps ; et ainsi je ne cesse d'être pour moi et mon expérience l'homme primordial dont l'expérience de tous les autres hommes dérive son sens et sa possibilité perceptive [...].             La perception d'un corps organique étranger est perception pour autant que je saisisse précisément l'existence de ce corps comme étant immédiatement là « en personne ». Et de la même façon l'autre homme en tant qu'homme est là pour moi dans la perception. J'exprime en effet sa présence perceptive immédiate en l'accentuant au maximum en disant justement : ici devant moi se trouve donné en chair et en os un homme. Ce n'est pas une déduction, quelque pensée médiate qui conduit à la position de la corporéité étrangère et de mon semblable [...].             Dans le cas de ce dernier [mon corps propre], nous l'avons vu, le corps organique en tant qu'il est un être physique est perçu de manière originaire mais aussi l'être psychique qui s'y incarne, et tel qu'il s'incarne.

• Il est fréquent qu'au cours d'une discussion, l'un des interlocuteurs demande à l'autre de «se mettre à sa place« — pour, semble-t-il, le mieux comprendre et mieux adhérer, de l'intérieur en quelque sorte, à ses arguments. Cela suppose qu'il soit possible pour une subjectivité de se déplacer entièrement vers une autre et de percevoir le monde comme le fait la seconde. Est-ce concevable ? Mais aussi : est-ce souhaitable ?

 

« « Si je me demande comment des corps étrangers comme tels, c'est-à-dire des animaux et d'autres hommes en tant que tels, sontdonnés dans mon expérience et comment ils peuvent l'être dans le cadre universel de ma perception du monde, alors la réponse est celle-ci : mon corps propre joue dans ce cadre [...] le rôle du corps primordial dont dérive l'expérience de tous les autres corps ; et ainsi je necesse d'être pour moi et mon expérience l'homme primordial dont l'expérience de tous les autres hommes dérive son sens et sapossibilité perceptive [...]. La perception d'un corps organique étranger est perception pour autant que je saisisse précisément l'existence de ce corpscomme étant immédiatement là « en personne ».

Et de la même façon l'autre homme en tant qu'homme est là pour moi dans laperception.

J'exprime en effet sa présence perceptive immédiate en l'accentuant au maximum en disant justement : ici devant moi setrouve donné en chair et en os un homme.

Ce n'est pas une déduction, quelque pensée médiate qui conduit à la position de la corporéitéétrangère et de mon semblable [...]. Dans le cas de ce dernier [mon corps propre], nous l'avons vu, le corps organique en tant qu'il est un être physique est perçu demanière originaire mais aussi l'être psychique qui s'y incarne, et tel qu'il s'incarne.

Ce psychisme n'est-il pas le mien propre ? Parcontre, le corps psychophysique étranger est sans doute perçu dans mon environnement spatial et de façon tout aussi originaire que lemien ; mais il n'en va pas réellement et proprement donné lui-même mais simplement visé conjointement avec lui par apprésentation.

» Husserl. Je rentre chez moi.

Il est tard.

Je vois un homme dans l'entrée à qui j'adresse un « bonsoir ».

Personne ne me répond et je m'aperçois que ce que j'avais pris pour un homme n'était qu'un portemanteau chargé d'habits.

Descartes nous avait bien dit que seul un échange de paroles pouvait nous donner la certitude de la présence d'autrui.

Husserl reprend cette problématique, mais à un niveau plus primordial : quand j'ai cru reconnaître cet homme dans l'entrée, quelle fut l'opération de conscience qui m'a donné, ne serait-ce qu'uninstant, l'évidence d'une présence humaine ? C'est ainsi qu'il examine les présupposés de la perception du corps de l'autre. Le premier mouvement du texte affirme la primauté absolue de mon corps propre dans le processus d'identification du corps de l'autre : je ne peux, dans le domaine de la perception, fairel'expérience d'autres corps que parce que moi-même je suis un corps vivant.

L'expérience de moi-même comme corps constitue donc un principe primordial à partir duquel je puis affirmerl'existence d'autres corps vivants. La deuxième partie du texte insiste sur le caractère immédiat de cette reconnaissance qui, loin de mettre en jeu des processus intellectuels, ne suppose que la présence physique (l'homme« en chair et en os » de Husserl contre l'homme « de parole » de Descartes ). Enfin, Husserl indique ce qui constitue la spécificité de la perception d'autrui (de l'autre homme, et pas seulement d'un autre corps vivant).

Ce qui m'est donné absolument et immédiatement (dans la perception de mon propre être), ce sont mon corps et mon « psychisme » (mon monde intérieur).

Dans la perception de l'autre (ce que Husserl appelle son « apprésentation »), son corps physique m'est bien donné immédiatement, mais son psychisme m'est seulement annoncé comme ce qui existe, mais ce à quoi je ne pourrai jamais êtreprésent qu'indirectement : je ne pourrai jamais vivre l'intériorité de l'autre. • Cette présence physique de l'autre m'amène en effet, si l'on suit l'analyse de Husserl, à saisir en lui une « vision du monde » qui, sanscorrespondre à la mienne puisque nous n'avons pas le même point de vue, s'effectue de la même façon que celle que je connais.

Je memets ainsi à sa place en tant que producteur d'une perspective sur le monde — mais cela ne signifie aucunement qu'au-delà de notrecapacité commune à élaborer cette dernière, je puisse mentalement coïncider avec ce qu'il construit : il y a communauté de « forme »,mais non de contenu. " Je n'appréhende pas « l'autre » tout simplement comme mon double.

Je ne l'appréhende ni pourvu de ma sphère originale ou d'unesphère pareille à la mienne, ni pourvu de phénomènes spatiaux qui m'appartiennent en tant que liés à l'«ici» (hic): mais à considérer lachose de plus près avec des phénomènes tels que je pourrais en avoir si j'allais « là-bas » (illic) et si j'y étais.

Ensuite, I'autre estappréhendé dans l'apprésentation comme un « moi » d'un monde primordial ou une monade.

Pour cette monade, c'est son corps qui estconstitué d'une manière originelle et est donné dans le mode d'un « hic absolu », centre fonctionnel de son action.

Par conséquent, lecorps apparaissant dans ma sphère monadique dans le mode de l'illic appréhendé comme l'organisme corporel d'un autre, commel'organisme de l'alter-ego , l'est en même temps, comme le même corps, dans le mode du « hic », dont « l'autre » a l'expérience dans sasphère monadique.

Et cela, d'une façon concrète, avec toutes les intentionnalités constitutives que ce mode implique.

" Edmund HUSSERL,Méditations cartésiennes (1929), 5e méditation, Vrin p.99 • Il en va de même pour tout ce qui concerne les relations affectives ou sentimentales avec l'environnement ou l'entourage : s'il m'est àla rigueur possible de comprendre que l'autre aime à partir de ma propre expérience de l'amour, il m'est par contre impossible d'aimerexactement comme lui, c'est-à-dire la même personne pour les mêmes raisons.

Si cela était possible, je me retrouverais d'ailleurs enconcurrence avec son amour puisque j'aimerais nécessairement la même personne, ressentant à son égard exactement les mêmes effetsque l'autre à la place duquel je me serais dans ce cas totalement mis.

III.

L'altérité comme différence radicale • Ainsi, malgré tous les espoirs que l'on peut mettre dans cette communication parfaite avec l'autre que constituerait le fait de vivreintimement de la même façon que lui, il apparaît que « se mettre à sa place » de façon aussi complète n'est pas toujours souhaitable.

Lacommunauté spirituelle n'implique pas une assimilation.

Que l'on songe ici aux dangers de l'amour fusion qu'évoque Sartre.. »

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