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Peut-on se passer de l'autre ?

Publié le 31/08/2005

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C'est aussi celui auquel je m'identifie et pour lequel j'éprouve de la sympathie. Une certaine proximité s'établit alors entre lui et moi. Mais, comme le fait remarquer Rousseau, la sympathie ne s'adresse pas nécessairement à un être humain, car je peux me sentir proche d'un animal. Ce que la sympathie vise ce n'est pas autrui proprement dit, mais un proche, quel qu'il soit.Š Pourtant, autrui ne se réduit ni à un associé, ni à un proche : Ménédème et Chrémès ne sont liés ni par l'intérêt, ni par une affection spontanée l'un pour l'autre. Qu'est-ce donc qui les réunit ? Tous deux sont des hommes, ils ont la même nature. Ils sont liés par une communauté d'essence. Autrui c'est donc mon semblable, c'est-à-dire tout représentant de l'espèce humaine et c'est sur cette commune nature que se fonde l'humanisme moderne et les droits de l'homme. Tout homme est mon semblable et il a les mêmes droits que moi (droit à la liberté, à la sécurité.

« 2.

CONFLIT ET ALTÉRITÉ ¦ L'attitude de Chrémès paraît ainsi bien naturelle.

Par ses questions et par sa sollicitude un peu envahissante, iln'essaye pas seulement de « briser la glace ».

Il entend affirmer l'existence d'une communauté entre tous leshommes.

Pour cette raison, la réplique : « Je suis homme...

» qu'il donnera à son voisin est devenue le mot d'ordrede l'humanisme moderne.

Seulement, entrer en relation avec autrui est-ce uniquement manifester à son égardl'empressement bienveillant d'un Chrémès ? L'incompréhension ou le conflit ne sont-ils pas les modalités les pluscourantes de notre rapport aux autres ? Mais alors, peut-on encore affirmer qu'autrui m'est indispensable ? A - Le barbare n'est pas mon semblable ¦ Autrui, nous l'avons dit, n'est pas nécessairement un proche.

Autrui c'est n'importe quel autre homme.

Néanmoins,bien souvent il ne me semble pas être mon prochain, « mon semblable, mon frère » selon l'expression de Baudelairedans Les Fleurs du mal.

Il se signale avant tout par son altérité radicale.

Il est même si différent qu'il estfréquemment incompréhensible, ses actions, ses paroles me semblent souvent absurdes, dénuées de sens ouétranges.

Son étrangeté peut alors susciter la peur, la réprobation ou l'agressivité.

Sa singularité sa différencemasque à mes yeux nos similitudes : il n'est plus mon semblable mais l'étranger ? Complètement différent.¦ Par exemple, les différences entre cultures sont habituellement regardées comme des abîmes.

Face à cesdissemblances manifestes, l'attitude la plus ancienne et la plus répandue, remarque Lévi-Strauss dans son rapport àl'Unesco sur le racisme : Race et Histoire, a toujours été de nommer « hommes » uniquement ceux qui sontsuffisamment semblables à moi.

Mais on ruine de la sorte l'idée d'une communauté humaine universelle où touthomme est autrui c'est-à-dire un semblable.

Car alors « l'humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupelinguistique, parfois même du village ».

Les Grecs nommaient par exemple « barbares » les peuples qui ne parlaientpas leur langue.

Un barbare est en effet trop « autre » pour être encore « autrui ».

Entre lui et moi toute relationsemble impossible.

Seul demeure un face-à-face tendu. B - L'enfer, c'est les autres ¦ Les différences culturelles ne sont qu'un cas particulier de cette fracture qui passe entre moi et tout autre.

Etc'est dans cet écart que naissent conflits et souffrances.

Par exemple, le regard d'autrui peut être impitoyable.

Enme scrutant avec détachement, il peut me transformer en chose.

Parce qu'il me nie en tant qu'homme, le regardd'autrui devient insupportable.

Et c'est alors que l'on s'écrie, à la suite de Garcin, dans Huis clos, que « l'enfer, c'estles Autres ». Sur la question d'autrui, Sartre souligne que seul Hegel s'est vraimentintéressé à l'Autre, en tant qu'il est celui par lequel ma conscience devientconscience de soi.

Son mérite est d'avoir montré que, dans mon êtreessentiel, je dépends d'autrui.

Autrement dit, loin que l'on doive opposer monêtre pour moi-même à mon être pour autrui, « l'être-pour-autrui apparaîtcomme une condition nécessaire de mon être pour moi-même » : « L'intuitiongéniale de Hegel est de me faire dépendre de l'autre en mon être.

Je suis, dit-il, un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

»Mais Hegel n'a réussi que sur le plan de la connaissance : « Le grand ressortde la lutte des consciences, c'est l'effort de chacune pour transformer sacertitude de soi en vérité.

» Il reste donc à passer au niveau de l'existenceeffective et concrète d'autrui.

Aussi Sartre récupère-t-il le sens hégélien dela dialectique du maître et de l'esclave, mais en l'appliquant à des rapportsconcrets d'existence : regard, amour, désir, sexualité, caresse.

L'autredifférence, c'est que si, pour Hegel, le conflit n'est qu'un moment, Sartresemble y voir le fondement constitutif de la relation à autrui.

On connaît laformule fameuse : « L'enfer, c'est les autres ».

Ce thème est développé surun plan plus philosophique dans « L'être & le néant ».

Parodiant la sentencebiblique et reprenant l'idée hégélienne selon laquelle « chaque consciencepoursuit la mort de l'autre ».

Sartre y affirme : « S'il y a un Autre, quel qu'ilsoit, quels que soient ses rapports avec moi, sans même qu'il agisseautrement sur moi que par le pur surgissement de son être, j'ai un dehors, une nature ; ma chute originelle, c'est l'existence de l'autre...

»J'existe d'abord, je suis jeté dans le monde, et ensuite seulement je me définis peu à peu, par mes choix et par mesactes.

Je deviens « ceci ou cela ».

Mais cette définition reste toujours ouverte.

Je suis donc fondamentalement libre« projet », invention perpétuelle de mon avenir.

Et je suis celui qui ne peut pas être objet pour moi-même, celui quine peut même pas concevoir pour soi l'existence sous forme d'objet : « Ceci non à cause d'un manque de recul oud'une prévention intellectuelle ou d'une limite imposée à ma connaissance, mais parce que l'objectivité réclame unenégation explicite : l'objet, c'est ce que je me fais ne pas être...

»Or je suis, moi, celui que je me fais être.

Et c'est précisément parce que je ne suis que pure subjectivité et liberté,que le simple surgissement d'autrui est une violence fondamentale.

Peu importe qu'il m'aime, me haïsse ou soitindifférent à mon égard.

Il est là, je le vois et je découvre que je ne suis plus centre du monde, sujet absolu.

Il mevoit, et avec son regard s'opère une métamorphose dans mon être profond : je me vois parce qu'il me voit, jem'appréhende comme objet devant une transcendance et une liberté.Si chaque conscience est une liberté qui rêve d'être absolu, elle ne peut que chercher à transformer la liberté del'autre en chose passive.

Sartre illustre d'abord ce conflit à travers l'expérience du regard.

Qu'est-ce qui, en effet,. »

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