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Peut-on séparer un fait de toute interprétation?

Publié le 16/01/2005

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Remarquons déjà que l'expérimentation n'est pas le duplicata de l'expérience. Il ne s'agit pas de reproduire en soi, dans un laboratoire, des phénomènes naturels. Bien plutôt, l'expérimentation prend appui sur un théorie d'ensemble, qui se formule en diverses lois et qui préexistent aux faits eux-mêmes. En d'autres termes, l'expérimentation consiste à mettre une théorie à l'épreuve de la pratique : c'est en ce sens que les faits seront interprétés dans le cadre théorique fixé. D'eux-mêmes, les faits ne nous apprennent rien, mais c'est par leur liaison dans un système de lois et d'axiomes qu'ils prennent sens.     III - Bergson : la perception consciente des faits   Ainsi, les faits sont muets en dehors de toute interprétation. C'est cette idée qu'Henri Bergson prolonge dans Matière et mémoire, via l'exposition de la perception pure. En effet, selon l'auteur, le monde se donne comme un ensemble d'images en relation constante les unes avec les autres ; le corps, image particulière entre toutes, agit parmi elle de sa propre initiative et, pour ce faire, sélectionne dans ce qui l'entoure les éléments qui peuvent lui servir. Or, remarque Bergson, ce type de perception est conscient, puisqu'il discrimine, discerne et choisit parmi les images ce qui sera utile au corps. À l'inverse, la perception non-consciente est celle de n'importe qu'elle image inanimée, qui ne discerne rien parmi l'ensemble des images qui l'entourent.

Des expressions telles que « Les faits ont toujours raison « renvoie à une certaine idée de la facticité, c’est-à-dire à une qualité du fait qui le rend objectif et vrai en soi. Le fait serait la réalité même, dans sa nudité et s’accorder avec lui nous permettrait de rester dans le vrai. Cependant, se demander si l’on peut séparer un fait de toute interprétation sous-entend qu’une telle séparation serait susceptible de remettre en cause la facticité du fait. Elle se demande même si l’on doit (« peut-on «, au sens de « est-il permis de «) raisonnablement souhaiter une telle scission entre fait et interprétation.     Ainsi, il s’agit à la fois de déterminer précisément le type de réalité auquel nous renvoie le fait. Est-il, par nature, une information neutre et objective, la pure apparition de quelque chose ? Cela nécessite en outre de s’interroger sur le statut de l’interprétation elle-même : celle-ci est-elle ce qui masque les faits – comme l’envers de l’objectivité – ou bien ce qui les révèle ? Est-elle une vue subjective et biaisée sur les choses ou bien un cadre théorique au sein duquel se déploient les faits eux-mêmes ? Nous verrons notamment pour cela comment les faits interagissent avec les théories scientifiques.

« Husserl tire deux autres conséquences de ce caractère majeur de la conscience.

Si je perçois un cube, je déclare « Je vois un cube ».

Or, en toute rigueur, je ne peux pas voir les six faces du cube à la fois.

Cela signifie que ma conscience ne s'en tient jamais à ce qui lui est donné ici et maintenant.

Je vois deux faces du cube, mais j'anticipesur celles que je vais voir, ou je me remémore celles que j'ai vues.

Autrement dit, une autre caractéristique de laconscience est d'établir des synthèses, de relier ce qui est perçu ici et maintenant avec ce qui l'a été ou ce qui lesera.

Ce qui amène à dire que la conscience est temporelle, effectue ses synthèses dans le temps.Autrement dit, la citation signifie d'abord que la conscience est toujours le mouvement de se dépasser vers autrechose, de viser autre chose.

Mais il faut aussi comprendre que si ce que je vise (les deux faces du cube) a unesignification pour moi (je sais et comprends que j'ai affaire à un cube), c'est que ma conscience a la capacité dedépasser ce qui lui est simplement donné pour le lier à d'autres représentations passées ou futures.

Le but et l'ambition de la phénoménologie sont le retour aux choses mêmes.

Parlant de la révolution d' Einstein , Husserl déclare : « Ainsi Einstein ne réforme pas l'espace et le temps où se déroule notre vie d'être vivant ». Loin de comprendre ceci comme une attaque contre les sciences (auxquelles fut formé Husserl ), il faut le comprendre et comme une attaque contre le scientisme, et comme la nécessité d'un retour aux questions centralesdu sens : « De simples sciences de faits forment une simple humanité de faits.

Dans la détresse de notre vie cette science n'a rien à nous dire.

Les questions qu'elles excluent par principe sont précisément les questions qui sont lesplus brûlantes à notre époque malheureuse ce sont des questions qui portent sur le sens ou l'absence de sens detoute existence humaine. » L'ambition de la phénoménologie est donc de questionner le sens, de retrouver le sol où se déroule notre vie d'êtrevivant, de fonder une science de l'esprit en tant qu'esprit.

Celle-ci commence par la découverte de cette propriétéparticulière de la conscience d'être toujours présence et rapport au monde, et non intimité fermée sur elle-même.

Ence ses, la pensée existentialiste en est l'héritière, et la leçon de Husserl vaut toujours. Ainsi, si l'on considère qu'un fait n'existe jamais en soi, mais est toujours déjà pris en compte par uneconscience, celui-ci apparaît intimement lié à la catégorie d'interprétation.

C'est précisément en cela quel'interprétation n'est pas ce qui masque les faits, mais ce qui les fonde.

Les faits n'existent en tant que faits quelorsqu'il sont perçus par une conscience, c'est-à-dire interprété.

La structure phénoménologique de la conscience nous installe donc d'emblée dans un schéma interprétatif.Considérer un fait, c'est l'interpréter ; mieux, pour qu'un fait soit un fait, celui-ci réclame la reconnaissance queseule peut lui accorder la conscience et qui s'accompagne immanquablement d'interprétation.

III – Les théories scientifiques et la notion de fait Cependant, si le rapport de la conscience aux faits est intentionnelle, donc interprétative, il semble que la structure du fait appelle elle-même un cadre d'interprétation plus large.

En effet, le fait tire son nom du verbe« faire » ( facere ), à l'inverse de ce qui se produit, des phénomènes naturels, par exemple.

Ainsi, le fait est toujours motivé dans sa production et répond à une exigence de l'esprit.

Cette spécificité s'atteste remarquablement dans lapratique scientifique. De fait, le scientifique ne se livre jamais à une pure observation des phénomènes, au sein desquels ils constateraient des régularités, dont il inférerait des lois scientifiques.

Au contraire, le travail d'élaborationconceptuelle passe toujours par l'expérimentation, c'est-à-dire la production de faits à analyser en laboratoire.Comment se déroule le processus expérimental ? Remarquons déjà que l' expérimentation n'est pas le duplicata de l' expérience .

Il ne s'agit pas de reproduire en soi, dans un laboratoire, des phénomènes naturels.

Bien plutôt, l'expérimentation prend appui sur un théoried'ensemble, qui se formule en diverses lois et qui préexistent aux faits eux-mêmes.

En d'autres termes,l'expérimentation consiste à mettre une théorie à l'épreuve de la pratique : c'est en ce sens que les faits serontinterprétés dans le cadre théorique fixé.

D'eux-mêmes, les faits ne nous apprennent rien, mais c'est par leur liaisondans un système de lois et d'axiomes qu'ils prennent sens.. »

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