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Plaisir et morale ?

Publié le 18/03/2004

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morale
On oublierait peut-être un peu trop le devoir de se nourrir si les aliments n'avaient aucun attrait. BERGSON considère le plaisir sous cet aspect quand il note : « Le plaisir n'est qu'un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l'être vivant la conservation de la vie. »b) Il faut reconnaître que toutes les relations précédentes sont assez indirectes. La dernière, par exemple, montre seulement que le plaisir peut aider matériellement à accomplir une action conforme à notre nature, elle ne montre pas que le plaisir peut ouvrir la voie à la bonne volonté et donc à la moralité formelle. Il n'est pas exagéré, cependant, d'aller jusque-là et de montrer un lien intime entre l'épanouissement procuré par le plaisir et l'élan proprement moral. Quand l'été vient, le pauvre adore dit V. HUGOCe vers contient une observation juste. Lorsque le pauvre goûte enfin les modestes joies que peut lui apporter une saison plus douce, le mouvement de plaisir qui s'éveille en lui tend à épanouir un coeur resserré, le prépare à rendre hommage à la bonté de Dieu ou, s'il ne croit pas en Dieu, à la bonté du monde. Reconnaître cette bonté, c'est ébaucher déjà une attitude de soumission, d'adoration qui est l'attitude vraiment morale. Sur tout plaisir peut se greffer un sentiment de reconnaissance, et la reconnaissance ouvre un chemin facile vers l'amour pur.
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« III.

— ACCEPTER LE PLAISIR EN LE CONTRÔLANT. Que va dire le moraliste devant ces constatations du psychologue ? a) Sa conclusion tout à fait classique est bien simple : on peut goûter les plaisirs, mais en surveillant toujours sonattachement, de façon à ne pas se laisser entraîner trop loin et à ne jamais sacrifier à un attrait un devoir, quel qu'ilsoit. b) Mais nous pouvons relever deux raisons de pousser loin le détachement et de sacrifier parfois les plaisirs permis :le parti pris de se livrer au plaisir, en s'arrêtant seulement devant une défense précise, est une solution dangereuseet insuffisante.Dangereuse, parce que la volonté, si elle attend toujours de se trouver devant une tentation grave, se prépare desdéfaites certaines.

Elle a besoin de s'exercer librement à dominer parfois un plaisir légitime, afin de devenir capable,peu à peu, de résister aux sollicitations coupables et violentes qui pourront se présenter.

Cet entraînement estexigé par la prudence.Mais cette solution est surtout insuffisante.

Celui qui écoute fidèlement l'appel de sa conscience éprouvera de plusen plus qu'il ne suffit pas de limiter dans ses effets l'attachement au plaisir.

Puisque cet attachement, tel qu'il seprésente en nous, peut nous emporter bien loin de l'idéal, c'est qu'il a en lui-même quelque chose d'impur, c'est qu'ilreste à côté de l'aspiration vers le bien, sans venir se fondre parfaitement en elle.

S'il n'y a pas là quelque chose decoupable, il y a du moins quelque chose d'imparfait et que nous sommes peut-être appelé à dépasser.

En fait, ilsemble bien qu'une exigence de pureté plus absolue se révèle progressivement à la conscience fidèle. c) Nous voilà donc conduits, sinon à renoncer dès maintenant à goûter tous les plaisirs — ce qui serait imprudent —du moins à rester docile à l'appel de Dieu, qui peut nous demander ce renoncement total.

Mais cette austérité est-elle le dernier mot ? Non, car en suivant héroïquement cet appel au renoncement total, nous retrouvons la liberté degoûter le plaisir.Si nous nous penchons sur l'expérience des saints, nous remarquons d'abord que leurs plus grands renoncementsn'impliquent jamais mépris ou condamnation du monde La création est l'oeuvre de Dieu et elle est très bonne; seulnotre regard doit être purifié et perdre ce qu'il a d'étroit, de borné, de suffisant.

Aussi, quand nous nous seronsétablis dans le bien, nous pourrons retrouver le monde et en jouir d'une façon toute pure et toute nouvelle.

Le signequ'une transformation sera intervenue, nous le trouverons dans l'entière liberté avec laquelle nous goûteront lecharme des biens terrestres.

Le plaisir ne fera plus de nous ses esclaves.

Notre âme, conquise à l'Unité et recevantde Dieu le plaisir comme un surcroît, n'hésitera plus un instant quand il faudra laisser le plaisir pour rester attaché aubien.

Nous constatons assez souvent cette transformation dans la vie des grands saints, qui, ayant fixé solidementl'ancre en Dieu, laissent plus librement leurs regards se poser sur les beautés de la nature, ou leur coeur accepter lecharme de l'affection humaine.Ainsi, dans notre marche vers l'idéal moral, le plaisir joue, le plus souvent, ce rôle ambigu d'un stimulant qui risque denous arrêter.

La pratiqua héroïque du renoncement nous fait cependant entrevoir la possibilité de goûter le plaisiravec une entière liberté, comme le surcroît d'un bonheur auquel rien ne manque.. »

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