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Platon: le philosophe est un homme de loisir

Publié le 30/04/2005

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platon
- Socrate : « Supposons, mon cher ami, que le philosophe ait réussi à tirer vers les hauteurs un homme de la foule et que ce dernier consente à sortir de ces questions : « Quel tort t'ai-je fait ? ou quel tort m'as-tu fait ? » pour s'élever à la considération de la justice et de l'injustice en elles-mêmes, pour chercher en quoi elles consistent et en quoi elles se distinguent de toutes choses aussi bien que l'une de l'autre ; supposons que cet homme renonce également à se demander si le grand roi est heureux, ou si le propriétaire d'une quantité d'or est heureux, pour en venir à considérer la royauté et le .bonheur ou le malheur humain en général, leur essence respective, la façon dont il convient à l'homme de viser l'un et de fuir l'autre. Notre homme vulgaire dont l'esprit est étroit et procédurier, lorsqu'il est ainsi contraint de répondre à des questions philosophiques, se montre à son tour embarrassé. De se trouver si haut suspendu, la tête lui tourne : il n'a pas l'habitude de regarder au milieu des airs et le voilà gêné, affolé et bredouillant : ainsi ce n'est pas aux servantes de Thrace ni aux autres ignorants que celui-ci prête à rire (car ceux-ci ne se rendent pas compte de sa situation), mais à tous ceux qui ont reçu une éducation contraire à celle des esclaves. Telle est, Théodore, l'attitude de chacun des deux hommes dont nous avons parlé. L'un, élevé dans la liberté et le loisir, que tu appelles justement philosophe, ne doit pas être blâmé de paraître naïf et nul quand il se trouve devant des besognes serviles, et par exemple de ne pas savoir ficeler une couverture de voyage, d'être incapable d'assaisonner un plat de condiments ou un discours de flatteries. L'autre homme est capable de faire tout cela habilement et rapidement, mais il ne sait pas, à la façon d'un homme libre, rejeter noblement son manteau sur l'épaule droite ni, quand il a pris son tour de parole, chanter comme il convient la vraie vie des Dieux et des hommes heureux. Platon
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« — « Supposons que le philosophe ait réussi à tirer vers les hauteurs un homme de la foule...L'apprentissage de la philosophie est présenté comme une remontée du fond de la caverne vers les régionssupérieures des idées.

L'initiation à la philosophie suppose une rupture avec le monde d'en bas, une conversion aumonde des idées.

Il faut «fuir d'ici » pour atteindre le monde des idées.

Les étapes de cette dialectique ascendante(sunagôgué) qui s'élève du multiple à l'un, du changeant à l'éternel, des apparences à la vérité sont la croyance(pistis) assujettie aux apparences, la connaissance discursive ou raisonnement (dianoia) qui caractérise la penséemathématique, enfin la connaissance intuitive (noésis) qui saisit les essences elles-mêmes.— ...

pour s'élever à la considération de la justice et de l'injustice en elles-mêmes.

» La justice ou l'injustice enelles-mêmes, c'est proprement « l'essence » de la justice ou de l'injustice.

Demandons à un homme vulgaire : «Qu'est-ce qu'un juste? » II répondra : « Un juste est celui qui me rend l'argent qu'il m'a emprunté.

» Ou bien : «Qu'est-ce qu'un homme heureux ? » Il répondra : « Un homme heureux c'est le propriétaire d'une grande quantitéd'or.

» Bref le non-philosophe répond aux questions par des exemples particuliers.

La méthode proprementsocratique consiste à dépasser les exemples particuliers et à s'élever au niveau de la définition générale.

Socratedemandait à Ménon : « Qu'est-ce qu'un homme vertueux », et Ménon répondait en citant l'exemple du général quisait commander à ses troupes.

Mais Socrate lui objecte que la vertu d'un esclave et d'un enfant dociles ne consisteprécisément pas à commander.

Donner une définition de la vertu, ce n'est pas multiplier les exemples de vertus,citer « tout un essaim de vertus », mais c'est donner une définition générale qui s'applique à tous les cas.

Lesdéfinitions générales, chères à Socrate, préfigurent les « idées » ou les « essences » dont parle Platon. — « Considérer le bonheur ou le malheur humain en général, leur essence respective, la façon dont il convient àl'homme de viser l'un et de fuir l'autre.

» La recherche de l'essence qui est une recherche métaphysique (qui veuttrouver la nature profonde des choses par-delà les apparences) est liée à une recherche éthique.

Il faut savoir cequi convient à l'homme, quel est l'idéal légitime, le vrai bien ou le vrai bonheur (car Platon ainsi que tous lesphilosophes grecs est eudémoniste, identifie le bien au bonheur).

Mais ici encore il faut savoir s'élever au-dessusdes apparences, de l'instant, des circonstances particulières.

Au relativisme des sophistes qui ignorent l'idée vraieabsolue et ne connaissent que des opinions relatives à l'intérêt momentané de chacun, correspond un immoralisme(celui de Thrasymaque dans la République ou de Calliclès dans le Gorgias).

Les sophistes confondent le bonheuravec le plaisir.

Ils opèrent ce que nous appellerions aujourd'hui une réduction psychologique des valeurs morales.Pour Calliclès, la justice de l'homme fort n'est pas autre chose que le bon plaisir de sa puissance.

Les faibles ne sontpas plus désintéressés.

Ils appellent justice les lois, imposées par le grand nombre, qui protègent leur faiblessecontre les empiètements des puissants.

Tous confondent la justice avec une conduite habile qui permet d'obtenirune bonne réputation, des décorations, des récompenses, etc.

Mais ici encore il s'agit de non-philosophes qui nesavent pas distinguer les pures idées et les apparences sensibles.

Pour Platon, la pure justice est ce que nousappellerions une valeur qui se situe sur un autre plan.

A la réduction psychologique dessophistes (qui comme plus tard La Rochefoucauld ramènent la justice à l'intérêt sensible), Platon oppose ce que nosphénoménologues contemporains appelleraient une réduction eidétique.

Il s'agit de réduire la justice à son essencepropre à l'idée pure qui la définit.

Par exemple, dans la République, le mythe de Gygès est en quelque sortel'instrument de cette réduction eidétique.

Gygès est un berger dont la conduite extérieure était irréprochablejusqu'au jour où il découvre un anneau magique qu'il met à un doigt et qui, tourné d'une certaine façon, le rendinvisible (République, Livre Il).

Il commet alors une foule de crimes.

Sa justice qui s'effondre dès qu'il a découvert lemoyen de se rendre invisible, n'était qu'une apparence.

L'homme vraiment juste n'est guidé ni par la peur ni parl'intérêt, mais par la pure idée de justice.

Devenu invisible, il ne modifierait pas sa conduite.

Platon veut dire que lavaleur de notre conduite ne se mesure pas à notre intérêt empirique.

C'est au contraire la vérité de l'idée, valeurabsolue, qui mesure ce que valent nos jugements et nos conduites.

Comme il le dira dans les Lois : « Ce n'est pasl'homme, c'est Dieu qui est la mesure de toutes choses.

»— « Ce n'est pas aux servantes de Thrace ni aux autres ignorants que celui-ci (l'homme vulgaire que l'on contraint àphilosopher) prête à rire, car ceux-ci ne se rendent pas compte de sa situation.

»L'homme prisonnier des apparences sensibles, c'est-à-dire du mal, ignore son propre asservissement.

Pour leconnaître il faudrait qu'il en soit délivré.

Ainsi pour Socrate et pour Platon « nul n'est méchant volontairement ».

Leméchant est un ignorant.

II est prisonnier de l'erreur.

La philosophie platonicienne du mal n'est pas une philosophiede la faute ou du péché.

La faute se réduit à l'erreur.

Le mal n'en est que plus redoutable car l'erreur, cetteignorance qui s'ignore elle-même, tend à se perpétuer (quiconque erre, persévère).

De même qu'il n'y a pas depéché, il n'y a pas non plus de mérite ou de sacrifice.

Socrate est heureux de mourir pour la justice.

Ce sont sesamis (encore attachés aux choses sensibles) qui pleurent tandis qu'il boit la ciguë.

Lui-même est joyeux de quitterce monde de ténèbres. — « ont reçu une éducation contraire à celle des esclaves.

» On peut souligner ici l'importance de l'éducation dansla philosophie platonicienne (où l'essentiel est d'apprendre à s'élever au-dessus du monde sensible).

Mais il convientde remarquer aussi l'identification curieuse du philosophe à l'homme libre, et même plus loin à l'homme noble et dunon-philosophe à l'esclave.

D'après les penseurs marxistes le dualisme platonicien (monde matériel d'une part, mondedes idées de l'autre)ne serait que la transposition inconsciente des deux classes fondamentales de la cité antique, la classe desesclaves et la classe des hommes libres.

Platon lui-même était un aristocrate, un eupatride.

Le philosophe ne peutméditer sur les idées pures que parce que l'esclave — qu'il méprise — le délivre de ses soucis matériels.

Lephilosophe idéaliste peut se permettre d'ignorer le monde matériel parce qu'il a mis un esclave entre le monde et lui.L'idéalisme platonicien aurait en ce sens un aspect mystificateur.

On ne saurait pourtant réduire la philosophieplatonicienne à cet aspect.

Le rapprochement du philosophe et du non-philosophe avec l'homme libre et l'esclave asurtout une valeur de symbole.

Et le platonisme n'est pas seulement l'expression d'une époque ou d'une forme de. »

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