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Pourquoi l'homme aime-t-il ?

Publié le 27/02/2005

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tout cela n'a lieu que pour conserver le type normal de l'espèce. »Le génie de l'espèce est tel que l'amour semble planer au-dessus de tout ce qui est terrestre. C'est ainsi que, par exemple, la valeur attribuée par l'amant à l'être aimé ne se fonde sur rien de réel. Comment, en effet, l'amoureux pourrait-il connaître suffisamment celle qu'il aime pour en apprécier les qualités, d'autant que c'est souvent dès le premier regard que naissent les grandes passions ? Comment expliquer aussi que la perte de la bien-aimée, du fait d'un rival ou de la mort, puisse être pour celui qui aime une souffrance qui dépasse toutes les autres ? Comment comprendre encore que l'amour puisse porter des hommes honnêtes et droits aux pires forfaits ? Tout cela, au fond, ne manifeste-t-il pas la raillerie et le mépris du génie de l'espèce à l'égard de la raison, mais aussi des droits et des intérêts individuels qu'il foule aux pieds ? Force est de constater que l'aspiration des amoureux est plus importante, plus élevée et plus juste que tout ce qui pourrait la contrecarrer, dans la mesure où l'espèce importe plus que l'individu. C'est à un point tel que l'amour peut transformer la vie la plus prosaïque en poésie :« Le sentiment d'agir d'après des visées d'une portée si transcendante est ce qui soulève l'amoureux tellement haut au-dessus de tout ce qui est terrestre et même au-delà de lui-même et couvre d'un vêtement si suprasensible des désirs très physiques, de sorte que l'amour devient un épisode poétique même dans la vie la plus prosaïque des hommes. »L'amour est une chimère si éblouissante que lorsque son approche nous est interdite, la vie paraît sans intérêt, vide.

Dans le Banquet de Platon, Anaxagore raconte le mythe des androgynes: à l'origine, l'humanité était divisée en trois genres: hommes, femmes et androgynes qui réunissaient les deux. Ces derniers étaient de forme sphérique, avaient quatre bras et quatre jambes et ils vivaient en totale autosuffisance. Ils étaient si heureux sur terre qu'ils ne pensaient plus à prier les dieux, un jour, Zeus s'énerva et les divisa en deux, depuis, chaque homme et chaque femme cherche sa moitié perdue.

Ce mythe exprime ce qu'est l'amour pour l'homme: se sentant incomplet, il cherche à compléter sa vie dans celle de quelqu'un d'autre. D'autre part, le mythe met l'amour en rapport avec l'origine de l'homme, cela évoque la génération sexuelle.

L'amour apparaît comme un besoin naturel. Mais l'homme s'étant émancipé de la nature dans la civilisation, peut il s'émanciper de ce besoin et du cortège de souffrances qui l'accompagnent?

L'amour est en effet un sacrifice de l'individu, il doit faire des concessions pour s'intéresser aux autres. L'amour implique un don de soi d'autant plus difficile qu'il peut facilement être mis en échec.  

 

« cette ardeur dans les efforts qu'on y consacre.

Én effet, son but, par son importance, dépasse radicalementtous les autres buts de la vie, car ce n'est pas de l'intérêt de l'individu qu'il s'agit mais de celui de l'espèce :« La fin dernière de toute intrigue galante, qu'elle soit jouée en brodequins ou en cothurnes, est réellementplus considérable que tous les autres buts de la vie humaine et par conséquent digne du sérieux profond aveclequel chacun la poursuit.

Ce qui se décide de la sorte n'est en effet rien de moins que la composition de lagénération future.

»On sait que, pour Schopenhauer, les tendances, les désirs des hommes ne sont que des manifestations de ceVouloir impersonnel qui anime la nature.

Vouloir qu'on peut voir aussi bien dans la force d'attraction que danscelle qui fait croître et végéter la plante...

Mais l'homme a l'illusion de poursuivre son propre intérêt.

Or, avec lasexualité et l'amour, les masques tombent.

Autrement dit, le caractère absurde et paradoxal de la vie del'homme apparaît ouvertement.

L'énergie, le sérieux que les hommes consacrent à la passion amoureuse nesert, au fond, que les intérêts de l'espèce.

Certes l'individu, dans sa vie sexuelle et amoureuse, ressent cetintérêt comme personnel, mais ce n'est là qu'une ruse de la nature :« La nature ne peut [...] atteindre son but qu'en inculquant à l'individu une certaine illusion, grâce à laquelle ilregardera comme un bien pour lui-même ce qui n'est tel en fait que pour l'espèce; ainsi il se mettra au servicede celle-ci tout en s'imaginant servir son intérêt propre.

»Ici donc, comme dans tout instinct, l'amour a pris la forme d'une illusion pour agir sur la volonté humaine.L'amour n'est qu'un instinct déguisé.

Tel est le sens de cette phrase :« Toute inclination amoureuse [...] pour éthérée que soient ses allures, prend racine uniquement dans l'instinctsexuel, et n'est même qu'un instinct sexuel plus nettement déterminé, plus spécialisé et, rigoureusementparlant, plus individualisé.

»Si éthérée qu'elle soit, si objective et si bien revêtue de sublimes couleurs qu'elle puisse nous paraître, lapassion amoureuse n'a en vue que la procréation d'un nouvel être.

Voilà le but véritable, quoique ignoré desintéressés, de tout roman d'amour.

Et peu importe la façon et les moyens de l'atteindre.

Sans cette ruse del'instinct, l'humanité périrait.

L'individu étant, en général, profondément égoïste, il se soucierait peu de l'intérêtde l'espèce.

C'est donc seulement parce qu'il a l'illusion de poursuivre, dans l'amour, ses petits buts égoïstes,qu'il met son activité au service de l'espèce :« Une simple chimère, qui s'évanouira aussitôt après, flotte dans son esprit et se substitue comme motif à uneréalité.

»Que la génération future dépende, dans toute sa détermination individuelle, de ce sérieux avec lequel lapassion amoureuse est éprouvée, cela n'est-il pas une fin bien plus élevée et plus noble que celle des «sentiments transcendants » et des « bulles de savon immatérielles » des âmes amoureuses ? Si l'on reconnaîtque tel est le but véritable de l'amour, alors on s'apercevra que l'inclination croissante de deux amoureux esten réalité déjà la volonté de vivre de l'enfant qu'ils peuvent et veulent engendrer.

Leur regard plein de désirsn'est-il pas la promesse d'une individualité harmonieuse à venir ? N'est-ce pas d'ailleurs le sens du beau quid'ordinaire gouverne l'instinct sexuel ? Pourquoi, sinon parce qu'il s'agit de perpétuer le type de l'espèce le plusauthentique possible ?« C'est un mirage voluptueux qui leurre l'homme, en lui faisant croire qu'il trouvera dans les bras d'une femmedont la beauté lui agrée une jouissance plus grande que dans ceux d'une autre [...] tout cela n'a lieu que pourconserver le type normal de l'espèce.

»Le génie de l'espèce est tel que l'amour semble planer au-dessus de tout ce qui est terrestre.

C'est ainsi que,par exemple, la valeur attribuée par l'amant à l'être aimé ne se fonde sur rien de réel.

Comment, en effet,l'amoureux pourrait-il connaître suffisamment celle qu'il aime pour en apprécier les qualités, d'autant que c'estsouvent dès le premier regard que naissent les grandes passions ? Comment expliquer aussi que la perte de labien-aimée, du fait d'un rival ou de la mort, puisse être pour celui qui aime une souffrance qui dépasse toutesles autres ? Comment comprendre encore que l'amour puisse porter des hommes honnêtes et droits aux piresforfaits ? Tout cela, au fond, ne manifeste-t-il pas la raillerie et le mépris du génie de l'espèce à l'égard de laraison, mais aussi des droits et des intérêts individuels qu'il foule aux pieds ? Force est de constater quel'aspiration des amoureux est plus importante, plus élevée et plus juste que tout ce qui pourrait lacontrecarrer, dans la mesure où l'espèce importe plus que l'individu.

C'est à un point tel que l'amour peuttransformer la vie la plus prosaïque en poésie :« Le sentiment d'agir d'après des visées d'une portée si transcendante est ce qui soulève l'amoureux tellementhaut au-dessus de tout ce qui est terrestre et même au-delà de lui-même et couvre d'un vêtement sisuprasensible des désirs très physiques, de sorte que l'amour devient un épisode poétique même dans la vie laplus prosaïque des hommes.

»L'amour est une chimère si éblouissante que lorsque son approche nous est interdite, la vie paraît sans intérêt,vide.Les amants parlent de l'harmonie de leurs âmes dans des termes pathétiques, mais cette harmonie n'est pasautre chose que cette convenance de leurs natures qui les rend capables d'assurer la perfection de l'enfant àengendrer.

C'est si vrai que, la chose une fois accomplie, à l'entente des sexes succède inévitablement lemalentendu des âmes.

Puis une intimité banale s'installe, qui laisse place bientôt à l'ennui et à la solitude.

Cequi signifie bien que chaque amant se trouve leurré après l'achèvement de ce qui faisait de lui la dupe del'espèce.

Ainsi, pour Schopenhauer, l'amour est une illusion tragique qui témoigne que l'espèce est plusimportante que l'individu.

et qui ne cesse d'alimenter la souffrance humaine.

Le seul moment d'ivresse est celuioù les regards pleins de désirs de deux amoureux se rencontrent.

Mais pourquoi est-ce à la dérobée,furtivement, sinon parce qu'ils ont, quelque part, le sentiment d'être des traîtres en voulant perpétuer toute lamisère et les peines de l'existence humaine qui, sans eux, serait vouée à une fin prochaine ?Pour Schopenhauer, l'être de l'homme en soi est indestructible et se perpétue à travers les générations.

Sil'amour est un transport, un élan qui dispose l'individu à tous les sacrifices, c'est bien parce que c'est la partie. »

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