Pourquoi punir ?
Publié le 10/01/2004
                             
                        
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                                                                    Dans l'Antigone de Sophocle, Créon poursuit de  sa haine Polynice, le traître.
                                                            
                                                                                
                                                                    Alors  que celui-ci est mort,Créon lui refuse toute sépulture et livre son corps aux oiseaux de proie.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est là tuer deux fois et s'acharner sur uncadavre.
                                                            
                                                                                
                                                                    « La haine doit s'arrêter devant les tombeaux », dit Tirésias le devin.
                                                            
                                                                                
                                                                    La punition est toujours une violencelimitée.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pas la vengeance.Tout le monde connaît  le proverbe  « Qui aime bien châtie bien  ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Malgré  les apparences,  cela n'est  pas de  laviolence.
                                                            
                                                                                
                                                                    On punit ceux que l'on estime capables de payer leurs dettes.Ce qui est une façon de considérer l'autre en tant que personne.
                                                            
                                                                                
                                                                    Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la loi, quisanctionne,  permet de rétablir une société  humaine, alors  que sans loi  on se trouve  confronté, comme  dans lavendetta corse ou sicilienne, à une logique de représailles infinies.
                                                            
                                                                                
                                                                    Qui plus est, ne l'oublions pas, le tyran aspire àdemeurer impuni.
                                                            
                                                                                
                                                                    Comme Platon l'a montré dans La République à propos du mythe de l'anneau de Gygès le bergerpermettant de voir sans être vu, le tyran aspire à prendre sans être pris.
                                                            
                                                                                
                                                                    Aussi tyrannise-t-il, afin de demeurer dansl'impunité.
« ...
                                                            
                                                                                
                                                                    Gygès le Lydien était un berger au service du prince qui régnaitjadis en Lydie.
                                                            
                                                                                
                                                                    Un jour, à la suite d'un violent orage, la terre se fendit etun gouffre se creusa sur les lieux de son pacage.
                                                            
                                                                                
                                                                    Stupéfait, Gygès ydescendit et entre autres merveilles, que les mythes racontent, il vitun cheval de bronze, creux, avec des fenêtres par lesquelles il aperçutun cadavre d'une taille plus grande qu'un homme, qui ne portait sur luiqu'une bague d'or.
                                                            
                                                                                
                                                                    Gygès s'en empara et remonta à la surface.
                                                            
                                                                                
                                                                    Chaquemois les bergers tenaient une assemblée pour faire un rapport au roisur l'état de ses troupeaux.
                                                            
                                                                                
                                                                    Gygès se rendit à cette réunion portantcette bague au doigt.
                                                            
                                                                                
                                                                    S'étant assis au milieu des autres il lui arriva parhasard  de tourner  le chaton  de la bague  à l'intérieur  de sa main.Aussitôt il devint invisible pour ses voisins qui parlèrent de lui commes'il  était  parti.
                                                            
                                                                                
                                                                     Surpris  il recommença  de manier  la bague  avecprécaution, tourna le chaton en dehors, et l'ayant fait, redevint visible.Ayant pris conscience de ce prodige, il répéta l'expérience pour vérifiersi la bague avait  bien ce pouvoir; le même effet se reproduisit  : entournant le chaton à l'intérieur il devenait invisible, en le tournant àl'extérieur visible.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dès qu'il  fut assuré  que l'effet  était infaillible  ils'arrangea pour faire partie de la délégation qui se rendait auprès duroi.
                                                            
                                                                        
                                                                    Arrivé au palais il séduisit la reine, s'assura de sa complicité, tua leroi et prit le pouvoir.Si donc il existait deux bagues de ce genre, que le juste se passe l'uneau doigt,  l'injuste  l'autre, personne  peut on penser,  n'aurait une âme  de diamant  assez pur pourpersévérer dans la justice, pour avoir le courage de ne pas toucher au bien d'autrui alors qu'il pourraitvoler comme il voudrait au marché, entrer dans les maisons pour s'unir à qui lui plairait, tuer ou libérern'importe qui bref tout faire, devenu l'égal d'un dieu parmi les hommes...» PLATON
(Introduction)
Le mythe de Gygès, pour être bien compris, doit être situé dans le contexte du Livre II de la République de Platon.On pourrait dire, en des termes modernes mais parfaitement fidèles, nous semble-t-il au texte platonicien, que pourSocrate la vertu de justice est une valeur, qu'elle « doit être aimée comme un bien en soi ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Thrasymaque — dontles propos immoralistes ont retenti tout au long du Premier Livre — nie cette valeur de la justice.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pour lui, les chefsd'Etats en imposant des lois au peuple ne cherchent qu'à assurer leur domination ; quant aux hommes prétendus «justes » ce sont des moutons peureux et dociles qui n'obéissent aux lois que parce qu'ils n'ont pas le pouvoir de s'ysoustraire.
                                                            
                                                                                
                                                                    Glaucon (c'est le propre frère de Platon) qui apparaît en scène dans le Livre II ne partage pas le point devue de Thrasymaque; mais pour provoquer de la part de Socrate une réfutation décisive il se fait l'avocat du diableet commence par proposer une réduction psychologique de  la valeur de justice.
                                                            
                                                                                
                                                                    La justice dit-il « tient le milieuentre le plus  grand  bien — commettre  impunément  l'injustice — et  le plus  grand  mal — la subir  quand  on estincapable de se venger ».
                                                            
                                                                                
                                                                    La justice est aimée non comme un bien en soi mais comme un moindre mal : obéir auxlois pour être en retour protégé contre l'agression des plus puissants: par peur du loup le mouton obéit à la loi duberger.
                                                            
                                                                                
                                                                    La vertu de justice est appréciée non pour elle-même, mais à cause des avantages que sa pratique confère(bonne réputation,  protection des lois, etc.).
                                                            
                                                                                
                                                                    La soi-disant valeur de  la vertu de justice est  ainsi réduite à  desmotivations psychologiques, à des  calculs d'intérêts.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est déjà une réduction psychologique dans  le style de LaRochefoucauld : « Les vertus se perdent dans l'intérêt comme lesfleuves dans la mer.
                                                            
                                                                                
                                                                    » D'où l'idée que le mythe de Gygès va illustrer : l'homme invisible qui pourrait impunémentaccomplir les plus délicieux forfaits ne pratiquerait jamais la justice.
(Explication et commentaire)
Gygès s'empare  de l'anneau.
                                                            
                                                                                
                                                                     L'aventure  de Gygès  nous est contée  sous la forme  d'un mythe  avec tous lesaccessoires habituels des contes : climat d'épouvante : un violent orage, la terre se fend, Gygès descend dans le.
                                                                                                                    »
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