Pourquoi punir ?
Publié le 28/04/2013
Extrait du document
«
paraître choquant, pour ne pas dire scandaleux, de punir un enfant qui ne fait pas le mal pour faire le mal,
qui ignore ce que sont le juste et l’injuste, qui accomplit un méfait sans en connaître ni les raisons ni les
causes.
En quoi pour lui, jouer avec des allumettes est -il de l’o rdre de la faute ? Il doit pourtant, nous dit le
Genevois, être puni.
On doit sévir ne fût -ce que pour son propre bien, pour l’empê cher de renouveler son
expérience.
La raison, le raisonnement est inutile et inc ertain.
On ne peut ni le convaincre par tout un
arsenal d’arguments, par une réflexion sur le mal et le bien, sur le juste et l’injuste ; ni le persuader par la
confiance ou l’affectivité.
Aussi la punit ion est-elle le d ernier recours : il faut punir mais en punissant, on
prend le risque, prévient Rousseau, que l’enfant n’ inscrive cette punition dans la ligne d’un trait de
caractère de l’éducateur, comme preuve d’une extrême sévérité o u comme expression de la colère ; ou pire
encore , comme désaffection à son égard.
C’est pourquoi il faut respecter un certain nombre de principes
dont dépendent les conséquences de la punition.
Rousseau nous avertit : ne jamais accompagner la
punition de manifestation d’ esprit coléreux, punir le moins possible et toujours en sorte que l’enfant ne
soit pas sanctionné par le maître mais par les suites mêmes de ses actes.
I l casse un carreau de la fenêtre de
sa chambre.
Il ne sert à rien de lui expliquer en quoi c’est une faute, un délit.
La seul e punition
envisageable est qu’il y dorme au risque de s’enrhumer.
S’il brise un objet ? Qu’il en re ssente la privation.
Il a menti ! Qu’ il éprouve en sa chair les effets néfastes du mensonge.
Par exemple, on le ne croira plus
même s’ il dit la vérité.
Ou e ncore, on l’accusera à tort ! Rousseau fonde la punition sur la nature.
La
« punition naturelle » est la seule réplique, l’unique sanction que l’on puisse infliger à un â ge où l’enfant
comprend mieux la nécessité des choses que la lo ngue chaine logique des raisons.
D’autant plus que la
punition ne va pas sans risques.
Kant relève, dans Réflexions sur l’ éducation, que la punition comme la
récompense façonnent les enfants à se mont rer hypocrites et cultivent en eux une « disposition servile ».
Lorsque l’enfant accède à l’âge de raison, Kant , grand lecteur de Rousseau, recommande de traiter le
mensonge — la faute la plus fautive à ses yeux — par un « regard de mépris ».
C’est que l’« agent moral »
est l’âge de la liberté, l’âge où l’éducation ne peut plus reposer sur la seule nécessité de protéger l’enfant
lui -même.
Si la punition présente des modalités diverses, ces modes d’exécution de la sanction doi vent tenir
compte du ce pour quoi et du pourquoi on punit .
La première raison évoquée serait l e caractère
d’e xemplarité de la punition.
On punirait non tant parce que le fautif aurait fauté mais pour dissuader
qui conque tenterait d’imiter l’acte sanctionné.
Il s’agit alors de la punition dissuasive dont le but est
d’ int imider, d’impressionner.
Cette que stion de la punition exemplaire est le nerf de la discussion sur la
peine de mort, sur le problème de la récidive.
Cette sanction pour et par l’ex emple n’est -elle pas
foncièrement injuste ? On ne punirait pas tant le fautif que celui qui n’a pas encor e fauté ! Dans ce cas, la
règle de la p unition ne serait plus la justice, mais l’efficacité ou encore un inst rument pour le pouvoir
politique de préserver une autorité souvent fragile ou menacée comme lors des crucifixions collectives
d’esclaves, la décimations lors des mutineries de 1917 dans l’Armée française.
Aussi cette fonction
exemplaire de la punition relève -t- elle exclusivement de l’ efficacité et non de la l égitimité morale.
Or,
comme le rappelle Kant , si l’on punit pour l’exe mple la punition est profondément injuste car il y a
utilisation de la personne comme un simple moyen.
Il faut donc à nouveaux frais réactiver les raisons de punir en fonction des finalités poursuivies.
So mme toute, pourquoi utilise -t- on la punition comme exemple ? N’est -ce pas pour accorder à la loi une
puissance conc rète et omniprésente ? Rémi d’ Orques découpé en morceaux est exposé sur la place
publique.
Pourquoi ? C’est la loi de César Borgia s immédiatement présente à tous.
Ce coup de force de la
punition trouve sa justification chez Mach iavel qui recommande, dans L e Prince, de sanctionner
énergiquement.
Par la suite, Montesquieu rattrape la même difficulté de devoir pense r le sens de la
punition.
Dans L ’Esprit de s lo is, il se p rononce pour une punition plus douce pour ne pas « user le
ressort », il serait en effet peu judicieux d’infliger les mêmes peines à des crimes de gravité différente, ce
qui reviendrait à inciter le contrevenant à risquer la sanction suprême.
Mais, outre cet effet pervers de la.
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