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Puis-je me mettre à la place d'autrui ?

Publié le 17/01/2022

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  Autrui possède vis-à-vis de nous-même le même statut que nous possédons vis-à-vis de lui : l'altérité entre individus est réciproque. Notre question revient donc à se demander ce qui est propre à chaque individu, puisque l'altérité d'autrui équivaut à l'individualité de chaque individu. Or, à l'évidence, ce qui est absolument propre à chaque individu et n'appartiendra jamais à autrui, c'est la conscience : notre conscience n'est jamais celle d'autrui, alors que nous pouvons obtenir des parties du corps d'autrui (pensons aux greffes par exemple) sans être désindividualisés. Pour emprunter un exemple au cinéma, nous ne nous retrouvons jamais dans la peau de John Malkovitch. Jusqu'à quel point peut-on alors approcher la conscience d'autrui ? Heidegger définit la conscience comme étant « sa propre ouverture au monde ». Elle n'est pas être une boite fermée mais au contraire, pour reprendre la métaphore de Sartre (interprétant Heidegger) l'ouverture d'une fenêtre sur le monde. Cette perspective nous offre peut-être la possibilité de pénétrer dans la conscience d'autrui. Il faut donc se demander en quoi consiste précisément cette ouverture au monde. L'homme ou, en termes heideggériens, le dasein (l'être-là) possède la structure de l'être-au-monde.

Analyse du sujet :

  • La forme de notre sujet est une question fermée : il s'agira d'y répondre par « oui « ou « non « en conclusion, au terme de l'argumentation qui fait l'objet du corps de la dissertation. L'argumentation est toujours la défense d'une thèse, c'est-à-dire, une prise de position par rapport à un problème qu'il s'agit de mettre au jour dans l'introduction. Pour faire surgir le problème qui sommeille dans le sujet, il convient d'analyser les termes qui composent celui-ci :
  • « se mettre à la place d'un autre « peut se comprendre de deux manières : ce peut être d'abord remplacer cet autre, c'est-à-dire assurer la fonction qui lui incombe. Cela peut aussi signifier faire comme si nous étions cet autre, pour agir comme si nous étions lui, comprendre ses décisions, ses dires ou actes, etc. Ne faut-il pas par exemple se mettre à la place de l'auteur dont nous voulons comprendre les thèses ?
  • Dans les deux cas, se mettre à la place d'un autre revient à rechercher la coïncidence de soi avec autrui, quant à sa fonction, sa pensée, etc. Il semble évident qu'une coïncidence absolue est impossible : nous pouvons éventuellement voler l'identité d'autrui, mais jamais son corps ni son esprit. Inutile donc d'essayer de défendre cette thèse. Le sujet invite plutôt à réfléchir sur la limite jusqu'à laquelle il est possible de coïncider avec autrui et les conditions sous lesquelles cette extrême coïncidence est possible.

Problématisation :

Rappelons que la problématique est l'ensemble des problèmes qui gisent sous le sujet, hiérarchisés en vue de leur résolution dans le corps de la dissertation. Si, comme notre intuition nous le laisse pressentir, la coïncidence de soi avec autrui est limitée, il convient de trouver ce qui ne pourra justement jamais coïncider, autrement dit, ce qui appartient en propre à autrui et jamais ne nous appartiendra. Remarquons qu'il ne s'agit que d'une intuition. Notre première direction de recherche prend donc la forme d'une question :

Autrui a-t-il quelque chose qui lui est propre ?

Nous nous demanderons ensuite jusqu'à quel point et comment coïncider avec autrui.

« II – Peut-on se rapporter au monde comme autrui le fait ? Il convient avec Heidegger de creuser la manière dont un dasein comprend lemonde afin de voir s'il est possible d'imiter le processus. Référence : Heidegger, Être et temps ( §15 : L'être de l'étant qui fait encontre dans le monde ambiant. ) « Les Grecs avaient, pour parler des « choses », un terme approprié pragmata , c'est-à-dire ce à quoi l'on a affaire dans l'usage de la préoccupation ( praxiV ).

Cependant, ils laissèrent justement dans l'obscurité le caractère ontologique spécifiquement « pragmatique » des pragmata et déterminèrent « d'abord » ceux-ci comme « simples choses ».

L'étant qui faitencontre dans la préoccupation, nous l'appelons l' outil .

Ce que l'on trouve dans l'usage, ce sont des outils pour écrire, pour coudre, pour effectuer untravail manuel, pour se déplacer, pour mesurer.

Le mode d'être de l'outil doitêtre dégagé.

Ce que nous ferons en prenant pour fil conducteur unedélimitation préalable de ce qui fait d'un outil un outil, l'ustensilité. Un outil, en toute rigueur cela n'existe pas.

A l'être de l'outil appartient toujours un complexe d'outils au sein duquel il peut être cet outil qu'il est.L'outil est essentiellement « quelque chose pour...

».

Les diverses guises du« pour...

» comme le service, l'utilité, l'employabilité ou la maniabilité constituent une totalité d'outils.

Dans la structure du « pour...

» est contenu un renvoi de quelque chose à quelque chose.

Le phénomène indiqué par ce terme ne pourra être manifesté en sa genèse ontologique qu'au cours desanalyses qui suivent.

Provisoirement, il convient de porter phénoménalement sous le regard une multiplicité derenvois.

L'outil, conformément à son ustensilité, est toujours par son appartenance à un autre outil : l'écritoire, la plume, l'encre, le papier, le sous-main, la table, la lampe, les meubles, les fenêtres, les portes, la chambre.

Ces« choses » ne commencent pas par se montrer pour elles-mêmes, pour constituer ensuite une somme de réalitépropre à remplir une chambre.

Ce qui fait de prime abord encontre, sans être saisi thématiquement, c'est lachambre, et encore celle-ci n'est-elle pas non plus l'« intervalle de quatre murs » dans un sens spatial géométrique— mais un outil d'habitation.

C'est à partir de lui que se montre l'« aménagement », et c'est en celui-ci qu'apparaît àchaque fois tel outil « singulier ».

Avant tel ou tel outil, une totalité d'outils est à chaque fois déjà découverte.

» Lorsque notre conscience se rapporte au monde, elle se rapporte à des « choses » que nous comprenons toujourssous l'angle de leur ustensilité (cf.

texte), c'est-à-dire, de ce à quoi elles servent, ou encore leur fonction. Si donc notre conscience attribue à une « chose » la même fonction que celle qu'une conscience étrangère auraitattribuée à cette même « chose », alors nous pouvons dire que nos compréhensions de cette « chose » estidentique.

Dans ce cas, nos consciences ont bien coïncidé.

Nous pouvons donc nous mettre à la place d'un autre. Mais justement il semble que des consciences différentes n'attribuent pas la même fonction à un même objet : parexemple, un masque africain à une fonction rituelle en Afrique, et la fonction d'oeuvre d'art dans un muséeeuropéen.

La coïncidence des consciences n'est donc pas assurée.

Pour qu'elle soit possible, il faudrait que noussachions quelle fonction autrui va attribuer à l'objet, en fonction de sa culture, son éducation, etc. III – Comprendre autrui pour se mettre à sa place : Pour comprendre complètement autrui, il faudrait, comme nous l'avons dit, connaître son milieu socioculturel,l'éducation qu'il a reçu, etc., c'est-à-dire, connaître l'ensemble des préjugés à partir desquels il va attribuer, en serapportant au monde, telle fonction à telle chose.

Il faudrait donc, pour comprendre parfaitement autrui, préalablenécessaire à une coïncidence des consciences, connaître toute son histoire. Référence : Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode « La naïveté de ce qu'on appelle historicisme consiste à se dérober à une telle réflexion et, en se fiant à laméthodologie de sa démarche, à oublier sa propre historicité.

Il faut en appeler ici d'une pensée historique malcomprise à une autre qu'il reste à mieux comprendre.

Une pensée vraiment historique doit inclure sa proprehistoricité.

A cette seule condition, elle cessera de poursuivre le fantôme d'un objet historique – objet d'unerecherche en progrès – pour discerner dans l'objet l'autre que ce qui nous est propre et par là apprendre àreconnaître aussi bien l'un que l'autre.

Le véritable objet de l'histoire n'est pas un objet, mais l'unité de cet « un » etde cet « autre », relation en laquelle consiste la réalité de l'histoire autant que celle de la compréhensionhistorique.

» Pour comprendre les préjugés d'autrui, constitués par son histoire, il faudrait soi-même pouvoir ne pas juger autrui àpartir de préjugés.

Or, comme le montre Gadamer, il est naïf de penser que l'on peut suspendre ses proprespréjugés : cela reviendrait à s'extraire de l'histoire et la regarder du dessus dans être soi-même historique, ce quiest impossible.

« Comprendre c'est toujours comprendre autrement » écrira Gadamer.. »

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