Puissance du formalisme de G. PEANO
Publié le 06/01/2020
Extrait du document
Quoi de plus naturel, de plus immédiat pour l'intuition que la suite des entiers : 0, 1, 2, 3, 4, etc. ? À quoi bon, dès lors, proposer une axiomatique des entiers naturels, c'est-à-dire une présentation systématisée de notions primitives accompagnée de règles formelles de construction de cette suite, et des procédures de déduction de ses éléments ? Pour en juger, il faut affronter la sécheresse de ce texte « formel » et cependant fécond.
Notions primitives :
1.0
2. N
3. +
L’objet zéro.
La classe des nombres.
La fonction de successeur immédiat.
Axiomes :
PI 0 G N Zéro est un nombre.
P2 a G N = > (a +) G N Le successeur d’un nombre
est un nombre. .
P3 5 G Cls • 0 G S- x & N G S • = > (x +) G S • = > N G S
Si \"S est une classe qui contient zéro et x est un nombre qui appartient à S\" implique que le successeur de x appartient à S, alors tous les nombres sont contenus dans S.
P4 a, b GIV• (a +) = (b +) => a = b
Si les successeurs de deux nombres sont égaux, ces nombres le sont.
P5 a N => (a +) ^ 0
Le successeur d’un nombre n’est pas zéro (zéro n’a pas de prédécesseur).
G. Peano, Arithmetices principia nova methodo exposita, (Turin, 1889), trad. J.-B. Grize, dans Logique et connaissance scientifique, PUF.
«
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
Leibniz projetait un art combinatoire dans lequel « toutes
les notions composées de l'univers entier sont réduites en
peu de notions simples qui en sont comme l'alphabet et,
inversement, il est possible de trouver, par une méthode
bien ordonnée de combinaison de cet alphabet, toutes les
choses avec tous leurs théorèmes et ce qu'on en pourra
jamais trouver » {Lettre au Duc Johann Friedrich,
octobre 1671).
C'est le programme d'une axiomatique, que
G.
Peano devait réaliser, deux siècles plus tard, dans ses
Principes de /'arithmétique, pour la théorie des nombres
entiers.
« La méthode axiomatique se propose, selon Blanché,
de pourchasser l'intuition pour lui substituer, non pas même le raisonnement, mais un calcul, un maniement
réglé et aveugle de symboles ».
C'est une tentative de
rationalisation intégrale, qui dépouille les nombres et les
opérations de leur contenu intuitif.
Le sens d'un symbole
mathématique se réduit alors à son mode d'emploi, stricte- j ment défini par des conventions d'écriture et des règles de
combinaison.
Leibniz rêvait d'une axiomatisation complète
qui eût permis de terminer toutes les disputes en disant :
«Calculons! ».Dès lors selon le mot de Condillac,« L'art
de raisonner se réduit à une langue bien faite » (Logique,
ch.
V).
Toute notre informatique repose ainsi sur l'analogie
entre raisonnement et manipulation réglée de symboles.
La schématisation abstraite d'une théorie déductive peut
présenter deux sortes d'avantages: «contenir et refouler
l'intuition sur le terrain où elle est irremplaçable », « déce
ler les analogies formelles, révéler les correspondances
insoupçonnées entre divers domaines d'une même
science, et même des parentés entre des sciences qui
semblaient étrangères» (R.
Blanché, L'axiomatique).
Peano propose ici une construction entièrement formali
sée de la théorie des entiers naturels.
Il énonce les défini
tions et les règles de construction dont on peut déduire
toutes les propriétés des nombres.
Essayons de voir com
ment fonctionne cette construction.
Dans cette théorie, zéro, par exemple, ne correspond
pas à la notion intuitive de rien ou de l'absence, ni à l'idée.
»
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