Punir, est-ce se venger ?
Publié le 21/01/2004
Extrait du document
«
A.
Toute la question est de savoir s'il y a une différence de nature ou simplement de degré entre la punition en général et la vengeance.
En effet, la punition raisonnée infligée par le juge ou celle que le père donne à son enfantsont-elles réellement différentes de la vengeance, ou n'en sont-elles qu'une forme maitrisée, sublimée pourrait-ondire pour reprendre le vocabulaire psychanalytique, d'un désir de vengeance ? La justice est-elle distincte de lavengeance, ou ne s'en distingue-t-elle que par des discours dans lesquelles elle s'auto-justifie ? la volonté de rendrejustice n'est-elle pas dérivée de la volonté de vengeance ?
B.
Pourquoi punissons-nous ? à cela, Nietzsche, dans le paragraphe 13 de la deuxième dissertation de la Généalogie de la morale répond que le sens que nous donnons au châtiment n'est pas unique, mais multiple.
Il dresse une liste non exhaustive d'interprétations afinde montrer qu'il n'est pas du tout clair de savoir au nom de quoi le châtimenta lieu, et quel effet nous en escomptons.
Voici quelques exemplesd'interprétations : « Châtiment, comme moyen d'empêcher le coupable denuire et de continuer ses dommages.
Châtiment comme rachat du dommagecausé et cela sous une forme quelconque (même celle d'une compensationd'affect).
Châtiment comme moyen d'isoler la cause d'une perturbationd'équilibre pour empêcher la propagation de cette perturbation.
Châtimentcomme moyen d'inspirer la terreur portée à ceux qui déterminent et exécutentle châtiment.
Châtiment comme moyen de compensation pour les avantagesdont le coupable a joui jusque-là (par exemple lorsqu'on l'utilise commeesclave dans une mine)….
».
On pourrait donc se demander si cettemultiplicité de justifications possibles ne cache pas un simple désir pulsionnelde vengeance manifesté dans l'institution policée qu'est la justice.
C.
Tout dépend du critère de distinction choisi : si c'est simplement le fait que la punition juste est une punition finie et proportionnée à l'acte, au lieud'une punition indéfinie et disproportionnée, alors toute punition n'est pasvengeance.
Mais si l'on estime qu'il y a vengeance dès lors que l'on al'impression, peut-être illusoire, que la souffrance du coupable va annuler ouatténuer la souffrance de la victime, alors, on peut effectivement considérer que toute punition est une vengeance.
Transition : c'est sans doute la motivation de la punition qu'il faut analyser afin de comprendre si toute punition est vengeance.
III. Punir, c'est soigner.
A.
La vengeance suppose une volonté de faire du mal.
Or, on peut douter que punir quelqu'un pour ses crimes, ce soit lui faire du mal.
Evidemment, il semble à première vue qu'être inculpé et châtié pour ses méfaits soit quelquechose de nuisible.
Mais est-ce si évident ? dans le Gorgias de Platon, Polos déclare à Socrate que selon lui l'homme le plus heureux qui soit est le tyran qui n'est pas puni.
Il peut en effet à saguise commettre des injustices sans en subir les conséquences.
A cela,Socrate lui répond que pour sa part, il préfère subir une injustice que lacommettre.
Au nom de quoi Socrate peut-il dire que le statut de victime estpréférable à celui de coupable ? c'est parce que la victime, une fois le méfaitpassé n'est pas contrainte de vivre au côté de son bourreau, d'un hommeinjuste ; tandis que celui qui commet une injustice devient injuste et seretrouve contraint de vivre avec lui-même pour toujours, c'est-à-dire de vivreavec un homme injuste.
Il est donc préférable pour l'homme d'être vertueuxque de ne l'être pas, et c'est cela qui détermine son véritable bonheur.
Letyran impuni est donc selon Socrate l'homme le plus malheureux qui soit, etnon le plus heureux, et au contraire, le punir, c'est lui faire un bien, lui rendreun service, car on lui permet ainsi d'avoir une chance de devenir bon.
Lapunition a donc un sens formateur, elle éduque et rend meilleur celui qui lasubit, à condition bien entendu qu'elle soit juste.
B.
Mais la punition consiste également à soigner la société : Kant, dans la Métaphysique des mœurs, Doctrine du droit deuxième partie, « le droit public » §48, rappelle l'adage selon lequel « si tu voles, tu te voles toi-même ».
En effet, celui qui vole rend incertaine la propriété de tous, et par làmême la sienne.
La punition doit donc intervenir afin de rétablir le droit de tous, y compris de celui qui a volé.
Punir,c'est donc soigner, comme un médecin soigne, non seulement le voleur, mais aussi la société.
C'est pourquoi lorsquequelqu'un tue, il doit mourir selon Kant.
Et Kant précise que même si un peuple voulait se dissoudre, c'est-à-dire que.
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