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Que pensez-vous de ce jugement porté en 1859 par Baudelaire sur le réalisme : « Dans ces derniers temps nous avons entendu dire de mille manières différentes : « Copiez la nature; ne copiez que la nature. Il n'y a pas de plus grande jouissance ni de plus beau triomphe qu'une copie excellente de la nature. » Et cette doctrine, ennemie de l'art, prétendait être appliquée non seulement à la peinture, mais à tous les arts, même au roman, même à la poésie. A ces doctrinaires si satisfaits d

Publié le 12/04/2009

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baudelaire

• un « Salon « qui l'a déçu par le réalisme quasi photographique de trop de peintures.  • Les progrès de la photographie ne sont qu'un aspect des progrès économiques et industriels si « voyants « sous le Second Empire : démolition du vieux Paris, que Baudelaire déplore dans Le Cygne. usines à vapeur qui noircissent la ville à la périphérie, prolétariat surmené et alcoolique (cf. in Fleurs du Mal, Le Crépuscule du Matin, Le Vin de l'Assassin, etc.), lueurs blafardes du gaz qui donnent à toutes choses un nouvel éclairage d'une modernité infernale, art industriel qui prétend substituer à l'antique artisanat une production en série d'imitation et de pacotille. Quand Baudelaire parle de la nature laide, nul doute qu'il ne songe à ce nouvel aspect des choses à côté de son hostilité fondamentale à la nature au sens traditionnel du terme.  • Baudelaire trouve donc singulier que, devant une pareille montée de trivialité et d'inhumanité, ce soit le moment que choisissent les Champfleury et les Courbet (qu'il admire par ailleurs comme écrivain et comme peintre) pour développer des théories où le Beau doit provenir d'une soumission de principe à cette trivialité. Certes il comprend bien contre quel romantisme, et surtout contre quel idéalisme bourgeois veulent réagir ces réalistes: il saisit bien ce qu'il a de poésie forte et concrète chez eux, mais il refuse l'idée que l'art soit fondamentalement au niveau des choses, il affirme la supériorité de l'imagination, c'est-à-dire de l'esprit humain et de sa puissance à réorganiser le réel par l'œuvre d'art.  

baudelaire

« grandes œuvres sont des cathédrales mentales, des « temples pleins d'ordre et d'opulence » (cf.

Pièce XVI desFleurs du Mal, Châtiment de l'orgueil).

Les matériaux peuvent en être fort vulgaires, mais les structures chantent le« triomphe » (le mot est dans notre citation et il est important) de cette sorte d'aristocrate bâtisseur qu'estl'artiste.

D'où le goût de Baudelaire pour les grands « constructeurs » comme Michel-Ange, Delacroix, Wagner. 3 Enfin l'attitude baudelairienne rappelle qu'il n'est d'art que par une insatisfaction fondamentale: « Rien de ce quiest ne me satisfait ».

proclame « l'homme imaginatif » cher à Baudelaire, et l'on songe, bien sûr.

à tous les soucisprivés de Baudelaire depuis sa famille jusqu'à sa maladie finale, mais plus métaphysiquement Baudelaire nous rappelleque.

même si la construction artistique est joie, c'est d'une dissonance première, d'un malheur fondamental que jaillitle désir de l'œuvre d'art. III Les dangers de la méthode baudelairienne On peut se demander toutefois si Baudelaire a bien compris le réalisme et s'il a saisi l'importance de la révolutionesthétique qu'il a constituée. 1 Et tout d'abord on peut se demander si Baudelaire a bien résolu la question des rapports de l'art et de la science,à une époque où celle-ci bouleverse les conditions de vie : certes il était naïf de la part des réalistes et desnaturalistes de déclarer que la promotion de la science devait supprimer pratiquement le rôle de l'imaginationcréatrice, ne serait-ce que parce que la science est souvent le produit de cette même imagination.

Mais enfin iln'est guère possible de nier qu'une époque de bouleversements scientifiques engendre une autre vision des choses :comme le dit un héros de Jules Romains dans Les Hommes de bonne volonté, après les bouleversements quel'astronomie moderne a apportés dans nos connaissances, il n'est plus guère possible de rêver aux étoiles commeune jeune fille de Francis Jammes.

On peut certes (et on doit) rêver aux étoiles, mais l'arrière-plan de la sensibiliténe peut être le même pour un lecteur d'Einstein que pour un lecteur de Ptolémée.

En d'autres termes.

Baudelairerecommande peut-être trop de se replier dans l'imagination (« rien de ce qui est ne me satisfait »).

alors que.comme le verra très bien Apollinaire, les progrès de la science peuvent stimuler de nouvelles formes d'imagination.Ainsi de nos jours un poète qui ne tiendrait pas compte dans ses rêveries de la terre vue d'avion risquerait d'avoirune imagination un peu limitée et un peu démodée. 2 On peut en outre se demander si Baudelaire ne méconnaît pas d'une façon excessive cet appel du réel qui se faitentendre, au moins chez une certaine lignée d'artistes : dire que la nature est laide, c'est risquer de favoriser tousles angélismes, toutes les œuvres de pure compensation qui tournent le dos à la vie et cherchent à trouver dansl'art ce que la vie n'a pas apporté à l'artiste.

Ces fêtes de l'imagination que s'offriront par exemple les poètessymbolistes ont parfois quelque chose d'un peu agaçant, quand on songe à la vie d'employés médiocres qu'ilsmenaient souvent par ailleurs.

Qu'un' Albert Samain présente son âme comme une infante en robe de parade, qu'il secomplaise en des rêveries de luxure somptueuse dans le style de la Renaissance, est-ce là triomphe de l'imaginationou léger ridicule qui fait vaguement songer à Tartarin de Tarascon? Il faut reconnaître que notre époque a fait desprogrès à cet égard : de plus en plus, l'écrivain d'imagination est en même temps un homme qui a cherché à investirle réel; ce qu'un Malraux nous raconte de l'Orient, il l'a vu et souvent fait.

Et, sans chercher des cas aussi typiques,rare est l'écrivain moderne qui n'a pas vécu la guerre, la Résistance, beaucoup voyagé, participé à des luttesrévolutionnaires ou autres, etc.

L'imagination est de moins en moins ce palais merveilleux et enchanté auquelsongeait Baudelaire, mais une sorte de regard comme celui d'Éluard où « Le monde entier dépend de tes yeuxpurs/Et tout mon sang coule dans leurs regards».

Ce peut être aussi le regard désespéré des héros de Céline ou deceux des romanciers russes du XIXe siècle dont l'influence en France a immédiatement succédé à celle desnaturalistes (en 1884, Melchior de Vogué traduit et révèle Guerre et Paix aux Français). 3 En fait, le réalisme est loin d'être mort, bien que nul ne nie la primauté de l'imagination parce que la notion mêmede réel s'est considérablement élargie: l'univers étouffant du bourgeois qu'était Baudelaire ne pouvait en effettrouver de compensation que par la merveilleuse chambre close, celle de La Mort des Amants, des « lits pleinsd'odeurs légères », des « fleurs sur des étagères », ou celle, évoquée dans Paysage, où il compte « bâtir dans lanuit (ses) féeriques palais ».

Le problème de l'artiste moderne, ce n'est certes pas de renoncer à l'imagination, c'estde trouver le rôle exact de cette imagination en face d'un monde qui le sollicite, de l'Amérique à la Chine et desprofondeurs de la mer aux infinis planétaires.

Nous ne pensons pas que cette solution ait encore été trouvée : lesgrands romans cycliques n'ont pas vraiment renouvelé la formule « réaliste » d'un Balzac ou d'un Zola; les « romansde l'objet » ont essayé d'établir un parallèle étroit, voire une identification, entre les structures de l'imaginationcomme regard et les structures du réel.

On peut penser que le grand romancier à venir sera celui dont l'imaginationpourra être au niveau d'un réel vraiment comique.. »

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