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Que peut la beauté contre la violence ?

Publié le 17/01/2011

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Le célèbre tableau de Pablo Picasso, Guernica, représente un événement tragique qui s’est déroulé en 1937, le 27 avril, dans le village du même nom. L’aviation nazie, allié au général Franco, bombarda ce village basque. Ainsi, peut-on voir dans ce tableau un témoignage, un cri de colère, une implication de l’artiste face à la violence de la guerre. Pourtant, est-ce vraiment ce qui fonde la beauté de cette fresque ? En effet, cette lutte contre la barbarie humaine ne saurait dire la totalité de l’œuvre ; on peut y voir un sens, mais pas l’ensemble de son être, l’essence de la beauté de ce tableau. 

 

« l’incapacité de droit.

En effet, si l’on utilise la beauté, si elle devient le moyen d’une action, elle perd son sens premier.

Ce n’est plus de labeauté qu’il s’agit mais d’une simple image ou d’un spectacle.

C’est ainsi qu’il faut comprendre l’ouvrage de Guy Debord,La société du spectacle.

Il commence d’une façon similaire au Capital, de Marx : « Toute la vie des sociétés dans lesquellesrègnent les conditions modernes de production s'annonce comme une immense accumulation de spectacles.

» Cettecritique virulente de la société de consommation dénonce l’usage des images à des fins commerciales.

Le spectacle estentendu comme une idéologie économique destinée à une lecture unique dans la conscience de chacun.

Réduire donc labeauté à une utilisation matérielle pour lutter contre la violence ce serait la transformer, au sens de Debord, en spectacle,en idéologie aliénante.

La beauté ne peut donc pas être un moyen.Ainsi la beauté ne peut pas être utilisé comme un moyen en vue de réaliser une fin d’anéantissement de la violence.

Audelà du caractère d’instrumentalisation de la beauté, qui lui fait perdre son sens, c’est ici à la réception de la beautécomme un moyen de lutter contre la violence qu’il faut s’intéresser.

Si l’on reçoit l’image utilisée de la beauté comme lavérité de la beauté, on ne reçoit pas réellement la beauté, mais une copie dégradée, salie par l’utilisation que l’on en afaite.

Et sa réception n’est pas contemplation mais aliénation.

Les prisonniers de la caverne platonicienne (Livre VII de laRépublique) se bornent à regarder des ombres projettes sur les parois, à entendre l’écho de voix.

Ces réceptions sontlittéralement dégradées parce qu’elle servent à quelque chose.

Les « marionnettistes » qui agitent ces formes utilisent laviolence dans le cadre d’une morale qu’ils veulent imposer.

Ainsi les prisonniers de la caverne ne voient pas le beau maissont aliénés aux images dégradées.

On ne pourra pas alors résoudre la question de la violence, car l’aliénation deshommes qui se cantonnent à des images rend toute action de la beauté impossible, la violence ayant le champ libre, uneaction sans frontière.

Si l’on reprend l’exemple de Guernica, l’analyse d’une fresque telle que celle-ci comme le simplemessage d’une lutte contre la violence de la guerre, ferait de ce tableau une simple image dégradée.

Sa réception neserait pas celle de l’œuvre d’art mais de l’information.

Or le génie de Pablo Picasso dépasse bien le simple message.Pourquoi aurait-il peint Guernica s’il n’y voulait que figurer le message de cette lutte ? Ainsi la beauté, si elle est utilisée comme moyen de véhiculer une opposition à la violence, n’est plus qu’une simple image.Et si elle est reçue par les hommes comme un message anti-violent, elle n’agit pas en tant que beauté mais comme unealiénation à un message précis.

La violence, alors, continue, perdure sans pouvoir être restreinte par la beauté.

Au delà même des incapacités a agir de la beauté, la violence, elle-même dégrade la beauté, elle la pervertit, et ladénature.

Ici la beauté ne peut plus rien, elle subit.

Reprenons ici la définition effectuée par Paul Ricœur dans le chapitre de Lecture 1 à propos de la violence et du langage.Pour ce dernier la violence est l’empire de l’entre-deux entre le meurtre et l’ouragan.

Il s’agit de violences comme actionsdu monde et qui s’incarnent dans ce monde.

D’un point de vue naturel tout d’abord, la violence de l’ouragan fustige labeauté de la nature.

Il faut effectué ici une distinction propre à Edmund Burke, dans Recherche philosophique sur l'originede nos idées du sublime et du beau.

Pour ce dernier le sublime est terrible et disproportionné ; le beau quant à lui estharmonieux et attirant.

Ainsi la violence d’un ouragan peut être sublime, mais elle dégrade l’harmonie de la nature, saréelle beauté.

Comme le champ lui est laissé libre, et que la beauté ne peut rien en tant qu’action directe contre celle-ci, illui est possible de ravager la beauté, de la brutaliser, de contraindre en quelque sorte sa présence.

La violence faite à labeauté naturelle l’empêche alors, une fois de plus d’agir à l’encontre de cette première.

Elle détruit donc les vertspâturage d’Arcadie, ne laissant qu’un funeste désordre dans la nature.

Du point de vue de l’homme maintenant la créationartistique et la beauté en générale présente chez l’homme, se trouvent contraints par cet acte qu’est la violence.

En effet,la violence en tant que meurtre peut se rapporter à l’ensemble des actes de domination, de tentative de privation deliberté de l’autre.

L’homme par sa violence veut contraindre l’autre, le priver de sa liberté nécessaire pour se développer.Or si l’on prive de liberté un homme, on l’empêche de déployer l’espace nécessaire à la création libre qu’est la beauté.

Et sila beauté artistique ne peut plus être, par la contrainte de l’homme violent, elle ne peut, de même, plus lutter contre cetteviolence.

Elle n’existe pas en tant que telle.

Ainsi par la violence de l’ouragan sur la nature et la contrainte d’un homme surl’autre, la beauté est brimée.

Le sublime peut bien s’exprimer dans se déchainement violent, mais l’harmonie naturelle dela beauté est rompue, elle ne peut plus donc agir contre la violence.

Somme toute, la beauté se retrouve face à une contrainte, une impossibilité d’agir qui dépend en partie de sa naturepurement esthétique, mais aussi de la nature de la violence qui empêche la beauté d’agir, qui la brime.

Mais de quelle beauté parle t’on ? En tant que telle la beauté ne semble pas pouvoir agir directement, elle est comme unepierre inerte.

Et la violence, elle, se déchaine.

Arthur Rimbaud écrit dans le prologue d’Une saison en Enfer : « Un soir, j'aiassis la Beauté sur mes genoux.

- Et je l'ai trouvée amère.

- Et je l'ai injuriée ».

Mais il s’agit d’une beauté académique devaleur bourgeoise.

Ce vers quoi Rimbaud s’insurge c’est que derrière l'adoration universelle que l'humanité-troupeau offreà l'idée de beauté se cache un esclavage culturel auquel les faibles se plient par leur propre volonté.

La beauté est unevaleur aristocratique, et le peuple se trompe en l'adoptant comme sien.

La beauté est amère, elle nourrit la frustration,elle aliène les esprits, elle gonfle les orgueils, elle disqualifie.

Mais paradoxalement, par cette critique acerbe, le poète faitpreuve de création, d’une nouvelle beauté, étrange.

C’est un « violent qui contraint les choses à parler » (Paul Ricœur,Lecture 1).

Par cette beauté étrange se prépare une nouvelle lutte, une harmonisation de la violence.

Ainsi, la beauté, parsa réception et sa création à l’encontre de la violence ou en son sein, « agit » indirectement, elle l’éloigne temporairement.Il ne s’agit pas à proprement parler d’une action, mais de la conséquence soit d’une contemplation soit d’une création.

L’esthétique de la beauté ne pourrait pas alors agir directement contre l’action violence qui ne se combat a priori que parune action éthique.

Toutefois par ses conséquences, et de manière indirect, la beauté « agit » à l’encontre de la violence.C’est un éloignement qui permet à la beauté de se réaliser.

Dans un premier temps l’actualisation de la violence en tant qu’œuvre est nécessaire à la canaliser.

L’homme agit dans lechoix de ce qu’il considère comme beau, dans le sujet de sa réalisation.

La violence est donc un facteur de créationharmonisé.Par la suite la moralisation de la beauté conduirait à lutter contre la violence.

Si l’on évalue usuellement la violence sur une. »

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