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Que peut-on attendre de l'Etat ?

Publié le 27/02/2008

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Que peut-on attendre de l'Etat ?

Que peut-on attendre de l’État, sinon qu’il remplisse ses fonctions de régulation des rapports entre les individus qui constituent la société civile ? En effet, l’État étant une instance que nous avons édifiée en vue d’organiser et de diriger, au moyen d’institutions spécifiques, notre vie commune, il semble a priori absurde de nous demander ce que l’on peut en attendre. L’État est un artifice, et en ce sens, ce qu’il peut nous apporter se résume aux besoins et aux nécessités qui président à sa création. Pourtant, et il suffit pour cela d’ouvrir un journal, d’allumer sa radio ou sa télévision, force est de constater que notre État et ses représentants sont l’adresse de revendications de plus en plus nombreuses, vigoureuses et variées. Certains rappels à l’ordre sont plutôt légitimes, qui réclament les moyens nécessaires au bon fonctionnement de l’organisation actuelle (ex. de revendications concernant l’accès à l’emploi ou à la santé) ; mais il n’est pas rare d’assister à des demandes faites à l’État qui semblent excéder ses fonctions initiales. Ainsi, nous demander ce que l’on peut attendre de l’État, mais aussi ce qu’il est possible d’attendre de lui n’est-il pas si absurde que cela.

Doit-on par exemple exiger que l’État s’assure de notre bien-être psychique en employant des psychologues dans le service public ? Est-il légitime d’attaquer l’État en justice parce qu’il propose à la vente des produits nocifs comme l’alcool et le tabac ? Autrement dit, l’Etat a-t-il quelque chose à voir avec ce qui touche notre bonheur, notre qualité de vie ? En est-il responsable ? Doit-on attendre de lui qu’il veille sur nous comme une mère veille sur son enfant et essaye de lui éviter tous les dangers ?

« des plus grands malheurs puisqu'il mène à des conflits « pour rien », écrit Hobbes, est aussi ce qui pousse l'homme à contracter avec ses semblables pour préserver son existence.

Ce que l'hommeattend de l'État, c'est donc aussi que celui-ci lui donne les moyens d'êtreheureux en vivant (il n'est jamais question chez Hobbes, dans l'évocation dela peur de la mort, de la nécessité de continuer l'espèce, par exemple), et enassurant la propriété de ce qui n'est que possession.

C'est doncl'attachement de chacun à son existence et non une quelconque sociabilitéqui pousse l'homme à contracter.

Dès lors, il est clair que ce que l'hommeattend de l'État, c'est qu'il assure une issue heureuse à son existence enlimitant le pouvoir des autres sur lui-même.Avec l'État, poursuit Hobbes, naît la morale ; avant les lois, pas de notions dujuste et de l'injuste.

Ici donc, le devoir-être qui caractérise la morale estsubordonné au bonheur ; la loi, prescription universelle s'appliquant à tous,statue et donne la règle du devenir heureux.

Il s'agit alors de nous demanderdans quelle mesure il est possible à l'État de donner des règles en matière debonheur, mais également si cela est souhaitable.

Point n'est besoin en effetde multiplier les exemples pour montrer combien, en ce qui concerne lebonheur, les conceptions diffèrent.

Il semble donc difficile, au vu del'hétérogénéité des régimes de la loi et du bonheur, d'attendre de l'État qu'ilfavorise notre bonheur ; mais pourtant, nous contractons ! SuivonsRousseau, qui dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes , souligne que les hommes ne se contraignent jamais à des lois pour le plaisir de s'aliéner, et tentons d'examiner quel peut bien être le gain pour l'homme à instituer un État si ce n'est pas le bonheur.

S'il paraît peu légitime voire dangereux d'attendre d'un autre qu'il nous dicte notre conduite en matière de bonheur,c'est, nous l'avons vu, d'une part car cela est impossible et donc forcément arbitraire, et d'autre part, parce quecela réduit l'existence humaine à une recherche de satisfactions empiriques et narcissiques.

Or, comme nous l'avonssouligné en introduction, les prétentions humaines excèdent parfois les limites de leur existence physiologique. Kant, dans Théorie et Pratique , II, explique que la constitution civile vise à garantir, au sein de l'union, le droit de chacun.

L'État est donc le dépositaireet l'exécutant de cette création humaine.

Ce droit c'est la liberté, mais ellen'a rien à voir avec le bonheur : il ne s'agit pas d'une liberté sur toute chose,mais de la liberté de décider, par exemple, des moyens du bonheur.

La loivient limiter la liberté de chacun pour permettre celle de tous.

Surtout, Kantexplique que la loi est construite par la Raison pure, et qu'elle n'a rien à voirdu tout avec des éléments empiriques.

Toute incursion du registre del'universel dans le domaine du bonheur relève en effet du despotisme.

Dèslors, attendre de l'État qu'il nous guide vers le bonheur, c'est souhaiter unétat totalitaire.

Quel avantage les hommes y trouveraient-ils par rapport àl'état de nature ?Contre Hobbes, Rousseau développe une autre fiction de l'état de nature,dans lequel règne un bonheur originel peu à peu ruiné par des rapportshumains régis, à tort, par une recherche du bonheur individuel.

L'État doitvenir réguler cela en introduisant la notion de l'intérêt commun.

Kant aussi,dans l' Anthropologie du point de vue pragmatique , développe l'idée selon laquelle en société, l'homme développe des dispositions qui mènent à un étatde violence où chacun utilise l'autre en vue d'une fin.

Après avoir développéses aptitudes techniques, c'est-à-dire la capacité à maîtriser l'environnementau moyen d'outils, l'homme découvre en effet en lui une dispositionpragmatique où c'est cette fois non plus l'outil, mais l'autre qui est utilisé pour parvenir à ses fins.

Mais Kant voit en l'homme une troisième disposition : la disposition morale, que la société, cettefois-ci civile et non plus seulement société, doit permettre de développer.

L'État n'institue pas la morale, mais ilnous permet de l'actualiser en nous.

Cette « pitié naturelle » sensible dont parle Rousseau, l'État doit la faire loi eninstaurant une loi naturelle originelle selon laquelle il y a égalité de tous dans le droit à exercer sa liberté.Il n'est donc pas question de bonheur, mais bien de morale dans les attentes que l'on doit avoir envers l'État.

Cettemorale n'est pas imposée de l'extérieur, mais s'appuie sur la capacité du législateur à se représenter la volontégénérale, à faire « comme si » un contrat originaire avait été passé entre les hommes pour déterminer la légitimitéou non d'une loi.

Cette aptitude que Kant attribue au législateur repose sur l'aptitude de chacun à être son proprelégislateur, c'est-à-dire à ordonner ses actions à une règle.

La règle dont il est question, c'est celle de l'Idée d'uncontrat originaire, formée, comme l'Idée du Beau, par l'aptitude à ressentir une universalité subjective.

Lelégislateur, du fait de son appartenance à la communauté humaine, évalue la loi en fonction de ce sentiment qui luipermet d'être sûr d'être conforme à la volonté, « comme si » la forme de la volonté était représentée dans cette loi.Néanmoins, on peut encore se demander ce qui est visé, attendu dans l'actualisation de cette disposition morale.Kant explique aussi qu'elle ne se développe qu'à reculons, c'est-à-dire sous la contrainte de la nécessité de vivreensemble ; il s'agit de braver une insociabilité tout aussi naturelle.

Pourquoi donc attendre de l'État qu'il éveille ennous cette disposition qui ne nous procure au départ aucune satisfaction ? Peut être que cette disposition, c'estaussi la découverte du fait que même quand il n'y a pas de règles, nous sentons qu'un choix est possible sur la basedu sentiment de notre communauté avec les autres hommes.

Ne peut-on dès lors pas dire que l'État, en nouséveillant au « comme si », nous révèle la voie du bonheur en indiquant la puissance infinie de notre Raison pratique ?. »

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