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Que peut-on tirer de l'étude du langage pour la psychologie ?

Publié le 31/05/2011

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Exorde. — Le langage, qui sert à exprimer la pensée, l'aide aussi à se former et à se développer; car si l'on peut, à la rigueur, penser sans le secours des mots, on ne peut le faire avec suite et avec succès qu'avec le secours de la parole écrite ou parlée, et Cicéron a eu raison de dire : "Hoc praecipue bestiis praestamus quod loquimur". Toutefois il ne faut pas exagérer l'influence exercée par le langage sur la pensée. Celle-ci est antérieure au langage, qui n'est que l'instrument et comme le prolongement de la pensée; elle est la cause, il n'est que l'effet. Or, puisque c'est elle qui crée le langage, on peut s'en faire une idée d'après lui, comme on connaît un écrivain d'après son livre, comme on connaît Dieu d'après ses oeuvres; si le style est l'homme même, le langage est la pensée même. La psychologie peut donc demander au langage des renseignements sur l'âme pensante.

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« L'emploi ordinaire des inversions prouve donc que l'imagination et la sensibilité se développent chez l'homme avant laraison.Troisième partie.

— En outre, on constate que les langues ont entre elles des ressemblances fondamentales, qu'ellesprésentent des caractères communs, invariables, dont l'ensemble constitue la grammaire générale.

Or, si les languesoffrent, au milieu de la plus grande diversité, des principes immuables et universels, pour ainsi dire antérieurs à toutelangue particulière, cela tient évidemment à la nature de l'intelligence, les lois du langage devant être dans unrapport étroit avec les lois de la pensée; car la pensée préexiste nécessairement aux mots qui ne sont que lessignes physiques de la pensée » .

La possibilité de constituer une grammaire générale permet à la psychologie deconclure à l'identité, à l'impersonnalité de la raison humaine.

En effet, il n'est pas difficile d'établir que les idéesélémentaires ne varient pas d'un homme à un autre ni dans le même homme; pour tout le monde, en tout temps eten tout pays, il a été, il est et il sera éternellement vrai que la partie est plus petite que le tout, que le tout estégal à la somme de ses parties, que tout phénomène a une cause, etc.

Et pour emprunter un exemple à lagrammaire générale, si toutes les langues présentent des substantifs, des adjectifs et des verbes, c'est que lapensée a toujours des choses, des substances à nommer, des qualités à désigner, des jugements à formuler quiaffirment l'existence des substances ou en indiquent la nature.

Péroraison.

— Ainsi l'étude du langage peut fournir à la psychologie des renseignements intéressants.

Cette étudemontre que la pensée voit d'abord les choses d'une manière synthétique et n'arrive que par degrés à l'analyse ; elleprouve par l'emploi des inversions que l'homme est un être sensible et passionné avant de se montrer comme un êtredoué de raison; enfin, la grammaire générale fait voir que la pensée humaine porte au fond sur les mêmes objetsessentiels, et la science comparée des langues établit l'unité du genre humain, la parenté des races humaines.

Qued'observations intéressantes on pourrait encore ajouter à celles qui précèdent! Par exemple, si les langues du Midi,filles charmantes d'un climat heureux, abondent en terminaisons éclatantes, en tours harmonieux, cela ne prouve-t-il pas que les peuples qui les parlent et les ont créées, vivent surtout par l'imagination, aiment tout ce qui frappe lessens par l'éclat, la splendeur et la sonorité? Au contraire, si les langues du Nord sont plus rudes, plus sévères, celane prouve-t-il pas que les septentrionaux écoutent plus volontiers la raison que l'imagination, apprécient les choses,non d'après l'extérieur, mais d'après la valeur réelle? « Les langues du Midi sont filles de la joie, et les langues duNord, du besoin.

» On a donc pu dire avec raison : « La langue est un miroir où notre pensée apprend à seconnaître.

» Et Mme de Staël ne se trompait pas quand elle écrivait ces mots : « En étudiant l'esprit et le caractèred'une langue, on apprend l'histoire philosophique des opinions, des moeurs et des habitudes nationales; et lesmodifications que subit le langage doivent jeter de grandes lumières sur la marche de la pensée.

» (De l'Allemagne,chap.

xii.) Il faut toutefois faire cette réserve que le meilleur moyen de connaître l'âme, la vraie méthodepsychologique, est l'observation par la conscience; sans ses lumières, les autres procédés, qui sont tous plus oumoins indirects et obliques, perdent la plus grande partie de leur utilité ; ils n'ont de valeur que pour compléter etconfirmer les résultats de l'observation intérieure.. »

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