Que serait une liberté rationnelle ?

Né de la science, le déterminisme s'est surtout développé au 19e siècle, mais ses principales affirmations ont été auparavant admirablement mises en lumière par la doctrine spinoziste de la liberté rationnelle. C'est pourquoi nous centrerons notre examen critique des thèses déterministes sur la seule théorie de Spinoza. Passer d'une étude du déterminisme à une étude de la liberté rationnelle, ce n'est pas, malgré l'emploi du mot « liberté «, changer de sujet. Le spinozisme est en effet une philosophie de la nécessité absolue. En voici les thèmes essentiels : a) Si l'on donne au mot « liberté « le sens de cause productrice première, il faut reconnaître que l'homme n'est pas libre. Il est en effet une chose singulière, un individu créé ; or une chose créée est par définition créée par une cause qui lui est extérieure, toutes ses déterminations trouvant leur cause première dans cette cause créatrice. Une pierre qui reçoit d'une cause extérieure une impulsion qui lui donne une certaine quantité de mouvement continue à se mouvoir même si cette cause a cessé d'agir ; mais cette persistance du mouvement est encore une contrainte parce que la persistance même est une suite de l'impulsion initiale. « Et ce qui est vrai de la pierre, il faut l'entendre de toute chose singulière, quelle que soit la complexité qu'il vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent être ses aptitudes, parce que toute chose singulière est nécessairement déterminée par une cause extérieure à exister et à agir d'une certaine manière déterminée. « Si donc une chose singulière est cause, c'est parce qu'elle est déterminée à être cause, parce qu'elle a elle-même une cause qui, pour être homogène à son effet, doit être aussi une chose singulière, c'est-à-dire avoir une cause, et ainsi de suite à l'infini. Or l'homme est chose singulière et, comme on appelle volonté le pouvoir par lequel il se détermine, la volonté ne sera pas cause libre, mais cause nécessaire.