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Quelle est, selon vous, l'importance historique des réflexions doctrinales de la Pléiade ?

Publié le 11/01/2010

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L'activité des poètes de la Pléiade est caractérisée par la publication, parallèlement à celle des oeuvres, d'un certain nombre de textes théoriques, soit sous forme de livre comme la Défense et illustration de la langue française en 1549, soit sous forme d'études ou de préfaces comme l'Abrégé de l'art poétique (1563), les deux préfaces de la Franciade (1572 et posthume) et celle de l'Olive (1649). Ces poètes ne furent d'ailleurs pas les seuls à publier ainsi des réflexions sur leur art : Sibilet en 1549 publie un Art Poétique, Pelletier, en 1555, réfléchit sur les genres et l'essence du génie, et Laudun, en 1598, sur les Anciens et leurs règles. Vauquelin de la Fresnaye, enfin, publiera en 1605 un Art Poétique, écrit beaucoup plus tôt, sous l'influence directe de la Pléiade.

Parmi tous ces commentaires, ceux des poètes de la Pléiade paraissent essentiels pour deux raisons : en premier lieu parce qu'ils furent accompagnés d'oeuvres valables, qui confirmèrent, ou infirmèrent parfois, les théories qu'ils contenaient ; d'autre part, parce que ces réflexions doctrinales furent d'une importance historique capitale, tant au point de vue de l'esthétique et de la poésie, qu'à celui de l'histoire littéraire elle-même. C'est en nous plaçant à ce triple point de vue que nous allons les examiner, puisque nous nous proposons d'étudier non pas

le passage de la théorie à la pratique qui donna naissance aux oeuvres poétiques des uns et des autres, mais la signification et la portée de ces réflexions doctrinales.

 

 

« L'importance de ces réflexions doctrinales est manifeste aussi par rapport à la poésie.

En effet, elles vont fixer uneconception complète, ou qui se voudra telle, de cet art. Du Bellay va comprendre le premier l'importance de In no//on de genre.

L'essoufflement de la poésie contemporaine et antérieure lui paraît venir avant tout des genres auxquels elle se consacrait, et l'on sait comme la Deffense et Illustration prend à parti les « rondeaux, ballades, virelais, chants royaux, chansons et autres épiceries » qu'elle conseille de réserver désormais « aux Jeux Floraux de Toulouse ».

Du Bellay comprend qu'il n'existe pas d'inspirationvalable dans l'absolu, qu'elle ne vaut toujours que par le moule dans lequel on la coule.

Il y a là un paradoxe quin'est pas sans grandeur esthétique.

Pour lui, la médiocrité de ses prédécesseurs tient à la mièvrerie des cadresmoyenâgeux qu'ils utilisaient; par contre, les cadres imposés par l'élégie, l'ode ou le sonnet, ont soutenu et alimentél'inspiration des Ovide, Horace ou Pétrarque.

C'est, en ce sens, l'habit qui fait le moine, et il n'est pas faux de dire,effectivement, que ce sont surtout, en art, la silhouette et la parure qui font la beauté. Les cadres anciens apportent avec leurs contraintes techniques particulières l'exemple de réussites nombreuses, etappellent ainsi le poète à retrouver la noblesse de ton et la perfection artistique qui les caractérisent.

Il s'agit, parle recours à ces genres, de donner à la poésie une ampleur, une dimension, qu'elle n'avait jamais eue.

On voit par làque pour ces poètes théoriciens la notion de genre n'est pas seulement formelle : le genre, c'est non seulement unearchitecture particulière, mais aussi les pensées et les sentiments propres à cette architecture.

Par là s'introduit unappel à chanter « tout ce qui est humain » [amour, nature, mort, mélancolie), qui conduira même Ronsard à tenterl'ode pindarique. Les écrits théoriques de la Pléiade introduisent d'autre part une seconde notion nouvelle, relative à la Poésie : ce//ede style poétique.

Jusque-là, le style de la poésie n'a pas été autre que celui de la prose ; et nos jeunes poètes voient là une des raisons qui expliquent l'impuissance poétique de leurs prédécesseurs.

La lecture des Anciens et laréflexion sur leurs oeuvres leur montrent que les plus grands poètes de l'antiquité ont donné à la poésie un style à elle.

Ce style poétique français, Ronsard et du Bellay ne parviendront pas seuls à le créer, et la leçon nesera véritablement comprise que plus tard, vers 1880, mais l'idée en tout cas était lancée.

C'est ainsi que Ronsardécrit dans l'Abrégé de l'Art Poétique : « Tout ainsi qu'on ne peut véritablement dire un corps humain, beau, plaisant et accompli, s'il n'est composé desang, veines, artères et tendons, et surtout d'une plaisante couleur, ainsi la poésie ne peut être plaisante sansbelles inventions, comparaisons, descriptions, qui sont les nerfs et la vie du livre.

» Il entend d'ailleurs par style poétique non pas la recherche de faux brillants, mais une puissance particulière designification, obtenue par des images, des comparaisons, des descriptions et une syntaxe spéciale, qui arrache lelecteur à ses habitudes et le transporte dans un domaine étranger à celui de la prose, en un mot un « charme ». Troisième notion nouvelle : celle de langue poétique, qui n'est pas sans rapport avec la précédente.

La Deffense et Illustration ne conseille pas seulement aux futurs poètes d'user d'une langue plus riche, mais de créer une langue propre et particulière à la poésie.

On conçoit désormais que la poésie ne consiste pas seulement à versifier de laprose, mais doit posséder une langue bien à elle, à qui l'on s'efforcera de donner la richesse de celle d'Homère ou deVirgile. La Pléiade enfin prend conscience de la nécessité d'une technique poétique et comprend qu'en ce domaine aussi un vaste enrichissement s'impose.

A ce moment-là, les rythmes en usage étaient peu nombreux ; Ronsard n'a pas créémoins d'une centaine de rythmes.

Il a cherché toutes les combinaisons possibles, depuis la strophe de vingt versjusqu'à la stance de deux.

Il a des vers de toutes les mesures, même de 11 et de 9 syllabes.

Il a tous les systèmes d'alternance et de croisement de rimes.

C'est à lui, enfin, et à ses amis, que l'alexandrin doit d'avoir été remis enhonneur, et parmi toutes les réformes des ronsardisants il n'en est peut-être aucune dont notre poésie doive leursavoir plus de gré. III.

- IMPORTANCE AU POINT DE VUE DE L'HISTOIRE LITTÉRAIRE Avec la Pléiade, avons-nous dit, naît une double réflexion théorique, sur le Beau et sur la Poésie.

Cette réflexiondoctrinale, dont les premiers fruits furent les oeuvres elles-mêmes des poètes de ce temps, était lourde d'aveniraussi, car elle a rencontré, sinon résolu, tous les problèmes que devaient se poser plus tard les multiples écoleslittéraires qu'allait connaître l'histoire de notre littérature. Les fils, ingrats mais légitimes, de ces novateurs furent d'abord les poètes du siècle suivant.

Le principe del'imitation des Anciens est resté l'un des fondements essentiels de la doctrine classique, .et, quoi qu'en penseBoileau, c'est bien au crédit de la Pléiade que cette dette doit être inscrite.

Mais les théoriciens du XVIIe siècle nevoudront pas se contenter d'une adhésion sentimentale et spontanée à ce principe : ils voudront le fonder enraison, expliquant que si le but de l'art est d'imiter la nature, celle-ci ne saurait être imitée directement, et qu'enimitant les Anciens c'était la nature que l'on retrouvait et que l'on imitait, à travers le travail de choix et decomposition effectué par eux. Le souci de l'art affirmé par la Pléiade alimentera aussi les tentatives classiques, et c'est bien à Ronsard et à sesamis que les poètes du XVII0 siècle devront la mise au point de vue, la préparation de cet « instrument, comme ledit Sainte-Beuve dont Corneille devait tirer des accords sublimes, et Racine des accords harmonieux ».. »

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