Devoir de Philosophie

Qu'est-ce que l'angoisse existentielle ?

Publié le 01/06/2009

Extrait du document

 Beaucoup de contresens sont couramment commis à propos de l'existentialisme. Tout d'abord, il convient de ne pas le confondre avec le Sartrisme qui n'en est qu'un rameau. La tradition existentialiste n'est pas uniquement porteuse d'un message de désespoir : c'est d'abord une philosophie de l'homme, et même une réaction de la philosophie de l'homme contre l'excès de la philosophie des idées et de la philosophie des choses.

L'existence de l'homme est le problème premier de la philosophie. Cette affirmation est d'abord posée par Kierkegaard qui dénonce en Hegel le penseur abstrait qui prétend tout comprendre, mais qui ne se connaît pas lui-même. Hegel a tué la vie, qui est tout pour Kierkegaard, même et surtout si elle est souffrance : « Je souffre donc je vis «.

A partir de Kierkegaard vont bifurquer deux grandes familles d'existentialismes. L'une est de tradition chrétienne avec surtout Gabriel Marcel, mais aussi Karl Jaspers ou Scheler et Chestov. Pour les uns et les autres, l'homme est d'abord une image de Dieu dont l'éminente dignité est posée en face de la nature.

Mais l'existentialisme a aussi nourri des pensées qui se désespéraient de l'absence de Dieu et ne pouvaient se satisfaire des mythes de remplacement. Nietzsche est aux origines lointaines cette seconde famille, celle de la détresse totale qui s'affronte au néant, avec Heidegger et Sartre. Devant le problème qui, depuis Platon, se pose à tout philosophe : les rapports de l'essence et de l'existence, Nietzsche a choisi.

 

L'homme n'a pas d'essence, c'est-à-dire qu'il n'est pas la manifestation de l'idée et de l'intention d'un Dieu. Au contraire, pour Nietzsche, l'homme se réduit à la pure existence individuelle et temporelle, et n'a d'autre loi que sa liberté personnelle qui fonctionne à partir du néant.

Les deux familles abordent les mêmes thèmes mais n'y apportent pas les mêmes réponses. Ces thèmes sont classés avec une grande vigueur éclairante par Emmanuel Mounier qui va nous guider dans la tradition existentielle. On comprendra mieux alors comment elle traduit et accompagne le déclin de l'Occident. Elle en arrive même à symboliser pour beaucoup l'angoisse universelle depuis la dernière guerre.

« Le bondissement de l'être humain La philosophie existentialiste se penche sur l'homme désespéré, mais elle ne désespère pas de l'homme.Chez Heidegger et Jaspers, l'homme est aussi un pouvoir être, un essor, un bondissement.

Pour Jaspers, l'êtrehumain tend vers un au-delà de l'existence humaine.

Pour Heidegger, seul le monde de l'homme existe pour l'homme,et ce dernier n'est porté qu'en avant de lui-même sans changer de monde.

Dans tous les cas, l'homme est douéd'autodétermination.Chez les existentialistes chrétiens, ce mouvement de l'être est un mouvement vers la plénitude puisqu'il se réalise enDieu.

Mais chez Sartre, ce mouvement est l'effet d'une impuissance.

Ici doit être précisée une distinctionfondamentale pour Sartre : celle de l'être en soi et de l'être pour soi; l'explication sera fort grossière :L'être pour soi est un être en devenir, qui n'a pas encore réalisé toutes ses virtualités, qui fabrique lui-même enquelque sorte ce qui finira par le définir (en somme : son essence).

Nous sommes, nous qui vivons et qui avonsencore du chemin à parcourir avant notre mort, des êtres-pour-soi.

Nous ne sommes pas achevés, et nous allons del'avant.Lors de notre mort, il sera possible de dire de nous : « il était ceci ou cela » et il n'y aura plus rien à ajouter àl'image de nous-mêmes que nous avons construite : nous serons devenus des êtres-en-soi.

Parvenir à l'en-soi estdonc parvenir à la mort.Nous avons progressé, nous avons été responsables de nous-mêmes (puisque notre essence était en cours de «fabrication » et ne dépendait que de nous).

Mais l'instant même où notre essence est fixée correspond à notrechute dans le néant.

On peut parler d'existentialisme en effet, puisque notre existence a précédé notre essence (lecontraire de la doctrine chrétienne) mais, comme dit Mounier, une philosophie qui débouche sur la victoireinéluctable du néant devrait bien plutôt s'appeler inexistentialisme.Retenons bien que le bondissement ontologique prend des significations bien différentes selon les existentialistes.Pour les uns (Kierkegaard, Jaspers) le temps comme l'être est plénitude.

Pour les autres, le présent n'est qu'unefuite devant la mort qui nous talonne, et finalement une déroute devant l'hostilité de l'être.

L'angoisse Pour les existentialistes athées, l'homme est un être frêle.

Une sorte de petit dieu débile qui se construit lui-même àchaque instant, pour éviter à chaque instant de retomber dans le néant dont il est sorti par hasard.Pour les existentialistes chrétiens, l'homme est maintenu dans l'être par l'action de Dieu, et il est toujours suspenduà sa volonté.Le sentiment dominant de cette condition, que l'on retrouve chez tous les existentialistes, est l'angoisse.

L'angoisseest pour Heidegger le signe du sentiment authentique de la condition humaine, elle n'est angoisse d'aucun objetprécis, mais aperception brutale de notre déréliction et de notre marche à la mort.

A l'état pur, ce sentiment estnoble et rare.

Il n'a rien à voir avec la peur qui est la crainte d'objets précis et qui se forge rapidement des refuges.Les refuges contre la peur sont matériels et moraux (les institutions, les morales, les religions) et ce ne sont qued'hypocrites moyens de nier notre condition.

Heidegger refuse toutes les doctrines offrant un salut, une consolation,une explication : autant de refuges nés de la peur petite bourgeoise.Ceux qui choisissent des refuges pour éliminer leur peur sont appelés par Sartre les salauds.

Les salauds ne sont passeulement les « bourgeois enveloppés dans leurs sentiments d'importance et d'honorabilité, ce sont aussi leshumanistes dont les bonnes intentions recouvrent une mauvaise foi fondamentale.

L'aliénation Dans la perspective chrétienne, il n'y a pas d'aliénation essentielle, cependant l'homme pécheur est victime d'unealiénation accidentelle : celle qui le sépare de Dieu par le péché, et par les effets du péché, de la création entièreet de lui-même.Tout l'existentialisme chrétien insiste sur le mal moral alors que la tradition catholique met bien en lumière lapuissance de relèvement autonome de l'homme pécheur.L'aliénation est au contraire fondamentale chez les existentialistes athées.

Nous le savons, le bondissement de l'êtrehumain n'est qu'un malheureux bondissement entravé et contenu (Heidegger).

Même pour Jaspers (chrétien) l'êtrehumain est investi, débordé, enveloppé.Les existentialistes craignent avant tout l'investissement, l'empiètement de leur liberté : c'est Kierkegaard d'abord,reculant devant le pastorat, ou rompant ses fiançailles à la dernière minute avec Régine Olsen.

Kierkegaard a voulurester libre, même en face des idées auxquelles il opposait la fameuse ironie.Mais c'est surtout chez Sartre que cette aliénation est dénoncée.

L'homme est littéralement englué par lescontraintes venues des êtres et des choses.

C'est ici qu'apparaît la notion du visqueux.

Citons Mounier : « Le visqueux, c'est l'horrible ontologique réalisé dans le contact.

Dans le visqueux, l'autre semble d'abord céder àmon contact, à ma souveraineté, mais c'est pour mieux me manger mon enfant, et finalement me déposséder demoi.

Or toute ma vie est sous la menace du visqueux si tant est que l'en-soi est toujours là, prêt à happer et àengloutir le pour-soi.

» Bien sûr, les héros de Sartre cherchent à sortir de cette « prise en viscosité S'ils sont tentés par le suicide (qu'ilsacceptent parfois, tel Frantz des « Séquestrés d'Altona «), ils cherchent aussi à se tirer de leur bourbier et veulent. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles