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Qui parle quand je dis "je" ?

Publié le 07/01/2004

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(« Introduction à la psychanalyse »).Le but de la cure est donc de faire que le patient, au lieu de subir un conflit dont il n'a pas la maîtrise, puisse prendre conscience de celui-ci. Un conflit qui existe mais n'est pas posé ne peut être résolu. Seule la claire conscience des désirs qui agitent le patient, et des choix qu'il doit faire entre ses désirs et ses normes, peut amener à la guérison. Supprimer le refoulement conduit à remplacer une censure dont je n'ai pas conscience, par un jugement et un choix conscient : « En amenant l'inconscient dans la conscience, nous supprimons les refoulements [...] nous transformons le conflit pathogène en un conflit normal, qui, d'une manière ou d'une autre, finira bien par être résolu. »Autrement dit, la cure n'a d'autre but que de remplacer chez le patient le ça, l'inconscient, par la conscience. De favoriser le jugement et le choix et d'éliminer un conflit vécu mais ni connu ni maîtrisé. Le psychanalyste n'a donc pas à trancher le conflit à la place de son patient, ni à transformer celui-ci. A l'inverse, il doit permettre à ce dernier sa propre reprise en main.

Comment cette question peut-elle bien poser problème? Ne contient-elle pas elle-même sa réponse? Quand je dis « Je «, c'est tout simplement « je «qui parle. Ou, pour formuler une phrase un peu plus correcte, c'est moi qui parle. « Je «,ce n'est donc rien d'autre que l'expression du moi. Lorsque nous nous référons à notre personnalité, notre identité,  nous employons le pronom de la première personne du singulier. Or, cette personnalité est-elle définitivement établie ? Car, rappelons-le avec Héraclite, nous sommes plongés dans le devenir, tout ce qui est autour de nous s'écoule de la même façon que notre existence : « Nous ne pouvons descendre deux fois dans le même fleuve. « Nous ne sommes donc jamais les mêmes : « je « n'étais pas le même à cinq ans qu'à vingt ans...Il s'avère donc que ce « Je « peut très bien se référer à des personnes différentes selon le moment où il est prononcé. Pourtant, même si « je « n'étais pas le même à cinq ans qu'à vingt ans , je suis toujours la même personne. Que ce soit pour manifester un désir, une volonté ou une opinion, j'utilise le « je « pour poser que ce désir, cette volonté ou cette opinion sont formulés par l'individu que je suis, par Moi. Le Moi est donc garant d'une unité, tout en étant plongé dans le devenir, dans ce qui n'est jamais identique. Il est une permanence au-delà de l'écoulement continu de nos expériences. Seulement, cet « au-delà « attribué au Moi ne serait-il pas une pure et simple illusion de la conscience? Peut-être le Moi est-il lui aussi déterminé par autre chose que lui-même, au point que l'emploi du « Je «ne renverrai pas seulement à une identité constituée d'un Moi.   Dès lors, la question se pose clairement à nous: quelle est la nature de ce moi qui assure une permanence à  mes états changeants et qui semble s'exprimer dans le Je ?

« suivrons ici Kant dans le début de son Anthropologie du point de vue pragmatique .

« Une chose qui élève infiniment l'homme au-dessus de toutes les autres créatures qui vivent sur la terre,c'est d'être capable d'avoir la notion de lui-même, du Je.

C'est par là qu'il devient une personne ; et grâce à l'unité de conscience qui persiste à travers tous les changements auquel il est sujet, il est une seule et même personne.(...)Il est à remarquer que l'enfant, lorsqu'il peut s'exprimer passablement, necommence cependant à parler à la première personne, ou par Je, qu' assezlongtemps après (une année environ).

Jusque-là, il parle de lui à la troisièmepersonne.

(Charles veut manger, marcher,etc...) Lorsqu'il commence à dire je,une lumière nouvelle semble en quelque sorte l'éclairer ; dès ce moment, il neretombe plus dans sa première manière de s'exprimer.- Auparavant, il sesentait simplement ; maintenant, il se pense .

» Le « Je » révèle donc un passage qui modifie presque entièrement la nature de l'homme.

Ici, il exprimeentièrement le Moi.

D'un être qui se voyait comme extérieur à lui-même(emploi du il) et qui n'avait qu'un sentiment de lui-même, l'homme se saisitpleinement comme sujet dès l'instant où il dit « Je.

» S'ouvre alors lapossibilité de la pensée, puisque ce retour sur lui-même lui donne la médiationnécessaire pour réfléchir ce qu'il est ou plutôt qui il est.

La présence du Moi révèle le« Je » comme un sujet de pensée.

Elle annonce donc la consciencede soi, la possibilité d'affirmer notre dimension infinie.

Lorsque le « Je »estemployé, c'est donc nous-mêmes qui parlons en tant que sujets de pensée,c'est-à-dire en tant qu'êtres conscients de nous-mêmes.

Dès lors, cetteformulation est la plus apte à nous présenter aux autres (sujets de pensée), à reconnaître en tout homme un sujet de pensée, et à exprimer, par la pensée,qui nous sommes.

II / Nous n'avons pas accès à nous-mêmes par la conscience Le langage (l'emploi du Je) est donc le lieu où la conscience de soi va révéler sa présence.

(Kant pensenéanmoins que l'idée du Moi est déjà présente auparavant dans la pensée, par la présence de l'entendement.) Lemoi, l'homme en tant qu'il se saisit lui-même consciemment, exprime ainsi sa singularité et se distingue des chosescomme des autres êtres vivants.

Seulement, ce moi est -il une substance qui échapperait à toute déterminationautre que la sienne propre? Nous cherchons ici à savoir si le moi, bien que son statut ontologique soit infinimentdistant de celui des autres choses, ne pourrait pas lui aussi être influencé par autre chose que lui-même.

Peut-êtreque le sujet qu'il prétend être n'est pas si indépendant que cela?.

Car l'homme a-t-il conscience de tout? Il n'auraitconscience de lui-même que dans la mesure où il pourrait saisir ce que la conscience lui présente de lui-même.

Lasaisie intégrale de soi( qui constitue la conscience de soi) n'est-elle pas alors une illusion du moi? Or, si nouspostulons une dimension in-consciente en l'homme, ou plus précisément la présence d'un inconscient, le « Je »n'exprimerait plus seulement le moi.

Seulement, comme nous ne pouvons dire de nous-mêmes que ce dont nousavons conscience, cet inconscient chercherait à s'exprimer malgré le moi.

L'inconscient serait alors une partie denous-mêmes, de notre « Je », que nous ne pourrions pas saisir, mais qui exprimerait toutefois sa présence dans lelangage.

Il semble judicieux ici de nous intéresser à un texte, extrait de sa Métapsychologie , où Freud indique pourquoi il lui semble nécessaire de valider l'hypothèse de la présence d'uninconscient.

« Elle est nécessaire , dit-il, parce que les données de laconscience sont extrêmement lacunaires; aussi bien chez l'homme sain quechez le malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour êtreexpliqués, présupposent d'autres actes qui, eux, ne bénéficient pas dutémoignage de la conscience.

Ces actes ne sont pas seulement les actesmanqués et les rêves (...) ; notre expérience quotidienne la plus personnellenous met en présence d'idées qui nous viennent sans que nous enconnaissions l'origine et de résultats de pensée dont l'élaboration nous estdemeurée cachée.

» Ainsi, nous pouvons, par exemple, dans le langage,commettre des lapsus.

En ce cas, nous substituons sans le vouloir un mot àun autre, et cette substitution aux yeux de la psychanalyse n'a rien dehasardeuse.

Elle révèle, à l'inverse, la présence d'un inconscient qui chercheà s'exprimer.

Mais bien au-delà de cela, l'inconscient peut également êtreconsidéré comme la cause de la venue de certaines idées.

En effet, les idéesnous viennent à l'esprit, ce n'est pas nous qui les recherchons absolument. Pourtant une fois cette idée venue, nous dirons « j'ai une idée ».

Autrement dit, ce que nous croyons avoir, posséder, comme un prédicat du moi, nousest légué par l'inconscient.

De même, nous pouvons être certains de quelque chose quand bien même nous ne savons pas comment nous le savons.

Donc,ce que le sujet croit saisir de lui-même, son Moi, n'est en réalité qu'une partinfime de...

« Lui ».

Ce que nous croyons affirmer en disant « je », (nous-mêmes dans une saisie intégrale de ce que nous sommes), n'est jamais qu'une faible partie de nous-mêmes.

Ce quiparle, quand nous disons « Je », c'est un sujet qui ne se résume pas à son moi. III/ L'inconscient n'est pas un autre moi. Le pouvoir du Moi n'est ainsi qu'une illusion.

Freud en fait d'ailleurs une seule instance de notre appareil. »

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