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QUI PARLE QUAND JE DIS "JE" ?

Publié le 15/03/2004

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Mais le doute de Descartes va bien plus loin dans la mesure où il rejette aussi les évidences intellectuelles, les vérités mathématiques. « Je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations. »Nous voilà perdu dans ce que Descartes appelle « l'océan du doute ». Je dois feindre que tout ce qui m'entoure n'est qu'illusion, que mon corps n'existe pas, et que tout ce que je pense, imagine, sens, me remémore est faux. Ce doute est radical, total, exorbitant. Quelque chose peut-il résister ? Vais-je me noyer dans cet océan ? Où trouver « le roc ou l'argile » sur quoi tout reconstruire ? On mesure ici les exigences de rigueur et de radicalité de notre auteur, et à quel point il a pris acte de la suspicion que la révolution galiléenne avait jetée sur les sens (qui nous ont assuré que le soleil tournait autour de la Terre) et sur ce que la science avait cru pouvoir démontrer.« Mais aussitôt après je pris garde que, cependant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui pensais, fusse quelque chose.

« également dans sa singularité.

Cependant, le fait que toute personne soit une fin en soi (qu'elle ne puisse êtreréduite à un moyen) reste une spécificité de l'espèce humaine.

De fait, si nous pouvons bien distinguer chez lesautres animaux des individus empiriques, nous ne pouvons les considérer comme des personnes, des individus ayantune fin en soi.

Dès lors, que nous annonce cette différence entre l'homme et l'animal, cette présence du Moi ? Noussuivrons ici Kant dans le début de son Anthropologie du point de vue pragmatique .

« Une chose qui élève infiniment l'homme au-dessus de toutes les autres créatures qui vivent sur la terre,c'est d'être capable d'avoir la notion de lui-même, du Je.

C'est par là qu'il devient une personne ; et grâce à l'unité de conscience qui persiste à travers tous les changements auquel il est sujet, il est une seule et même personne.(...)Il est à remarquer que l'enfant, lorsqu'il peut s'exprimer passablement, necommence cependant à parler à la première personne, ou par Je, qu' assezlongtemps après (une année environ).

Jusque-là, il parle de lui à la troisièmepersonne.

(Charles veut manger, marcher,etc...) Lorsqu'il commence à dire je,une lumière nouvelle semble en quelque sorte l'éclairer ; dès ce moment, il neretombe plus dans sa première manière de s'exprimer.- Auparavant, il sesentait simplement ; maintenant, il se pense .

» Le « Je » révèle donc un passage qui modifie presque entièrement la nature de l'homme.

Ici, il exprimeentièrement le Moi.

D'un être qui se voyait comme extérieur à lui-même(emploi du il) et qui n'avait qu'un sentiment de lui-même, l'homme se saisitpleinement comme sujet dès l'instant où il dit « Je.

» S'ouvre alors lapossibilité de la pensée, puisque ce retour sur lui-même lui donne la médiationnécessaire pour réfléchir ce qu'il est ou plutôt qui il est.

La présence du Moi révèle le« Je » comme un sujet de pensée.

Elle annonce donc la consciencede soi, la possibilité d'affirmer notre dimension infinie.

Lorsque le « Je »estemployé, c'est donc nous-mêmes qui parlons en tant que sujets de pensée,c'est-à-dire en tant qu'êtres conscients de nous-mêmes.

Dès lors, cetteformulation est la plus apte à nous présenter aux autres (sujets de pensée), à reconnaître en tout homme un sujet de pensée, et à exprimer, par la pensée,qui nous sommes.

II / Nous n'avons pas accès à nous-mêmes par la conscience Le langage (l'emploi du Je) est donc le lieu où la conscience de soi va révéler sa présence.

(Kant pensenéanmoins que l'idée du Moi est déjà présente auparavant dans la pensée, par la présence de l'entendement.) Lemoi, l'homme en tant qu'il se saisit lui-même consciemment, exprime ainsi sa singularité et se distingue des chosescomme des autres êtres vivants.

Seulement, ce moi est -il une substance qui échapperait à toute déterminationautre que la sienne propre? Nous cherchons ici à savoir si le moi, bien que son statut ontologique soit infinimentdistant de celui des autres choses, ne pourrait pas lui aussi être influencé par autre chose que lui-même.

Peut-êtreque le sujet qu'il prétend être n'est pas si indépendant que cela?.

Car l'homme a-t-il conscience de tout? Il n'auraitconscience de lui-même que dans la mesure où il pourrait saisir ce que la conscience lui présente de lui-même.

Lasaisie intégrale de soi( qui constitue la conscience de soi) n'est-elle pas alors une illusion du moi? Or, si nouspostulons une dimension in-consciente en l'homme, ou plus précisément la présence d'un inconscient, le « Je »n'exprimerait plus seulement le moi.

Seulement, comme nous ne pouvons dire de nous-mêmes que ce dont nousavons conscience, cet inconscient chercherait à s'exprimer malgré le moi.

L'inconscient serait alors une partie denous-mêmes, de notre « Je », que nous ne pourrions pas saisir, mais qui exprimerait toutefois sa présence dans lelangage.

Il semble judicieux ici de nous intéresser à un texte, extrait de sa Métapsychologie , où Freud indique pourquoi il lui semble nécessaire de valider l'hypothèse de la présence d'uninconscient.

« Elle est nécessaire , dit-il, parce que les données de laconscience sont extrêmement lacunaires; aussi bien chez l'homme sain quechez le malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour êtreexpliqués, présupposent d'autres actes qui, eux, ne bénéficient pas dutémoignage de la conscience.

Ces actes ne sont pas seulement les actesmanqués et les rêves (...) ; notre expérience quotidienne la plus personnellenous met en présence d'idées qui nous viennent sans que nous enconnaissions l'origine et de résultats de pensée dont l'élaboration nous estdemeurée cachée.

» Ainsi, nous pouvons, par exemple, dans le langage,commettre des lapsus.

En ce cas, nous substituons sans le vouloir un mot àun autre, et cette substitution aux yeux de la psychanalyse n'a rien dehasardeuse.

Elle révèle, à l'inverse, la présence d'un inconscient qui chercheà s'exprimer.

Mais bien au-delà de cela, l'inconscient peut également êtreconsidéré comme la cause de la venue de certaines idées.

En effet, les idéesnous viennent à l'esprit, ce n'est pas nous qui les recherchons absolument. Pourtant une fois cette idée venue, nous dirons « j'ai une idée ».

Autrement dit, ce que nous croyons avoir, posséder, comme un prédicat du moi, nousest légué par l'inconscient.

De même, nous pouvons être certains de quelque chose quand bien même nous ne savons pas comment nous le savons.

Donc,ce que le sujet croit saisir de lui-même, son Moi, n'est en réalité qu'une partinfime de...

« Lui ».

Ce que nous croyons affirmer en disant « je », (nous-mêmes dans une saisie intégrale de ce que nous sommes), n'est jamais qu'une faible partie de nous-mêmes.

Ce quiparle, quand nous disons « Je », c'est un sujet qui ne se résume pas à son moi.. »

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