Qui suis-je, moi qui sais que je suis ?
Publié le 27/02/2005
Extrait du document
«
Je suis, moi en qui tout me paraît clair, sans dessous, mais pourquoi suis-je né, pourquoi suis-je là ? Sans conteste,je suis l'effet d'une union, celle de mes parents, et j'en résulte, comme une séparation.
Certes, la conscience d'êtreun être distinct, autonome, n'est pas immédiate.
On sait que l'enfant commence par parler de lui à la troisièmepersonne.
Mais lorsqu'il commence à dire « je » dans l'opposition à autrui, il ne revient jamais à l'autre manière deparler « Auparavant il ne faisait que se sentir; maintenant il pense » (Kant).
Il discernerait ainsi qu'il est lui-même etnon un autre.
Il me semble donc bien que moi qui dis « je », je suis une conscience souveraine, une personneautonome, distincte d'autrui et du monde.Mais suis-je vraiment ce que j'ai conscience d'être ? Est-ce vraiment par manque de maturation que l'enfant parled'abord de lui à la troisième personne ou bien est-ce parce que le vocable « je » lui paraît trop ambigu, trop fuyantpour rendre compte de sa réalité profonde ?J'ai immédiatement conscience des sentiments que j'éprouve, des pensées que j'ai, de ce que je veux, désire et fais.Je crois me connaître.
Mais ma conscience est-elle bien la cause première de mes pensées et de mes actions ?Nietzsche montre que la conscience n'est qu'une illusion, car, derrière elle, se trouve le soi.
Zarathoustra leproclame ; Il Derrière tes pensées et tes sentiments, mon frère, se tient un maître plus puissant, un sage inconnuqui a nom "soi", Il habite ton corps, il est ton corps.
» Et ce soi véritablement créateur rit du « moi » et de sesbonds prétentieux, car c'est lui seul le corps qui fait la souffrance ou la réjouissance, l'estime ou le mépris, c'estmême lui qui a créé pour lui-même la petite raison de l'esprit « comme une main de sa volonté ».
La conscience desoi, loin d'être connaissance de soi, n'est au fond qu'un épiphénomène (quelque chose de secondaire).
J'aiconscience de mes pensées, de mes jugements, de mes sentiments, mais j'ignore que ceux-ci ont, en fait, leurgenèse dans mes instincts, mes répugnances et mes penchants les plus profonds.
Aussi devrais-je plutôt dire : « çapense » en moi plutôt que « je pense ».La découverte de l'inconscient par Freud donne un contenu plus objectif à ce que Nietzsche avait pressenti et metdéfinitivement fin à l'illusion que je suis celui que je crois être quand je dis « je ».
L'inconscient me découvre que jesuis autre.
Il y a, au-delà de la conscience claire, une instance où règnent les représentations psychiques (pensées,fantasmes, images) de pulsions sexuelles et agressives.A la dépendance de la conscience à l'égard de l'inconscient, s'ajoute la dépendance à l'égard du langage et de lasociété.
Les mots sont déjà là avant que je naisse et c'est en eux, dans l'esprit d'une langue particulière, que mapensée personnelle se forme.
Ma conscience est aussi modelée par mon appartenance à un groupe social.
Est-cebien moi qui parle quand je dis « je » ou bien, à travers moi, la société ?Je ne suis donc pas celui que je crois être.
Si j'ai conscience de mes sentiments, de mes désirs, de mes actions, j'enignore la source et je leur attribue une signification le plus souvent erronée.
Je crois penser, mais je suis pensé, jecrois agir, mais je suis agi.
C'est aussi ce que Rimbaud nous dit : « C'est faux de dire : je pense; on devrait dire onme pense.
Pardon du jeu de mots.
Je est un autre » (Lettre à George Izambard, 13 mai 1871).
Freud ira:
« Tu crois savoir tout ce qui se passe dans ton âme, dès que c'est suffisamment important, parce que taconscience te l'apprendrait alors.
Et quand tu restes sans nouvelles d'une chose qui est dans ton âme, tu admets,avec une parfaite assurance, que cela e s'y trouve pas.
Tu vas même jusqu'à tenir « psychique » pour identique à «conscient », c'est-à-dire connu de toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu'il doit sans cesse se passerdans ta vie psychique bien plus de choses qu'il ne peut s'en révéler à ta conscience.
Tu te comportes comme unmonarque absolu qui se contente des informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui ne descendpas vers le peuple pour entendre sa voix.
Rentre en toi-même profondément et apprends d'abord à te connaître,alors tu comprendras pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir.
C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi.
Mais les deux clartés qu'elle nous apporte :savoir, que la vie instinctive de la sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processuspsychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par uneperception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison ».
FREUD, « Essais de psychanalyse appliquée ».
Freud va être amené à concevoir que bon nombre de maladies, mais aussi d'actes quotidiens s'expliquent si l'onadmet l'hypothèse de l'inconscient.
Il y aurait en nous u « réservoir » de forces et de désirs (ou pulsions) dont nousn'aurions pas conscience, mais qui agiraient sur nous..
Pour le dire brutalement, en ce sens, l'homme n'agirait pas(ne choisirait pas ses actes e toute connaissance de cause, dans la clarté), mais serait agi (c'est-à-dire subirait,malgré lui, des forces le contraignant à agir) : il ne serait pas « maître dans sa propre maison », il ne serait pasmaître de lui.Empruntons à Freud un exemple simple.
Un président de séance, à l'ouverture dit « Je déclare la séance fermée » aulieu de dire « Je déclare la séance ouverte ».
Personne ne peut se méprendre sur ses sentiments ; il préférerait nepas être là.
Mais ce désir (ne pas assister au colloque) ne peut s'exprimer directement, car il heurterait la politesse,les obligations sociales, professionnelles, morales du sujet.
Notre président subit donc deux forces contraires : l'uneparfaitement en accord avec les obligations conscientes, l'autre qui ne l'est pas et qui ne peut s'exprimerdirectement, ouvertement.
Il y a donc conflit, au sein du même homme, entre un désir conscient, conforme auxnormes morales et un autre désir plus « gênant ».
Or, dans notre exemple, ce second désir, malgré la volonté depolitesse du président, parvient à s'exprimer, mais de façon détournée, anodine : on dira que « sa langue a fourché».Ici, l'exemple est simple dans la mesure où le président a sans doute parfaitement conscience qu'il ne veut pas êtrelà.
Mais dans bon nombre de cas, quand ma langue fourche, je ne sais pas pourquoi, c'est-à-dire que j'ignore moi-.
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