Rimbaud: LE JE et L AUTRE
Publié le 13/09/2015
Extrait du document

«On n’a jamais bien jugé le romantisme; qui l’aurait jugé? Les critiques! Les romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l’œuvre, c’est-à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur?
Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’édo-sion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet: la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène. »
«Je viens de passer une année effrayante: ma Pensée s’est pensée et est arrivée à une Conception pure. Tout ce que, par contrecoup, mon être a souffert, pendant cette longue agonie, est inénarrable, mais heureusement, je suis parfaitement mort, et la région la plus impure où mon esprit puisse s’aventurer est l’Eternité. [...] je suis maintenant impersonnel et non plus Stéphane que tu as connu, — mais une aptitude qu’a l’Univers spirituel à se voir et à se développer, à travers ce qui fut moi. »

«
148 1 Je
Je est un autre, tant pis pour le bois qui se trouve
violon, et Nargue aux inconscients, qui ergotent
sur ce
qu'ils ignorent tout à
fait.»
Ce sont des mots presque semblables que reprend quel
ques jours après
la lettre à Paul Demeny :
«On n'a jamais bien jugé le romantisme; qui l'aurait
jugé? Les critiques! Les romantiques, qui prouvent si
bien que la chanson est
si peu souvent l'œuvre, c'est-à
dire la pensée chantée et comprise du chanteur?
Car Je est un autre.
Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y
a rien de sa faute.
Cela m'est évident: j'assiste
à l'éclo
sion de ma pensée : je la regarde, je l'écoute : je lance
un coup
d'archet: la symphonie fait son remuement
dans
les profondeurs, ou vient d'un bond sur la scène.»
La formulation, on le voit, est très proche.
Dans un cas
comme dans l'autre,
il s'agit d'affirmer que le Poète est
le lieu d'une autre présence qui, comme à son insu, se
manifeste en lui.
La pensée surgit d'ailleurs et trans
forme celui qui l'exprime en quelque chose de radica
lement neuf et d'incompréhensible pour autrui : bois
devenu tout à coup violon, cuivre s'éveillant clairon,
poète
se découvrant simple instrument dans une sym
phonie plus vaste.
Le Poète en fait est à lui-même
énigme :
il ne se comprend pas.
Semblable en appa
rence à tous les autres hommes,
il est détenteur d'une
force mystérieuse et sa musique propre en procède.
On
n'est pas très éloigné en fait de la très ancienne concep
tion de l'inspiration: le poète se retrouve habité d'une
force surnaturelle qui
le possède et le transporte
comme au-delà de lui-même.
....
Libre, bien sûr, au lecteur de donner à cette for
mule une signification plus neuve.
Le
«Je», avec Rim
baud, pour la première fois peut-être, est vécu non pas
sur le mode de l'identité mais sur celui de l'altérité; le
rapport avec la partie, en apparence la plus intime de.
»
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