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Rousseau - Nature-Famille-Société

Publié le 18/08/2013

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La plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle est celle de la famille. Encore les enfants ne restent-ils liés au père qu'aussi longtemps qu'ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Les enfants, exempts de l'obéissance qu'ils devaient au père, le père exempt des soins qu'il devait aux enfants, rentrent tous également dans l'indépendance. S'ils continuent de rester unis ce n'est plus naturellement, c'est volontairement, et la famille elle-même ne se maintient que par convention. Cette liberté commune est une conséquence de la nature de l'homme. Sa première loi est de veiller à sa propre conservation, ses premiers soins sont ceux qu'il se doit à lui-même, et, sitôt qu'il est en âge de raison, lui seul étant juge des moyens propres à se conserver devient par là son propre maître. La famille est donc si l'on veut le premier modèle des sociétés politiques ; le chef est l'image du père, le peuple est l'image des enfants, et tous étant nés égaux et libres n'aliènent leur liberté que pour leur utilité. Toute la différence est que dans la famille l'amour du père pour ses enfants le paye des soins qu'il leur rend, et que dans l'Etat le plaisir de commander supplée à cet amour que le chef n'a pas pour ses peuples. Grotius nie que tout pouvoir humain soit établi en faveur de ceux qui sont gouvernés : Il cite l'esclavage en exemple. Sa plus constante manière de raisonner est d'établir toujours le droit par le fait . On pourrait employer une méthode plus conséquente, mais non pas plus favorable aux tyrans. Rousseau, Contrat Social, I, chap.II, aliéna 1-4 Ce texte de Rousseau traite de l'articulation entre nature et société. C'est par la médiation de la question de la famille qu'est abordée cette articulation. Mais parler ici de la seule famille ne convient pas, car il est aussi question de la société politique, et de l'esclavage. Parler de la seule société ne convient pas non plus (bien que la famille soit, pour une large part, réduite à la société) car on négligerait alors la génération des enfants. Et l'on voit, dans une première lecture, que le thème - en l'occurrence ici, « nature et société « - est traversé par une multitude de ramifications dont il faudra établir la cohérence. Il faut maintenant indiquer la thèse soutenue par l'auteur dans le texte proposé. Rousseau semble vouloir démontrer qu'il n'y a de pouvoir véritable qu'issu d'une libre convention. Cette idée doit être confrontée à chaque point du texte pour être adoptée. La famille naturelle ? Elle est l'exception qui confirme la règle, parce qu'il s'agit de besoin et pas de pouvoir politique. Pour le reste, tout va bien ; la famille est aussi une société reposant sur la liberté, comme toute société politique. Les sociétés de servitude sont justement le contre-exemple, et ne peuvent pas vraiment être appelées sociétés (mais plutôt troupeau). Les étapes de l'argumentation s'identifient aux alinéas qui correspondent effectivement à quatre mouvements. Le premier alinéa contient deux mouvements, deux séquences: la famille organique, puis la famille libre, devenue société au sens plein. On y oppose le naturel et le volontaire. Le second alinéa nous rappelle le principe de la liberté native, qui définit l'homme. Il faut donc remarquer que le terme nature n'est pas univoque. A partir de là, tout s'éclaire. La comparaison famille /société politique, dans le troisième alinéa, repose sur le renversement de l'ordre habituellement suivi dans la comparaison traditionnelle, abondamment invoquée dans l'idée monarchique. Quand parait le mot aliénation, nous voyons s'articuler « nature « et « volonté « : c'est le thème du contrat. La famille et la société politique en relèvent. Enfin, le dernier alinéa est une réfutation des thèses qui invoquent le fait de l'esclavage, qui est indiscutablement une aliénation. Mais une aliénation rigoureusement opposée à celle qui a lieu dans le contrat. Nous voyons donc se dégager deux notions: celle de la nature, celle de l'aliénation. Les deux sont équivoques. C'est pourquoi les autres auteurs, explique Rousseau, n'ont rien compris. Au point d'inverser la vérité, qu'il rétablit maintenant. Si l'on voulait être encore plus précis on pourrait distinguer deux grands mouvements, subdivisés en deux. En premier lieu, Rousseau compare famille et société, en opposant la nature organique à la nature originaire, principielle et métaphysique. En second lieu, Rousseau déduit et analyse la constitution authentique d'une véritable société politique, montrant successivement ce qu'elle est (par la « bonne « aliénation) et ce qu'elle n'est pas (par la « mauvaise « aliénation). Il lie alors forme et contenu, en montrant la relation entre la thèse soutenue et la méthode employée. Dans le premier mouvement Rousseau est net : la famille est la seule société naturelle. Il marque ainsi son opposition aux doctrines de la politique naturelle, qui veulent que la Cité aussi soit naturelle. Mais, après tout, ne suffit-il pas que la famille soit naturelle pour que tout le reste le soit aussi ? C'est l'idée classique de la famille comme cellule de base de la société. On la trouve notamment chez Aristote. La Cité sera ainsi indirectement naturelle, via les familles. Mais Rousseau prend- il « nature « au même sens? La première proposition du texte dit que la famille est la plus ancienne des sociétés. Ce qualificatif est d'ordre chronologique. Rousseau nous montre-t-il alors la genèse de toutes les sociétés? Cette genèse est ontologique plutôt que chronologique, historique. Nous savons que le Contrat social commence par la formule de principe : « l'homme est né libre «. Dans la famille, l'homme nait, indiscutablement. Voyons tout de suite la restriction apportée : les enfants ne restent liés au père que dans les limites du besoin. Quand le besoin cesse, « le lien naturel se dissout «. <...
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« habituellement suivi dans la comparaison traditionnelle, abondamment invoquée dans l'idée monarchique. Quand parait le mot aliénation, nous voyons s'articuler « nature « et « volonté « : c’est le thème du contrat.

La famille et la société politique en relèvent. Enfin, le dernier alinéa est une réfutation des thèses qui invoquent le fait de l'esclavage, qui est indiscutablement une aliénation.

Mais une aliénation rigoureusement opposée à celle qui a lieu dans le contrat. Nous voyons donc se dégager deux notions: celle de la nature, celle de l'aliénation.

Les deux sont équivoques.

C'est pourquoi les autres auteurs, explique Rousseau, n'ont rien compris.

Au point d’inverser la vérité, qu'il rétablit maintenant. Si l’on voulait être encore plus précis on pourrait distinguer deux grands mouvements, subdivisés en deux.

En premier lieu, Rousseau compare famille et société, en opposant la nature organique à la nature originaire, principielle et métaphysique.

En second lieu, Rousseau déduit et analyse la constitution authentique d'une véritable société politique, montrant successivement ce qu'elle est (par la « bonne « aliénation) et ce qu'elle n'est pas (par la « mauvaise « aliénation).

Il lie alors forme et contenu, en montrant la relation entre la thèse soutenue et la méthode employée. Dans le premier mouvement Rousseau est net : la famille est la seule société naturelle.

Il marque ainsi son opposition aux doctrines de la politique naturelle, qui veulent que la Cité aussi soit naturelle.

Mais, après tout, ne suffit-il pas que la famille soit naturelle pour que tout le reste le soit aussi ? C'est l'idée classique de la famille comme cellule de base de la société.

On la trouve notamment chez Aristote.

La Cité sera ainsi indirectement naturelle, via les familles.

Mais Rousseau prend- il « nature « au même sens? La première proposition du texte dit que la famille est la plus ancienne des sociétés.

Ce qualificatif est d'ordre chronologique.

Rousseau nous montre-t-il alors la genèse de toutes les sociétés? Cette genèse est ontologique plutôt que chronologique, historique.

Nous savons que le Contrat social commence par la formule de principe : « l’homme est né libre ».

Dans la famille, l'homme nait, indiscutablement. Voyons tout de suite la restriction apportée : les enfants ne restent liés au père que dans les limites du besoin.

Quand le besoin cesse, « le lien naturel se dissout «. Le premier sens du mot nature apparaitra clairement : il s'agit de la vie organique, de la nature purement biologique.

L’équivoque n’est pas neuve : elle est aussi vieille que le mot nature.

Mais il ne s’agit pas que d’acceptions différentes d’un même terme ; il ne s’agit pas d'une simple difficulté sémantique.

Que la nature soit comprise comme processus biologique, comme essence, comme origine, comme commencement, ou selon des modes mixtes, c'est affaire de métaphysique, de présupposés fondamentaux.

En découvrant dans ce texte plusieurs sens précis du mot nature, nous tenons autant de symptômes de la philosophie de Rousseau.

Il faut aussi remarquer l'hétérogénéité qu'il établit entre les deux sens repérés pour le moment : la nature biologique ne recoupe pas la nature essentielle.

Il peut y avoir une famille biologique sans que l'essence joue : ce qui arrive dans les «familles» animales, et dans les familles humaines maintenues constamment, sans recourir à la libre volonté.

Inversement, il y aura mise en œuvre de l’essence dans le contrat social, sans que la naissance biologique joue le moindre rôle.

En d’autres termes, ce texte ignore et supprime le jeu de médiations qui fait de la nature un ensemble, vivant, intérieurement différencié, animé de relations multiples, susceptible de. »

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