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ROUSSEAU: Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques

Publié le 01/02/2011

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« Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu'ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques grossiers instruments de musique ; en un mot, tant qu'ils ne s'appliquèrent qu'à des ouvrages qu'un seul pouvait faire, et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature ; mais dès l'instant qu'un homme eut besoin du secours d'un autre, dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul d'avoir des provisions pour deux, l'égalité disparut, la propriété s'introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l'esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.

La métallurgie et l'agriculture furent les deux arts dont l'invention produisit cette grande révolution. Pour le poète, c'est l'or et l'argent ; mais pour le philosophe, ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes et perdu le genre humain. «

Le texte propose une reconstruction (théorique) de la mutation qui conduit l'homme à la civilisation et à l'organisation en société. Elle s'organise autour d'un phénomène qui conditionne les autres : la division des activités nécessaires à la satisfaction des besoins. La coupure, selon Rousseau, se situe entre un état de société primitif, dans lequel la survie est assurée par l'individu lui-même et un état où croissance des besoins et progrès des techniques exigent une collaboration entre individus.

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« pourrait retrouver des propos assez voisins dans des réflexions contemporaines (Cf: Marcuse, par exemple). e) Inégalité et travail Lorsque l'état social aboutit à diviser les tâches pour mieux assurer des besoins en expansion, il donne naissance autravail : « le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de la sueur des hommes ».

Avant la mise en valeur de la nature par l'agriculture, l'homme tirait directement et individuellement sa subsistance de la nature, mais il ne travaillait pas.

C'est l'organisation en société qui crée lanécessité du travail, avec son caractère paradoxal : l'apparente prospérité que suggère l'expression « riantes campagnes », et la misère qui croît « avec les moissons ».

La contradiction, cependant, n'est que superficielle dans la pensée de l'auteur.

En effet, la prospérité des campagnes n'empêche nullement son accaparement par certainsindividus.

Genèse du travail en tant qu'activité sociale, et développement des inégalités sont une seule et mêmechose. 2 - Eléments de discussion a) L'hypothèse initiale Le raisonnement de Rousseau est construit sur le postulat d'un état de nature dans lequel l'homme isolé trouve largement dans la nature de quoi subvenir à des besoins réduits.

Dans cette hypothèse, la vie en société n'est pasun fait premier, elle résulte d'un processus qui n'a rien de nécessaire.

Les raisons pour lesquelles il s'est produit sont,selon Rousseau, en grande partie contingentes. Ce postulat n'est jamais discuté par l'ensemble des théoriciens du droit naturel, dont Rousseau est, en un sens, le dernier représentant.

Pour eux, l'individu est premier, l'état social ne peut résulter que d'un accord, implicite ouexplicite, d'un contrat ou d'un pacte selon les théories. Une semblable hypothèse est remise en cause par les conceptions de Hegel, par exemple, pour qui les partisans du contrat posent un principe illusoire, contraire à l'expérience historique, lorsqu'ils supposent un individu premier,antérieur à toute organisation sociale.

Pour lui, au contraire, le groupe est une réalité initiale ; l'individu ne prendconscience de lui-même qu'au sein de la société.

De cette différence de postulat dérive une série de conséquenceselles-mêmes divergentes. b) La nature du travail Si l'individu isolé n'existe pas, et si l'homme est astreint par sa nature à subvenir à ses besoins, le travail ne peutplus être considéré comme un phénomène contingent.

Il devient constitutif de la nature humaine et n'est pas en lui-même un facteur d'aliénation.

L'analyse de Marx sur la différence entre travail libre et travail exploité dans le cadre d'un mode de production donné pourrait utilement être opposée à la conception de Rousseau. Pour Marx, le travail doit être envisagé comme une nécessité naturelle, que les hommes doivent assumer quel que soit le mode de production.

Il ne devient facteur d'oppression que si les rapports de production permettent àquelques hommes de s'approprier tout ou partie du travail d'autrui, comme c'est le cas dans le système capitaliste.Cette distinction entre une activité nécessaire, mais non oppressive, et une exploitation dans le cadre d'un mode deproduction s'oppose à l'analyse de Rousseau parce que le postulat de ce dernier exclut a priori l'état social comme phénomène premier.

Dès lors, c'est l'apparition de celui-ci qui est facteur d'oppression et non la forme particulièredes rapports de production, donc la nature du travail. C) Définition de la liberté Rousseau envisage la liberté de l'homme primitif comme une indépendance totale ; il reprendra cette idée dans le Contrat social, lorsqu'il cherchera une « forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi libre qu'auparavant ». Cette définition rencontre une difficulté éludée dans le texte.

La liberté se Comprend-elle seulement par rapport auxindividus ? On peut considérer que les progrès techniques (ici, la maîtrise de l'agriculture et de la métallurgie)opèrent une libération de l'homme en desserrant les contraintes naturelles.

La liberté politique ne peut se construireque sur une maîtrise minimale des contraintes naturelles. Il est, par ailleurs, permis de se demander si la liberté ne peut être qu'une absence de dépendance, y compris dansle domaine matériel.

Il faut, ici, faire référence aux œuvres de Rousseau lui-même, qui, dans le Contrat social, trouvera une solution à ce problème.. »

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