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ROUSSEAU: Tout est bien, sortant des mains de l'auteur des choses

Publié le 19/04/2009

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rousseau
Tout est bien, sortant des mains de l'auteur des choses : tout dégénère entre les mains de l'homme. Il force une terre à nourrir les productions d'une autre; un arbre à porter les fruits d'un autre. Il mêle et confond les climats, les éléments, les saisons. Il mutile son chien, son cheval, son esclave. Il bouleverse tout, il défigure tout : il aime la difformité, les monstres. Il ne veut rien tel que l'a fait la nature, pas même l'homme; il le faut dresser pour lui comme un cheval de manège ; il le faut contourner à sa mode comme un arbre de son jardin. Sans cela tout irait plus mal encore, et notre espèce ne veut pas être façonnée à demi. Dans l'état où sont désormais les choses, un homme abandonné dès sa naissance à lui-même parmi les autres serait le plus défiguré de tous. Les préjugés, l'autorité, la nécessité, l'exemple, toutes les institutions sociales, dans lesquelles nous nous trouvons submergés, étoufferaient en lui la nature, et ne mettraient rien à la place. Elle y serait comme un arbrisseau que le hasard fait [mitre au milieu d'un chemin, et que les passants foui bientôt périr, en le heurtant de toutes parts et en le pliant dam tous les sens. ROUSSEAU
  • QUESTIONNEMENT INDICATIF

• Que signifie exactement « dégénérer «? • Tenter de trouver des exemples adéquats aux affirmations suivantes : « il mutile son chien, son cheval, son esclave «... « il aime la difformité, les monstres «. • Que signifie « il le faut contourner à sa mode «? • Est-il contradictoire de dire : « Tout est bien sortant des mains de l'auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l'homme... et ... Sans cela, tout irait plus mal encore, et notre espèce ne veut pas être façonnée à demi. « Quel est « le bien «? Quel est « le moindre mal «? Quel serait « le pire «? • Par quel type de raisonnement Rousseau justifie-t-il son appréciation? • Que pensez-vous de la comparaison finale? Quelle fonction a-t-elle? • Quel est l'intérêt philosophique de ce texte? Texte paradoxal sur une question anthropologique?

  • Rousseau traite ici de l'étouffement de la nature en l'homme et par l'homme. L'idée corollaire est une hiérarchie des valeurs : supériorité de la nature, toujours bonne, dès le départ et par essence. D'où la dimension négative de tout ce qui, chez l'homme, l'amène à s'écarter de la nature. D'où un déchirement dans la conception de l'homme : à l'état de nature, il serait bon ; dans la société, s'il ignore tout de celle-ci, il ne peut suivre la nature sans être perdu ; sans cette dimension de nature, il n'est rien non plus. Quelle définition avoir de l'homme, quelle solution ou quel équilibre ? Pour Rousseau, c'est cette conception qui va introduire la nécessité philosophique de l'éducation, qu'il développe dans l'Émile.

 

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« les éléments, les saisons.

Il mutile son chien, son cheval, son esclave. • C'est par une phrase célèbre et choc que s'ouvre ce texte, marquant un parallèle rigoureux entre deux états dechoses : celui de la nature et celui de la société.

Rousseau exprime fortement la supériorité de l'état naturel où« tout est bien », et condamne l'action humaine de bouleversement de la nature.

Le verbe « dégénérer » impliquejustement une régression, le passage d'un état positif à un état négatif.

Le seul argument que l'on puisse trouver icitémoignant de la perfection de la nature est celui de son créateur, « l'auteur des choses ».

L'homme, autre créateurà sa manière, ne crée pas à partir de rien, mais à partir d'une matière déjà donnée, que Rousseau appelle nature ; orcelle-ci étant déjà parfaite, tout changement qu'on lui apporte ne peut aller que dans le sens d'unedégénérescence. • S'il y a négativité, c'est que l'homme ne va pas dans le sens de la nature : il la force .

Avant de parler de l'organisation même de la société et de la vie en commun, c'est dans le contact avec notre environnement mêmeque Rousseau constate cette contrainte de l'homme sur la nature.

La culture agricole en est un premier exemple :ainsi, la greffe d'un arbre qui conduit à l'invention de nouvelles espèces est une manière de modifier la nature.

Ladomestication des animaux en est un autre, ceux-ci étant soumis à l'ordre des hommes et non plus à celui de lanature.

Pire encore, c'est sur l'homme lui-même que l'homme assure sa domination, comme l'indique la référence àl'esclave. Il bouleverse tout, il défigure tout : il aime la difformité, les monstres.

Il ne veut rien tel que l'a fait la nature, pasmême l'homme; il le faut dresser pour lui comme un cheval de manège ; il le faut contourner à sa mode commeun arbre de son jardin.

Sans cela tout irait plus mal encore, et notre espèce ne veut pas être façonnée à demi. • On pourrait trouver dans cette modification de la nature, qui est le moyen que l'homme a trouvé pour survivre, oudu moins pour mieux vivre, un signe de progrès et une intelligence de l'adaptation.

Ce n'est pas la thèse deRousseau, pour qui « bouleverser » implique ici « défigurer ».

Il faut retenir que cette thèse découle d'une autre,celle de la perfection initiale de la nature. • La nature transformée par l'homme est difformité.

Le terme de « monstre » indique, au sens classique, nonseulement une idée de crainte, mais surtout quelque chose qui s'écarte des conventions ou de la nature, uneanormalité.

Dire que les productions de la nature sont monstrueuses, c'est affirmer que tout écart de la nature estune perversion d'un ordre bon, et revient à entrer dans une dimension anormale et difforme. • Précisant sa pensée, Rousseau centre le sujet sur la modification de l'homme lui-même.

C'est-à-dire qu'il fait unedistinction entre l'homme à l'état de nature – qui est une hypothèse philosophique, non une réalité historique – etl'homme dans la société.

Comme pour tout ce qui s'écarte de la nature, la seconde voie est connotée négativementpour Rousseau.

Il n'y a pas ici une critique de la société en elle-même, de son organisation, de son incidence sur lamorale, mais seulement une accentuation de son caractère artificiel : l'homme est dans la société comme un animalbien dressé ou comme un arbre bien taillé.

C'est-à-dire une production artificielle. • Le problème est justement que cet état de nature, concernant l'homme, ne peut être trouvé : tenter d'y retournerserait encore une production artificielle.

Même si l'on peut concevoir la dimension « naturelle » de l'homme d'un pointde vue philosophique, il n'en reste pas moins que sa conception sociologique tout comme sa réalisation sontproblématiques, ce que Rousseau saisit.

« Sans cela, tout irait plus mal encore » : on peut voir là une ironie, mais également la conscience de l'impossibilité qu'il y a à concilier ces deux tendances, celle de l'homme à l'état denature et celle de l'homme à l'état de culture.

Ne pouvant être totalement l'un (état de nature), l'homme ne veutpas non plus être un peu des deux : il ne veut pas être façonné à demi. 2.

Le déchirement entre l'état de nature et l'état de culture Dans l'état où sont désormais les choses, un homme abandonné dès sa naissance à lui-même parmi les autresserait le plus défiguré de tous. • Le mérite de la pensée de Rousseau, malgré la dimension utopiste que certains peuvent voir dans sa conceptiond'une nature toujours bonne, est de ne pas nier « l'état où sont désormais les choses », de ne pas nier la réalité et au contraire de comprendre qu'un retour en arrière n'est pas possible. • Autre hypothèse philosophique à valeur d'exemple : celle d'un homme, né au milieu des autres hommes, donc dansla société, mais livré à lui-même, c'est-à-dire n'étant pas élevé et éduqué par les hommes.

Cette homme ne seraitalors ni dans l'état de nature, puisqu'il grandit dans la société, ni tout à fait dans l'état de culture, puisqu'il nebénéficie pas de l'éducation humaine. • C'est là un des rôles de l'éducation selon Rousseau, que de permettre cette transition entre l'état de nature etl'état de culture, c'est-à-dire de garder la disposition innée au bien que donne la nature tout en étant adapté à lasociété et capable de vivre avec les autres hommes. Les préjugés, l'autorité, la nécessité, l'exemple, toutes les institutions sociales, dans lesquelles nous nous trouvonssubmergés, étoufferaient en lui la nature, et ne mettraient rien à la place.

Elle y serait comme un arbrisseau que. »

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