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Saint Augustin, Confessions, livre XI, XVIII, trad. P. de Labriolles, Les Belles Lettres.

Publié le 19/03/2015

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augustin

Augustin dit le temps comme la respiration de la cons­cience. Sourdement habitée de mémoire, la conscience est aussi tendue vers l'avenir. Elle vit le présent comme l'eau mêlée du souvenir et de l'attente. Les temps de l'aurore se conjuguent alors comme le font la mélancolie et l'espérance, la crainte et le regret, la nostalgie et la confiance.

 

Le jour se lève. Le dernier jour d'un condamné. La der des ders. Ce temps est bien des hommes et la conscience intime ne cesse de le recomposer. Aurores tristes, par contraste avec tant d'autres, où le rêve de vivre prenait corps, en harmonie avec l'idée que le jour qui vient, comme la naissance elle-même, est promesse. Il faut alors relire l'aurore finale de Germinal, quand la moisson naissante dit l'espoir d'un monde nouveau, justice en germe dans le sillage des douleurs encore présentes. La cam­pagne parcourue est murmure montant de la promesse. D'hier et des souffrances, il reste la mémoire inquiète, qu'as­sume une nouvelle confiance. De demain, l'espérance hésite à s'esquisser, qui reste suspendue au présent incertain d'une lueur timide, surgie à peine de la nuit. Les temps de l'aurore s'accomplissent dans une annonce ensoleillée, où brille midi le juste.

Les temps de l'aurore

Je contemple l'aurore, j'annonce d'avance que le soleil va se lever. Ce que je

contemple est présent; ce que j'annonce est à venir: non pas le soleil qui est déjà,

mais son lever qui n'est pas encore. Mais ce lever même, si mon esprit ne m'en

représentait l'image, comme en ce moment même où je parle, je ne pourrais le prédire.

Or, cette aurore que je vois dans le ciel n'est pas le lever du soleil, quoiqu'elle

le précède, non plus que l'image qui s'en forme dans mon esprit; mais je les vois

toutes deux comme présentes, et je puis annoncer le phénomène qui va se produire.

Ainsi l'avenir n'est pas encore; s'il n'est pas encore, il n'est pas, et n'étant pas il

ne peut se voir, mais il peut se prédire d'après les réalités présentes qui sont déjà

et peuvent être observées.

Saint Augustin, Confessions, livre XI, XVIII,

trad. P. de Labriolles, Les Belles Lettres.

augustin

« Les temps de l'aurore 61 L'expérience temporelle atteste un étonnant pouvoir du sujet qui la vit et en fixe le cadre intérieur.

L'expérience de la temporalité est d'abord très subjective.

L'enfant croit l'année plus longue que l'adulte: il la réfère à sa petite vie, dont elle constitue peut-être la moitié ...

Toute durée, même en cette limite inférieure qu'est l'instant, met en jeu le rapport à soi du désir d'être et des émotions qui compo­ sent son histoire.

Se souvenir, attendre, regretter, espérer.

Et faire enfin retour au présent, souffle retenu entre mémoire et anticipation.

Ce présent est si dense qu'il héberge les trois temps, au cœur même de la conscience.

Augustin le rappelle : il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur.

On conçoit des promenades imaginaires dans ce qui fut, dans ce qui sera peut-être, à partir d'un foyer unique.

L'évidence du présent s'emplit d'échos et d'attentes.

Il est ce foyer vif et constant d'où rayonne l'attention portée aux moments de la vie.

La nostalgie est bien présente et son halo déréalise les formes.

Le temps s'émeut dans l'être qui se souvient, dans l'être révolu qui glisse en traces vives au-delà de lui-même.

Marcel Proust : « Mais, quand d'un passé ancien rien ne sub­ siste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir» (Du côté de chez Swann).

Dans chaque vie intérieure, le sentiment crée ses propres jalons.

La tension de l'âme et sa détente se succèdent lorsqu'elle attend puis accueille une ren­ contre espérée, lorsqu'elle cherche et jouit d'avoir trouvé.

Telle est la présence au monde.

L'attention est comme une prière au spectacle des choses.

Elle se fait tension ferme du regard vers les formes surgies après la pluie, si vives dans la lumière qu'elles dessinent nette.

L'instant est plein, et semble se suffire à lui-même.

Mais la perception vacille déjà dans le souvenir.

Du plaisir le présent a été différé, comme pour en soustraire la fragile émotion aux heures trop hâtives.

Déjà pourtant la trace douce de ce qu'il fut à l'instant s'inscrit dans la mélancolie naissante.

La conscience chavire sans cesse entre espoir et mémoire, impuissante à fixer la présence dont elle rêvait la plénitude.

Un étrange ballet se déploie entre la. »

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