SAINT AUGUSTIN ET LA PATRISTIQUE OCCIDENTALE

« tions à les interpréter; car, tenues par les chrétiens dès l'origine, c'est à eux.

qu'elles appartiennent de plein droit.

Contre les gnostiques encore, Tertullien prône une soumis­ sion totale à la foi, et condamne toute prétention à la juger au nom de la raison; il s'oppose par là même à la réflexion philosophique, à laquelle il impute la paternité des diffé­ rentes sectes gnostiques : de même que les Prophètes sont les patriarches des chrétiens, de même les philosophes sont les patriarches des hérétiques; et c'est pur hasard si les philo­ sophes ont parfois proposé des doctrines qui rappellent celles des chrétiens.

Dans son hostilité à l'endroit de la philosophie, Tertullien s'est laissé emporter à de singulières et célèbres professions d'irrationalisme, qui reposent sur un durcisse­ ment de la position de saint Paul telle qu'on l'a rencontrée dans la Première Epître aux Corinthiens, 1, 17-u, 16; par exemple, de la mort et de la résurrection de Jésus, il dit que le fait est croyable parce qu'il est inepte, et certain dans la mesure où il est impossible; c'est ce que la tradition a expri­ mé en lui attribuant la formule bien connue credo quia absurdum, qu'il n'a d'ailleurs pas écrite en propres termes, mais qui ne force guère sa pensée.

Quant à son anthropo· logie et à sa théologie, Tertullien affiche un surprenant matérialisme hérité du stoïcisme : l'âme est un corps ténu analogue à l'air, ce qui l'engage à supposer que les âmes des enfants, comme leurs corps, sont engendrées par les parents (traducianisme); il explique ainsi la transmission du péché originel, et aussi celle de la ressemblance divine, ce qui lui fait dire que toute âme est naturellement chrétienne (anima naturaliter christiana); Dieu lui-même est un corps extrê· mement subtil, qui a engendré le Verbe comme le soleil fait de ses rayons.

On n'a jamais résolu avec certitude la quaestio vexata de savoir si Tertullien est antérieur ou postérieur, et donc inspirateur ou utilisateur, par rapport à une autre apologie latine, celle de Minucius Félix intitulée Octavius; toutefois, si la substance de ce petit dialogue recoupe souvent celle de !'Apologétique, l'inspiration générale en est profondément différente; car Minucius Félix apparaît beaucoup plus équi-. »