Devoir de Philosophie

Science Po Paris ; Sujet 2010 : Qui est autorisé à me dire « tu dois » ?

Publié le 19/08/2012

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Les commandements reçus des traditions ne peuvent pas valoir du simple fait qu’ils sont traditionnels.  Ici le devoir renverrait à notre sociabilité. Il y aurait des règles générales à suivre et nous en tirerions des avantages. Ici, le devoir serait l’obéissance aux lois et serait la référence au bien commun. Il s’agirait donc de sortir de nos seuls intérêts particuliers et de vouloir le bien commun.  Mais cette idée rencontre une réserve : encore faudrait il que les lois soient justes, puisqu’une autorité politique peut utiliser la loi comme moyen de domination. Alors, ici la loi n’indique pas ce qui est juste. Autrement dit, postuler que la société en tant que telle, par le seul fait qu’elle est une société, pourrait énoncer nos devoirs. Ce raisonnement conduit à l’échec, parce qu’il faudrait que la loi résulte d’une raison des intéressés aptes à énoncer ce qui est juste. Or, l’homme recherche souvent, à partir de sa sensibilité, son avantage. Il es donc insociable, et c’est sa nature qui le gouverne.

« Tout homme a une conscience des actions qui s'imposent à lui dans la mesure où il est un être humain.

Ainsi, si on supposait que le devoir consiste à obéir à uneextériorité, il n'y aurait eu aucun sens à condamner des criminels obéissants.Cf.

la notion de crime contre l'humanité, qui suppose que tout homme doit savoir faire la différence entre ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire.→ souvent les auteurs de ces crimes déclaraient avoir obéi aux ordres et aux lois en vigueurs.

Tel était leur devoir de fonctionnaires : obéir aux lois.

Or l'Histoire n'apas accepté ce système de défense, parce qu'on estime que tout homme doit avoir conscience de son devoir véritable.Accomplir son devoir, c'est être fidèle à ce que la raison nous représente comme juste, et non pas obéir à quelconque instance.Le devoir est donc une fidélité à soi même en tant qu'être doué de raison.Or ce principe postule la liberté : agir librement n'est en effet pas agir selon sa fantaisie, mais un acte découle de la liberté lorsqu'il n'est pas le pur produit d'undéterminisme.

Cet acte a alors une origine volontaire, parce que l'homme peut se représenter la loi morale selon laquelle il agira.Cf.

Rousseau, Le Contrat Social, I, 8 : « L'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté ».→ Autrement dit, se prescrire une loi n'est pas se contraindre.

Un impératif que l'oblige soi-même n'est pas une contrainte forcée.Ex : on peut être forcé de faire quelque chose sous la contrainte afin de conserver sa vie = cette nécessité n'a rien de moral parce qu'on cède devant la force ; et on n'est pas nécessairement libre de faire autrement pour conserver sa vie.Au contraire, lorsque c'est ma propre conscience qui formule un impératif, je suis toujours libre de faire autrement.Le mot « devoir » peut donc désigner deux choses très différentes : la contrainte, qui vient de l'extérieur, et l'obligation, qui émane de l'autonomie du sujet.

Mais lanotion du devoir dans son véritable sens relève de l'obligation et suppose la liberté comme capacité de choisir entre plusieurs possibilités d'action → la libertés'oppose donc à la nécessité.

La liberté est très exigeante, il faut être capable de prendre une décision, et d'accomplir une décision volontaire.

C'est une valeur quiimplique énormément d'exigence, d'où sa contingence.

La liberté suppose en effet un arrachement.Cf.

Rousseau : « Céder à la force est un acte de nécessité et non de volonté, c'est tout au plus un acte de prudence.

»Accomplir un acte est un devoir s'il est aussi possible de choisir de ne pas l'accomplir.

C'est dans cette mesure que vouloir opposer devoir et liberté est une impressiontrompeuse ; c'est parce qu'on est libre que l'on peut avoir un devoir ; et si un devoir s'exprime à l'impératif, ce n'est pas du tout une raison de limite à ma liberté, maisc'est le signe de la présence de la liberté dans un être qui a aussi une dimension sensible, et pas seulement rationnelle.Or notre dimension sensible représente une force susceptible de s'opposer à la raison.

Les lois sont souvent faites pour préserver une loi humaine, et elles empêchentque la raison du plus fort puisse toujours être la meilleure, car les lois peuvent empêcher que la force fasse le droit.

L'obligation d'obéir à la contrainte n'est pasnécessairement un obstacle à la liberté mais plutôt la condition possible de la liberté, car si entre les hommes régnait la loi de la jungle, les hommes seraient réduits àsurvivre selon la nécessité.Il existe donc trois sortes de contraintes :la contrainte de la nécessité.Ex : les lois de la Nature, par ex la loi de gravitation s'impose et ne peut pas ne pas être.

La Nature s'impose ainsi et sans valeur morale.De ce fait, un commandement issu de la force ne s'impose que tant que dure la menace.la contrainte légale.Celle qui est établie par la loi.

Elle n'entrave pas nécessairement la liberté du Sujet, mais évite ses égarements.

Elle nous contraint à être libre et nous protège del'arbitraire.l'obligation moraleElle est différente d'une obéissance purement extérieure à la loi.Cf.

Machiavel « La politique est la continuation de l'éthique par des moyens contraignants.

»L'argument, c'est je peux toujours ne pas obéir à la représentation de mes devoirs, qui ne sont pas du tout des contraintes.

Ainsi, je peux toujours mentir .

De plus, uneaction peut être extérieurement conforme au devoir et ne pas être accomplie par devoir mais seulement par crainte d'une sanction prévue par la loi.Le devoir se distingue d'une contrainte légale, et se définit comme la représentation consciente de ce que je dois faire et donc ce à quoi je m'oblige.

Pour connaîtrequel est mon devoir, il me faut le déterminer à priori par la raison, parce que seule la raison peut établir une légitimité, puisqu'elle n'est pas une instance à coté desautres instances pour prescrire aux hommes ce qu'ils doivent faire.→ il s'agit d'une hétéronomie supplémentaire mais qui découle du principe d'autonomie.

L'essence du devoir se déduit de la raison.Cf.

l'impératif catégorique de Kant : « Agis d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle.

»Autrement dit, si j'accepte qu'un motif ne vaille que pour moi, c'est que je considère que j'ai droit à des avantages particuliers.

Or cela, seule ma sensibilité m'incite àle croire, car il n'y a pas d'arguments rationnels à dire que ce qui vaut pour tous ne vaut pas pour moi.→ l'immoralité consiste à s'autoriser un régime d'exception.En conséquence, il n'y a pas de morale ne valant que pour un individu ou une culture.

Le principe de la moralité réside dans la raison, il est « à priori ».Dans cette perspective, les conséquences de l'action n'ont donc pas à rentrer en ligne de compte pour juger de ce qui est moral ou non.

Le principe de la morale n'estpas le simple sentiment psychologique que j'ai de mes intentions, parce que c'est par la raison que je connais ce qui est moral.Je peux toujours connaître ce qui est conforme au devoir même si je ne suis jamais sur d'avoir agi par devoir.Cf.

Kant : « Je veux bien accorder que la plupart de nos actions soient conformes au devoir ; mais si l'on en examine de plus près l'objet et la finalité, on se heurtepartout au cher Moi qui toujours finit par ressortir.

C'est sur lui et non sur le commandement du devoir que s'appuie le projet dont il résulte.

»Ainsi la volonté doit se déterminer par raison et sans tenir compte d'une inclination sensible.Ex : le mensonge.

Le menteur estime que pour que le mensonge soit possible, il faut une loi selon laquelle on dise ce que l'on pense.

Le menteur ne change pas la loiuniverselle, il ne change que le principe subjectif de son action.Cf.

Kant : « Mentir, c'est tolérer une exception à la loi pour satisfaire une inclination sensible, personnelle.

»Mentir n'est donc pas être libre, mais accepter d'être sous la tutelle des inclinations.

Par ailleurs, on n'agit pas moralement pour satisfaire une inclination ou obtenirune récompense.→ Conditionner le devoir à autre chose que lui même, c'est être hors de la moralité.En effet, agir sans devoir c'est agir sans conditions, humilier son amour propre, se libérer de la tutelle des inclinations.L'enjeu d'un tel sujet nous permet alors de définir l'essence de nos devoirs :le devoir a une exigence d'universalisation.Ex : faire une fausse promesse → on ne peut pas vouloir que cette maxime soit érigée en loi universelle.En agissant par devoir, ce que je veux, c'est d'abord être moi même libre, puisqu'il s'agit d'exclure toute hétéronomie.

Il y a par suite une autre formulation possibledu devoir, celle de Kant : « de traiter l'homme dans sa propre personne, comme dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamaissimplement comme un moyen.

» On peut donc être traité comme un moyen, mais pas seulement.Ex : le travail.Autrui peut toujours être utilisé comme un moyen, mais ce sans jamais sacrifier le respect qui lui est du.le devoir a aussi comme exigence une fin en soi et le respect.La dernière exigence du devoir c'est celle d'autonomie.Je suis l'auteur de la loi morale, elle ne s'impose pas de l'extérieur et personne d'autre que moi ne peut se substituer à moi, pour décider moralement.

L'obéissance à laloi d'un autre peut engendrer des actions, extérieurement conformes au devoir mais pas véritablement morales, càd accomplies par devoir.Faut-il par ailleurs ne pas se préoccuper des conséquences de l'action ?La conséquence doit bien rentrer en ligne de compte pour évaluer la moralité ou l'immoralité de l'action.

Simplement, les conséquences d'une action ne sont toujours. »

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