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Sciences & Techniques: Charles Babbage, le père visionnaire de l'informatique

Publié le 22/02/2012

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Il manquait à l'industrie de l'informatique moderne un père fondateur. Elle adopta Charles Babbage. Avait-elle de bonnes raisons ? S'il ne réussit jamais à mener à bien ses projets de machines, ses plans avaient sans doute de quoi séduire les informaticiens d'aujourd'hui. Pour justifier le propos, il suffisait de trouver l'occasion. En 1991, c'est chose faite. On célèbre donc, en grande pompe, le bicentenaire de la naissance de Babbage. Les grandes sociétés informatiques financent la construction de sa machine, d'après ses plans originaux, et parrainent l'exposition commémorative du Musée des sciences de Londres.* La presse salue " l'architecte de l'informatique moderne ". Et la Poste britannique le fait entrer au panthéon de la philatélie, pour 22 pence.Un jeu de quatre timbres commémore les réussites scientifiques du pays : Charles Babbage, Michael Faraday (l'électricité), dont il partage le bicentenaire, Franck Whittle (le moteur à réaction) et Robert Watson-Watt (le radar). En élevant Babbage au rang de héros national, l'industrie s'identifie ainsi ouvertement à une figure historique du siècle dernier.

« paraît identique et indépendant de nos différences subjectives.

La science qui, à travers ses méthodes, peut accéder à la certitude,tout comme son contenu, libre de toute valeur, constituent ainsi les bases implicites de l'éducation scientifique moderne. La séparation entre le contenu de la science et l'homme est désormais acquise.

L'homme n'entre pas dans les sujets de prédilectionde la science " dure ", comme la physique.

Lorsque je tombe d'un avion, un physicien ou un mathématicien appliqué, spécialisé enbalistique ou en cinétique, s'intéresse à ma vitesse finale sous l'influence de la gravité , à ma densité ou à mon volume.

Il s'intéresse à moi comme il s'intéresse à une pierre. A la fin des années 1820, époque où Darwin étudie la médecine à Edimbourg, la relation homme-science est tout autre.

L'amalgame entre science et politique suscite de féroces polémiques.

La science et ses preuves pénètrent les débats sociaux au même titre quela religion, la philosophie et la morale.

Elle sert ainsi à dissocier mérite et privilège. Aux privilèges héréditaires, aux protections et aux faveurs, on oppose la phrénologie.Les talents de chacun ne se jugent pas à laforme du crâne; les relations sociales et les " naissances nobles " ne dotent pas automatiquement de talents supérieurs.

Aucapitalisme, on fournit une justification morale en recourant à la première théorie de l' évolution et à ses notions de compétition entre les espèces - la nature accordant à tous une liberté compétitive.

Aujourd'hui, le débat a évolué.

Il a aussi quelque peu perdu de sacharge politique.

Intellectuels, artistes et écrivains ont récemment commencé à explorer les relations entre la mécanique quantiquemoderne et le post-modernisme. En 1833, William Whewell crée le terme " scientifique ".

Dans un essai sur la professionnalisation de la science, Jack Morell note qu'ilsert alors à distinguer ceux qui explorent le monde matériel de ceux qui traitent des domaines littéraires, religieux, moraux etphilosophiques.

Le terme, dès l'origine, a une fonction de séparation.

Quelque temps après, émerge la notion de pluralité dessciences, adoptée très vite par la première élite victorienne.

Tout ce qui est connu ou peut l'être peut se maîtriser.

Être un je sais toutn'est pas encore présomptueux. Mais à l'époque de Babbage, au moment où la science se fragmente en spécialisations, il devient inconcevable qu'un seul praticienpuisse maîtriser l'ensemble du savoir scientifique.

De facto , la spécialisation proscrit l'ignorance savante.

Le concept d'unicité de la science vole en éclats en même temps qu'elle se développe.

Science et religion s'accusent de tous les maux et se disputent lecontrôle de l'ordre du monde.

La géologie condamne, preuves à l'appui, les leçons de théologie naturelle sur l'âge de la terre .

Les théories de l'évolution prédarwinienne viennent se dresser contre le Livre de la Genèse . On parle aussi des miracles.

S'ils gênent la science rationnelle, étant, par définition, des événements de cause inconnue, ils sont,pour la religion, les preuves manifestes de l'omnipotence divine et assurent...

d'excellentes Relations Publiques. Parce que les perturbations, les singularités et les phénomènes imprévisibles défient la rigueur des doctrines déterministes, la sciencese voit donc contrainte de s'attaquer aux miracles.

Elle ne s'y attelle qu'en dilettante, et surtout, avec un incroyable manqued'imagination.

Certains, dont Babbage, tentent, avec d'infinies précautions, d'expliquer les événements miraculeux par la théorie de laprobabilité.

En attribuant au terme " miraculeux " le sens de " improbable ", les phénomènes sans cause évidente entrent alors dansle domaine des statistiques . Pour Babbage, il s'agit de comparer la probabilité mathématique de survenue du miracle lui-même avec celle d'avoir, parmi lesmultiples dépositions recueillies, des témoignages authentiques - c'est-à-dire ni falsifiés ni erronés.

Bien qu'obscur, le raisonnementaurait certainement séduit le Gradgrind de Dickens.

Tenter de réduire le miracle à un nombre prouve en effet un courage manifeste! Sur sa lancée, Babbage évalue aussi la probabilité numérique de la Résurrection : 1 sur 200000 millions! D'aucuns y verront peut-être uneallusion à l'absurdité swiftienne.

Mais pour ce fervent rationaliste, il n'en est rien : les plus grandes vérités sont mathématiques etseules les preuves empiriques fournissent les bases solides de la croyance. C'est ainsi que sa machine à différences va illustrer avec force le rôle joué par un objet dans l'histoire des idées.

Après dix années deconception et de fabrication, elle ne fonctionne pas.

La crédibilité de Babbage s'effrite.

Pour redorer son blason, il charge soningénieur, Joseph Clément, d'assembler une petite section de la machine à différences n° 1, à partir des centaines de piècesdétachées déjà achevées. En 1832, " la portion finie de cette machine non achevée ", est exposée dans l'atelier de sa maison de Dorset Street, à Marylebone. Les samedis soirs, Babbage y reçoit l'élite sociale, littéraire et intellectuelle londonienne venue admirer les curiosités artistiques ouscientifiques.

Si certains membres de ce groupe privilégié viennent dans l'espoir d'exposer leurs inventions et leurs projets au gratin dela science, de la littérature et des arts, d'autres ne se préoccupent guère de l'avancement de l'esprit.

Ainsi, le géologue Charles Lyellpresse-t-il Babbage d'inviter le colonel Codrington, de passage en ville, dont on dit la femme " très jolie ".

Le même Lyell pousseDarwin, de retour de ses cinq années d'aventure sur le Beagle , à assister aux soirées de Babbage où il pourra y côtoyer l'intelligentsia du moment et surtout, de " jolies femmes ". Pour divertir et instruire ce beau monde, Babbage met en scène sa machine à différences.

Grâce à elle, et devant un public émerveillé,il entend réconcilier les notions d'ordre rationnel et d'événements miraculeux.

La machine suit une règle simple.

A chaque manœuvrede la manivelle, les nombres gravés sur les roues croissent de deux en deux.

Captivés, les spectateurs voient défiler la séquence : 0, 2, 4, 6...

Après plusieurs répétitions, la confiance gagne les invités.

Tous sont capables de prédire le nombre suivant. Et pourtant, après une centaine de répétitions, il se produit un événement remarquable.

Par la simple action de la manivelle, et sansaucune intervention sur la machine elle-même, le nombre croît, non plus de 2, mais de 117.

Vous voyez, dit Babbage en seretournant, pour vous, spectateurs, ce bond apparaît comme une violation de la loi, c'est-à-dire de la loi de progression de 2 en 2.Mais, avant la démonstration, j'ai programmé la machine de sorte qu'après 100 répétitions, il s'ajouterait non plus 2 mais 117.

Pourmoi, le programmateur, la discontinuité n'est pas une violation de la loi mais la manifestation d'une loi supérieure, connue de moi seul.. »

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