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SIRVENTES de Bertran de Born. (Résumé et analyse)

Publié le 08/11/2015

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SIRVENTES de Bertran de Born.

 

Dans son De olgare eloquenza, Dante distingue trois sortes de poètes : les « poètes de l’amour » dont le plus fameux, écrit-il, fut le provençal Arnaud Daniel (v. Chansons d’Arnaud Daniel) ; les « poètes de la rectitude », à tendance moralisante, tel Giraut de Bornelh (Poésies de Giraut de Bornelh), et les « poètes des armes »,

dont le type accompli fut Bertran de Born, chantre passionné de la guerre, qui naquit entre 1135 et 1140 et mourut sous la bure comme Bernard de Ventadour, entre 1202 et 1213. Cette réputation guerrière de Bertran est attestée par ses biographes : « Il s’acharne, constate l’un d’eux, à prouver que la paix est pour l’homme un déshonneur ». C’est Bertran, si l’on en croit

 

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le même auteur, qui suscita la guerre entre Henri II d’Angleterre et son fils : « Je veux, aurait dit le troubadour, que vous soyez toujours en guerre, le fils contre son père, et tous les autres membres de la famille ». Tel est bien le « semeur de discorde » que Dante nous dépeint au XXVIIIe chant de 1’ « Enfer ». Dante accuse Bertran d’avoir déclenché la guerre entre les Plantagenet, et sans doute le poète italien a-t-il puisé à la légende, quelque peu excessive, répandue par les troubadours. Bertran n’en fut pas moins mêlé aux luttes qui opposèrent la féodalité provençale à son suzerain étranger, le roi d’Angleterre, et ce dernier au roi de France. Et de même, il prit part aux luttes entre le comte Raymond V de Toulouse et Alphonse II, roi d’Aragon, aux conflits entre Henri II et ses fils, puis de ses fils entre eux, et à tous les conflits inextricables dont l’ensemble, au dire d’un chroniqueur, ne formait plus qu’ « une seule immense guerre sans souffle et sans pitié ». Il n’est pas jusqu’à Bertran lui-même qui ne soit entré férocement en lutte avec ses voisins, et même avec son frère Constantin, pour la possession du château de Hautefort. Entraîné dans le tourbillon d’une guerre perpétuelle, le troubadour a laissé une œuvre toute vibrante des tumultes de son époque. On ne saurait donc sous-estimer l’aspect politique de cette poésie. Gardons-nous, cependant, de donner - comme l’a fait la critique du xixe siècle - au rôle et à l’influence des troubadours dans ce domaine une importance qu’ils n’eurent pas. C^est ainsi que Thierry voit en Bertran de Born le héros de l’indépendance de l’Aquitaine et un précurseur de l’idée moderne de nationalité. S’il n’eut pas les vastes vues politiques qu’on lui a prêtées, Bertran a, du moins, célébré la guerre comme l’occupation qui sied le mieux à un noble chevalier à qui elle procure gloire, honneur et profit. Sa manière de voir et de juger, passablement au-dessous des visées politiques profondes, est celle d’un petit féodal dont l’ambition se contente des problèmes strictement locaux ou personnels.

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