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Suffit-il d'être le plus fort pour être le plus libre ?

Publié le 27/02/2005

Extrait du document

A la résistance qu'il faut surmonter, à la peine qu'il en coûte pour arriver en haut. Le type le plus élevé de l'homme libre doit être cherché là où constamment la plus forte résistance doit être vaincue » (Le crépuscule des idoles, §38). Ainsi la liberté est le propre de volontés fortes que Nietzsche appelle « volonté de puissance ». A l'inverse, l'homme faible, pauvre en vie, n'est pas libre puisque sa volonté ne parvient pas à vaincre les résistances.   Transition : -          On a donc une équation force = liberté où chaque fois que l'une grandit, l'autre aussi : la force mesure ma liberté (ma « marge » d'actions possibles) et la liberté annonce que je suis fort. -          Intérêt philosophique : la domination ou la contrainte ne sont pas des fatalités : en principe au moins, je dispose de l'énergie suffisante pour me débarrasser de toute forme d'obstacle ; l'homme qui n'est pas libre, est celui qui n'a pas fourni d'effort pour l'être. -          Cependant, notre équation nous met aussi dans une situation où il n'y a de liberté, et donc de droits, que dans l'instant où ma force est avérée. Pour le dire autrement, il n'y a de justice qu'actuelle : est juste tout ce qui est déploiement de la force en acte -          Penser que l'accroissement quantitatif de force suffit à me rendre plus libre, implique alors une instabilité politique : le pouvoir revient à celui qui s'impose mais sans être jamais garanti qu'un autre ne va pas le surpasser, et ce dernier peut lui-même être aussi menacé par un autre, lui-même susceptible d'être menacé, etc. -          Finalement 2 problèmes liés : à qui revient le pouvoir politique ? Est-on encore libre dans une société où l'on peut être sans cesse être destitué de ses biens ?

Remarques sur l’intitulé du sujet :

-                      Le sujet est de la forme « Suffit-il d’X pour Y « ; or, « Suffit-il « = est-ce la seule condition ? ; une fois, X donné, Y est-il immédiatement donné avec ou bien faut-il autre chose ?

-                      Donc on veillera à ne pas dissocier d’emblée force et liberté : la force rend possible une certaine liberté )→ = présupposé du sujet ; la question consiste seulement à demander si cela est assez pour être libre.

-                      Difficulté tient à l’expression  « être le plus « : en quoi la liberté est-elle susceptible de degré comme la force ? Comment peut-elle être quantifiée ?

-                      Si « être le plus fort « ne pose pas de problème a première vue (le maximum de force = le minimum de résistance), qu’est-ce qu’être « le plus libre « : quand atteint-on le plus de liberté ? est-ce quand on ne rencontre aucun obstacle (ce que justement permet la force) ?

-                      Finalement, le sujet invite à s’interroger sur une certaine conception de la liberté : il n’y a de liberté qu’en acte, qu’au travers de prestations effectives (celles où rien n’arrête mon mouvement). Donc, « être le plus fort suffit-il pour être le plus libre « = le maximum de liberté n’est-il atteint que lorsque un mouvement ou une action n’est pas arrêté (=là où on rencontre le plus de force) ? Il faut donc voir si cette conception n’est pas restreinte : ne faut-il pas que nos actions soient au préalable réfléchies, orientée par la pensée ? La liberté n’est-elle pas aussi dans le but que l’on se fixe avant d’agir ?

-                      Enjeu : qu’est-ce que pouvoir ? Où est la puissance véritable ?

 

Problématique : on admet volontiers que la force permet de surmonter toute forme de résistance ou d’obstacle. Ainsi, la force est libératrice : elle nous délivre de toute sorte de contrainte. C’est ce qui s’appelle « pouvoir « : je peux, j’ai la liberté de faire telle chose parce que je ‘en suis pas empêché. Cependant, une telle conception du pouvoir est-elle complète ? Car qu’est-ce que la force si elle n’est pas orientée, dirigée par l’intelligence ? Etre le plus fort suffit-il pour être le plus libre (pour pouvoir au maximum) ou bien la véritable puissance nécessite-t-elle le concours de la pensée ?

« politique : le pouvoir revient à celui qui s'impose mais sans être jamais garanti qu'un autre ne va pas le surpasser, et ce dernier peut lui-même être aussi menacé par un autre, lui-même susceptible d'être menacé, etc.- Finalement 2 problèmes liés : à qui revient le pouvoir politique ? Est-on encore libre dans une société où l'on peut être sans cesse être destitué de ses biens ? 2- IL NE SUFFIT PAS D 'ÊTRE LE PLUS FORT POUR ÊTRE LE PLUS LIBRE a) Quelle est la vraie puissance ? 2 conceptions possibles : 1) celle mentionnée : puissance = force ou capacité d'agir sans être empêché 2) puissance = la capacité de commander...à soi-même, je peux parce que je suis maître de moi. L'entretien entre Socrate et Calliclès dans le Gorgias de Platon confronte explicitement ses deux positions (la 1 ère étant représentée par Calliclès et la seconde par Socrate).

La thèse de Socrate est la suivante : la force est unecondition nécessaire (en tant qu'elle est manifestation de la puissance réelle) mais elle n'est pas suffisante pour être parfaitement libre : elle nécessité le concours de l'intelligence, c'est-à-dire la participation d'une réflexion préalable sur les fins qu'on se donne . Après avoir défendu la thèse selon laquelle la justice consiste en ce que le plus fort ait plus et le plus faible moins, c'est-à-dire en ce que la force soit droit, Calliclès est ainsi amené à faire l'éloge de l'intempérance : la valorisation de la tempérance est ruse du faible pour culpabiliser le fort, l'empêché de jouir de ses droits acquis par sa force même,et donc une tentative pour limiter sa liberté.

Or Socrate va montrer à Calliclès que la tempérance n'est pas une faiblessemais la condition essentielle de la liberté : tout pouvoir, déployer sa force au gré de ses désirs, c'est par là même ne rienpouvoir.

Pour ce faire, il va souligner la vanité d'une valorisation du « plus » illimitée. Une limite n'est pas seulement une borne contraignante qui interdirait tout débordement, mais c'est aussi une fin (télos ): être limité c'est être fini.

Or la fin d'une chose, en est aussi l'achèvement au sens d'accomplissement.

Dès lors, tant que j'ignore quelle est ma fin, je ne suis pas achevé, parfait.

Ainsi, le tyran dont la liberté est sans limite estaussi impuissant : ce qui est sans limite est sans borne et donc sans point d'arrêt où se satisfaire. Il n'y a donc pas de puissance là où la liberté est totale car, dès que la liberté se transforme en licence, la force devient nulle : tout pouvoir c'est du même coup ne rien pouvoir.

b) être le plus fort = motif propre à la guerre de chacun contre chacun Si force et liberté coexistent et entretiennent un relation de proportionnalité, 2 difficultés : 1) nous entrons alors dans une logique de la liberté comme domination 2) aucun pouvoir politique stable ne peut s'installer.

Tel est ce queHobbes met clairement en évidence dans sa description de l'état de nature.

A l'état de nature, les hommes sont absolument libres (il n'y a pas de lois car il ‘ny a pas d'état).

Dès lors,comme le préconise Calliclès, la force fait loi : elle est la mesure de l'étendue de mes droits.

Cependant, Hobbes faitremarquer que chacun dispose d'une force naturelle égale (la force physique pouvant être vaincue par « quelque secrète machination » ou par des individus plus faibles mais qui se seraient associés).

Or de cette égalité naturelle découle une égalité dans l'espoir d'atteindre nos fins qui est source de discorde : si deux hommes désirent la même chose et qu'il ne peuvent en jouir tous les deux, ils deviennent ennemis » et c'est la force en acte qui va décider.

Conséquence : laguerre, c'est-à-dire un temps où, la disposition au combat étant avérée (puisque je peux sans cesse être destitué demes biens), « la vie de l'homme est malheureuse, pénible et brève ».

C'est donc pour mettre un terme à cette guerre que les hommes se sont dotés d'un « pouvoir commun » et ontrenoncé à leur droit illimité et du même coup, mis un terme à la loi du plus fort.

Transition : - Finalement, il n'y a pas de stricte proportionnalité entre force et liberté : l'homme le plus fort n'est pas le plus libre puisque 1) il ne peut rien s'il ne se donne pas une fin préalable (= pose à sa puissance un terme) 2) il vît sous lamenace permanente de devoir faire valoir ses droits par la bataille.- Conséquence : la liberté n'est pas seulement en acte ; elle ne réside pas seulement dans le déploiement d'une force mais elle implique un certain concours de la pensée.

Mais que signifie une telle liberté « intérieure », c'est-à-diredont les effets ne sont pas directement observables ? 3- LE MAXIMUM DE LIBERTÉ RÉSIDE DANS LA CAPACITÉ À SE DONNER SA PROPRE LOI Certes, nous ne pouvons être libre que lorsqu' aucune détermination extérieure à notre volonté ne vient peser sur nos actions ; en cela, la force est libératrice : elle est capacité de vaincre les obstacles.

Toutefois, il n'en reste pasmoins que cette force ne serait rien si elle se suffisait à elle-même, c'est-à-dire si la liberté ne trouvait son achèvementque dans le seul fait d'être exempté de toute forme de contrainte.

Ainsi pour Kant, l'alternative à la causalité naturelle(qui est, par excellence, ce contre quoi, par définition, je ne peux rien) ne réside pas dans l'absence totale dedéterminations, mais consiste à pouvoir se soustraire à cette causalité à condition de la remplacer : autrement dit, je nesuis pleinement libre que lorsque je suis pleinement auteur de mes actes : pouvoir = se montrer aussi nécessaire commeprincipe de ses actions que la nature de ses mouvements.

Pourquoi ? Parce que lorsque je déploie ma force, j'inscris mon action dans l'ordre des phénomènes , dans la dimension physique des choses soumises au déterminisme naturel, il n'y a de ce point de vue là aucune réelle liberté. Au contraire, en étant autonome, en me donnant une loi, je suis libre parce que cette action n'a pour cause première que moi-même, ma volonté. On voit donc qu'être le plus libre, c'est être le plus autonome, capable de remplacer avec le même degré d'efficacité modale la causalité naturelle.

Donc s'il y a implication d'une force, ce ne peut être qu'au sens d'un pouvoir de développer une « auto-causalité » , d'agir avec une rigueur aussi implacable que celle des phénomènes naturels.. »

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